Débarrassé de mon costume, je peux enfin arpenter les rues d'Addis Abeba en toute sérénité. Petit bermuda, polo, appareil photo sous le bras, me voici dans les habits du touriste, les yeux levés, la démarche lente, l'esprit observateur. Fini le bus, je me décide à marcher vers les entrailles de la ville.
Je voulais voir l’Éthiopie, la vraie. Et je me retrouve avec un petit air français. « La gare » est l'une des attractions de la ville. C'est aussi l'un des seuls mots que je connais dans la langue locale, étant donné qu'ils ont choisi le vocabulaire de Molière. Je me retrouve donc devant le chemin de fer djibouto-éthiopien, construit au tout début du siècle par les Français, soucieux de pouvoir commercer avec le cœur de la Corne Africaine, eux qui étaient installés à Djibouti. C'est le seul chemin de fer construit dans le pays. Malheureusement pour moi, je ne pourrai pas l'emprunter lors de mon prochain voyage prévu dans le nord du pays, la liaison ayant pris fin il y a quelques années. On annonce ça et là que des travaux vont bientôt être entrepris (l’Éthiopie est un pays enclavé, beaucoup de ses marchandises arrivent ou partent du port de Djibouti).
Juste devant la gare, le lion de Judah, l'un des symboles du pays, que l'on retrouve sur chaque pièce de monnaie. Il a été volé par les Italiens pendant la période d'occupation du pays, avant d'être rendu en 1960. Il symbolise la royaute.
Du côté de l'histoire, il y a également ce drôle de monument avec une étoile rouge, et ses hommes tenant des armes et un drapeau. Je me dis que ça fait assez communiste comme représentation. Pas loupé, c'est le mémorial de l'amitié cubano-éthiopienne. Sur la Churchill Road, bravo !
Je grimpe tout doucement vers le cœur de la ville. Le soleil est à son zénith, il est agréable de se balader (le soir même, j'observe sans grande surprise les coups de soleil sur mes bras et mon visage). Je surplombe enfin la ville, j'observe le mélange des mosquées et des églises orthodoxes.
La circulation est dense, mais ce n'est rien en comparaison de la semaine. L'air est suintant, je me faufile entre les gaz d'échappement et la crasse au sol.
J'y suis enfin. Le cœur de la ville, ses entrailles, Mercato Market. C'est le plus grand marché ouvert de la Corne de l'Afrique (et même d'Afrique selon Wikipedia !). 13 000 personnes y travailleraient (chiffre officiel, mais à mon avis les organisateurs en ont un tout autre !). Les rues s'enchaînent à n'en plus finir, les commerçants crient et t'appellent « you you you ! ». On y trouve toutes sortes de produits, de l'alimentation à la ferraille, des jouets en plastique à un âne vivant. C'est un mélange d'odeurs comme on n'en fait nulle part ailleurs en ville, les épices et la viande, la chaleur et... la nausée ! Les étalages sont très nombreux mais on y vend aussi à même le sol. Les prix sont ridiculement bas pour un Occidental comme moi. Après plusieurs dizaines de minutes sur place, je confirme la rumeur : je suis bel et bien perdu au milieu de ce bazar ! Je prends des petites routes, puis des petites ruelles, puis plus de chemin du tout. J'ai l'impression d'entrer chez les gens, de me faufiler entre les murs. La foule est oppressante, et mieux vaut ne pas être agoraphobe. Je descends en direction des immeubles que je connais, là-bas, tout au loin. Les enfants me frappent dans les mains, les adultes me donnent l'accolade. J'ai encore une fois l'impression d'être en campagne pour les municipales, à arpenter le marché et à parler de la météo. Une grande route, un carrefour et un rond-point plus loin, voici mon chemin.
Mercato Market, c'est un peu le must to do. C'est Addis Abeba, comme le grand bazar peut être Istanbul ou les Halles Paris. C'est le lieu d'échanges par excellence, de produits, de saveurs, d'odeurs, et d'idées. C'est un résumé de l'Afrique, c'est un résumé d'Addis. On aime ou on déteste, mais ça ne laisse pas indifférent.
Je vous laisse, il y a la messe de Pâques...