28 avril 2015 2 28 /04 /avril /2015 08:57

Il y a dix ans de cela, d'immenses manifestations se sont déroulées à Addis Abeba, Éthiopie. Des manifestations qui ont pris un tour violent : de 200 à 400 personnes ont été tuées.
Mercredi 22 avril, trois jours après l'annonce de l'assassinat de 27 Éthiopiens par l’État Islamique, une immense manifestation a été organisée par le gouvernement. En vérité, cette manifestation a surtout pour but de réguler la colère qui s'est emparée de la population. Des Éthiopiens sont tués au Moyen-Orient, des Éthiopiens sont tués en Afrique du Sud. Et aujourd'hui, des migrants éthiopiens sont tués en Libye. « Et que fait-le le gouvernement ? » C'est la question que l'on pose beaucoup ici. La veille, mardi 21 avril, alors que je rentrais à pied vers chez moi, j'ai observé une route coupée, et une grande foule rassemblée. Cette route, c'est celle de l'une des familles des victimes.

Alors en ce mercredi 22 avril, à Meskel Square, c'est la foule des grands jours. Enfin, faut dire qu'il n'y a pas trop le choix. La police vous invite gentiment à aller à la manif, fait le tour des quartiers et rassemble tout le monde. Comme à chaque fois que le gouvernement veut quelque chose, il l'obtient. Et si vous n'y allez pas, c'est sûrement que vous êtes dans le parti d'opposition. Et là, forcément, vous aurez des problèmes.

Le premier ministre commence son discours. Mais au lieu de parler des événements de Libye, il évoque le développement du pays, le terrorisme intérieur, les élections à venir... la foule hurle son mécontentement. Ça ne se fait pas ici. Les religieux au premier rang de la manifestation quittent les lieux. L'ambiance se tend, et la foule se rue vers le premier ministre, qui se met à bégayer.
Et comme au bon vieux temps, la police arrive, et stoppe les manifestants. Si la police n'avait pas été là ? « Le premier ministre était lynché » selon un manifestant. Les policiers déjà bien tendus commencent à jouer de la matraque. Ça cogne dans tous les sens, les femmes et les enfants d'abord. Les manifestants répliquent avec le lancer de pierres. L'intifada est dans la place mais le rapport de force est déséquilibré. Des gens sont à terre, ça frappe avec les chaussures. Le matos de la police est magnifique, tout neuf.

 

Des manifestants vont se réfugier dans l'église. Ils y restent deux heures, le temps que ça se passe. La police n'oserait pas rentrer, sinon le lendemain il y a une révolution (le poids de l'église orthodoxe est très important dans le pays). En sortant, on peut voir 1600 policiers, alignés en deux lignes de 800. En passant devant le Hilton, dans les jardins de la Bank of Ethiopia, des journalistes blancs sont pris à parti par le police. Même scène, les journalistes à terre, la police qui frappe de bon cœur.

Autour de l'université l'armée est également déployée. Interdiction de sortir. C'est pareil dans les universités du nord du pays. Il y a dix ans, les grosses manifestations avaient débuté dans les universités, on ne prend pas de risque.

Mercredi après-midi, je reçois un mail de l'ambassade comme quoi il ne faut pas se rapprocher de la manif. Ils sont marrants, et en retard de plusieurs heures. La manif est terminée. Les rumeurs annoncent deux morts, mais pas de bilan officiel. Le nombre de blessés est également inconnu. Les vidéos font le tour de la toile. Mais le gouvernement les regarde également avec beaucoup d'attention.

Vendredi soir. Panne de courant géante. Enfin, on croit. Mais dans le même temps, grosse vague d'arrestations (300 personnes ? Plus?) dans les parties d'opposition, notamment chez le « Blue Party ».

 

Des élections ont lieu le mois prochain. Pas de suspense, le parti au pouvoir FDRPE va gagner. Vive la démocrature.

Un mois en démocrature : les manifestations de Meskel Square
Un mois en démocrature : les manifestations de Meskel Square
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