Il est de ces soirées où tout nous semble possible, où le monde nous paraît si petit, où chaque barrière semble être franchissable. Certains ont cette sensation après quelques verres d’alcool, d’autres s’injecteront un peu d’héroïne. Moi, ça me vient comme ça, après un bon film.
Ce soir, j’ai envie d’être fou, de prendre la voiture et d’aller entendre le bruit des vagues, la fureur de l’océan. J’ai envie de goûter la neige fraîche en haut d’une montagne, et de mettre mes pieds dans un ruisseau. Je me vois sur une plage tropicale après avoir pris un ticket d’avion au hasard, et sans prévenir qui que ce soit me barrer de l’autre côté du monde. Ce soir, j’en ai un peu ma claque de regarder mes journées défiler sans arrêt à la station folie. Toutes ces minutes perdues, toutes ces semaines remplies de médiocrité. Ce n’est pas mon idée de la vie, ce n’est pas comme cela que je la conçois.
C’est un éloge de la folie. Un poème à la vie.
Je ne me sens jamais autant vivant que dans ces décisions. Que lorsque l’idée étriquée arrive dans mon cerveau. Je me vois déjà la réaliser, la vivre, et je souris à la vie, à cette folie. Bon Dieu, que tout le monde puisse connaître ce sentiment. Parce que décider d’un tour du monde, c’est presqu’aussi génial que de le vivre. Parce que nager dans un lac glacé c’est se réchauffer le cœur pour des années. Parce que lever le pouce sur une route de France, c’est lever le pouce au monde qui nous entoure. Le bonheur est ainsi fait chez moi. Et ce que je recherche chez l’autre, c’est bel et bien ça. Parce que la première question que je pose parfois s’intitule : « c’est quoi le moment le plus fou de ta vie ». Un soir, à Bordeaux, deux filles m’ont répondu que c’était d’être allé manger chez des gens qu’elles ne connaissaient pas.
Nous sommes dans une société qui ne nous encourage pas à vivre nos rêves les plus fous. Il faut être plus terre à terre, plus réaliste, moins utopiste. Je me souviendrai toujours de la première réaction de mon père lorsque j’ai dit que je voulais faire un tour du monde : « redescends sur Terre un peu ». Car les tours du monde ça n’existe pas. Pas chez nous en tout cas. Mais moi, je ne veux pas redescendre sur Terre, je veux justement voler, à plusieurs kilomètres de haut, et que l’on me balance d’un avion en plein vol, un parachute sur le dos. Je veux avaler les nuages, aspirer l’air glacé et faire l’oiseau. Je veux foncer à plusieurs centaines de kilomètres heure, que mes oreilles aient l’impression d’être dans un bocal, et que mes yeux pleurent de bonheur.
Bon sang, nous n’avons qu’une vie. Si demain on nous annonce une mort imminente, qui nous laisse une semaine à vivre, que ferons-nous ? Toutes les folies que nous nous interdisons pourtant. Nous laisserions l’honnêteté prendre le dessus, dirions merde aux gens qui nous font chier et je t’aime aux gens que nous aimons. Nous quitterions notre boulot, et partirions avec des amis le temps d’un week-end. Tout le monde trouverait du temps pour toi, car tout le monde saurait que tu n’es là qu’un petit bout de temps encore. Eh ! Mais c’est justement le principe de la vie ! Une semaine passe vite, et une vie, encore plus. On se faisait la réflexion récemment avec un bon copain, le temps accélère, toujours. On pense que ça va finir par ralentir un jour, mais c’est une lutte perdue d’avance. La première vitesse a été passée lors de notre première année de vie, la deuxième lors de la deuxième, et la cinquième lors de la cinquième. Depuis, on roule en sixième, à 230 km/h (en vérité, à 1670 km/h, puisque c’est la vitesse de la rotation de la terre !).
Bon, il est minuit, je vais me coucher. La folie attendra la fin de ma thèse.