9 octobre 2016 7 09 /10 /octobre /2016 19:28

Cet article est destiné avant tout aux amateurs de 4-3-3, de 10 à l’ancienne et de libéro. Il s’adresse aux passionnés, à ceux qui peuvent se remémorer un but, une action, un arrêt, dix ans après les faits. Ceux qui ont encore la chair de poule en évoquant cette victoire des derniers instants, ce but du temps additionnel. A ceux qui aiment le football.

Aujourd’hui, en Zambie, c’est l’une des seules conversations que j’arrive à lancer : le ballon rond. Hervé Renard est l’attraction phare, et pour cause, c’est lui qui entraînait l’équipe nationale lorsque le pays a gagné la Coupe d’Afrique des Nations, en 2011. C’était la première victoire du pays dans une compétition, et je peux encore voir la joie dans les yeux brillants de mes interlocuteurs lorsqu’ils me narrent cette folle nuit de bonheur et la présentation de la coupe aux chutes Victoria. J’ai l’impression que c’est tout le pays qui était heureux le temps d’une victoire. Même ceux qui n’aiment pas le football se souviennent. Vous en connaissez beaucoup, vous, des moments de bonheur qui rassemblent un pays ? Personnellement, je n’en vois pas. C’est peut-être bien le seul, même en France.

L’Euro fut un exemple. Les cafés étaient remplis, les gens étaient dehors, dans les fans zones et, bien sûr, dans les stades. Certes, les mauvaises langues évoqueront les hooligans à Marseille ou le coût de l’événement, aux bénéfices de grandes multinationales et de l’UEFA. Ils n’ont certainement pas tort. Mas j’ai eu la chance d’aller voir 3 matchs. J’ai vu des milliers d’Ukrainiens venir à Lille en bus, traversant l’Europe, pour venir encourager leur équipe. Je les ai entendus chanter, je les ai vus sauter. Et j’ai pensé à la Crimée et au conflit qui ravage l’Est du pays depuis deux ans. Quoi d’autre que le ballon rond pour oublier, un instant, ces souffrances.

Je suis ensuite allé voir France-Irlande à Lyon pour le compte des huitièmes de finale. D’avance j’aimais ce peuple d'Irlande, ces chanteurs nés, dans la victoire comme dans la défaite. Et j’ai vu la France rencontrer ce peuple vert. J’ai participé à la fête, j’ai chanté les chants irlandais pendant que les hommes en vert chantaient des chants français. J’ai vu une communion, européenne. C’est quoi l’UE, alors que le Brexit venait de tomber ? Son plus beau visage était là, la rencontre des peuples. Ils ne parlent pas vraiment la même langue, si ce n’est celle du football. Les Irlandais ont encouragé leur équipe, les Français ont fait de même, les Bleus ont finalement gagné, et tout ce beau monde est reparti bras-dessus bras-dessous, comme des vieux amis, se souhaitant bonne chance pour la suite, et merci pour ce moment.

Ode au ballon rond

Pour la demi-finale, j’ai fait 1000 bornes aller et 1000 bornes retour sur deux jours afin d’être à Marseille le jour J, et voir ce France-Allemagne. Ça peut paraître fou. Dans mon covoit du retour, une fille avait fait la même chose. Je n’étais donc pas le seul fou. Loin de là. J’ai vu des Bretons traverser la France pour ce match, j’ai vu des habitants de Hambourg et de Berlin faire de même. Vous imaginez beaucoup de situations où vous seriez prêts à faire 2000 kilomètres de voiture en deux jours pour 1h30 de plaisir ? On peut critiquer l’impact environnemental des 60 000 spectateurs. On également se poser la question des confrontations nationales en sport, certains y voyant une nouvelle forme de guerre, d’autres pensant que c’est une question de vie ou de mort, ou que c’est plus important que cela. La question peut se poser, mais j’ai des témoins qui peuvent prouver mon amour pour l’Allemagne, autant que pour la France. Mais, ce soir-là, avec un drapeau européen, j’étais bleu, j’étais corps et âme avec « mon » équipe, j’ai souffert avec elle le temps d’une mi-temps et j’ai explosé avec tout un stade, avec tout un pays, lors du deuxième but. J’ai sauté au-dessus d’une barrière, j’ai couru 30 mètres et 3 types que je ne connais pas sont venus m’embrasser. Ecrire ce moment, c’est avoir le frisson et, limite, les larmes aux yeux.

Certain(e)s ne comprennent pas et ne comprendront jamais cette ode au ballon rond. Je m’en désole et je les plains. Car cette balle et ce terrain, ce sont certains de mes plus grands moments de joie sur cette planète. Ce le sont lors de ces grands matchs, mais ça l’est aussi le dimanche, avec les copains, sur les terrains de district ou du FC Tilques. J’ai passé une année à perdre des matchs chaque dimanche matin, parfois par plus de dix buts d’écart. Et j’en redemandais. J’en veux encore de ces terrains boueux et de ces contrôles ratés. J’en rêve parfois la nuit, je me perds dans des pensées footballistique lors de mes longs trajets en bus, j’imagine une action, un but, un dribble. Et je souris, souvent. Ce soir, après avoir vu une rediffusion d’un match du Barça, je n’ai d’ailleurs qu’une envie : taper dans un ballon.

 

Au football, qui mélange les peuples et les milieux sociaux, pour toutes ces joies et ces peines que tu m’as procurées et que tu me procureras, j’espère, encore longtemps. Tu es l’une des plus belles inventions de ce monde, tu es compris au fin fond de l’Afrique et, même si je ne suis pas sûr que ton évolution actuelle puant le fric soit bonne, tu resteras la possession de tous les amateurs et passionnés. Comme moi. Et comme toi, qui a lu ces lignes.

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