Amis des classiques français, bonjour ! Là, on est dans l'intemporel, et même sans les avoir lus, vous connaissez certains titres.
Alfred de Musset, Les caprices de Marianne
Coelio, amoureux de Marianne, femme de Claudio, et vertu incarnée, Difficile dans ces conditions de lui trouver une solution. Mais Octave, son meilleur ami, et cousin de Claudio, est persuadé qu'il va réussir. Avec persévérance, mais aussi naïveté, il croit renverser une situation amoureuse, sans se rendre compte de son erreur.
Pièce assez classique, rapide (2 actes) et qui manque sans aucun doute d'originalité. Les raisons du changement d'esprit de Marianne sont esquissées, il manque peut-être un acte supplémentaire pour donner du corps (et du coeur) à l'intrigue.
Extrait : "Vivre pour une autre me serait plus difficile que de mourir pour elle".
Alfred de Musset, On ne badine pas avec l'amour
Le titre en soi mérite que je m'y attarde. Badiner avec l'amour. Quelle belle expression. Qui annonce la couleur, l'humeur, les coeurs, les malheurs. Le baron ramène dans son château son fils et sa nièce, bien décidé à les marier. Perdican a reçu une grande éducation à Paris, mais il revient sans avoir changé. Son village et ses ami(e)s lui ont manqué, et les moments de sa jeunesse restent gravés dans sa mémoire. Mais pour son ancienne comparse et promise Camille, les choses ont bien changé. Décidée à entrer au couvent, elle met une barrière physique et psychologique avec la vie du château, et donc son cousin. Celui-ci reste profondément amoureux de sa cousine, et de ses souvenirs. Il prend comme décision de se rapprocher de Rosette, jeune villageoise de son âge qui accepte de se remémorer et de revivre leur jeunesse. La fin est dramatique.
Amusant grâce aux personnages du gouverneur et du curé, mais surtout très fort grâce aux confrontations Perdican/Camille. La dernière scène de l'acte 2 est grandiose, amour et religion se faisant face dans un débat comme j'en ai rarement lu. La dernière réplique de Perdican dans cette scène mériterait d'être citée en entier. Un coup de coeur pour cette pièce, alors que le théâtre est toujours loin d'être agréable à la lecture. Il faut que j'aille voir des classiques joués sur les planches, par curiosité.
Extraits : "Je me suis élevé de quelques pieds vers le ciel, et vous vous êtes courbés de quelques pouces vers le tombeau".
"Je ne suis pas assez jeune pour m'amuser de mes poupées, ni assez vieille pour aimer le passé".
Guy de Maupassant, Contes de la bécasse
A la suite d'un repas de chasse, le convive ayant été désigné pour manger les têtes des bécasses s'engage à conter une histoire. Maupassant se propose ici de rassembler les meilleurs. En vérité, ces contes sont ceux qu'il a publiés lors de l'année écoulée (1882-3) dans deux journaux. Leur point commun ? La grande majorité traite de sa Normandie. Hormis cela, la thématique vagabonde, avec quelques comédies cinglantes (Ce cochon de Morin, Farce normande, Les Sabots...) mais aussi des drames. Pierrot est ainsi le prénom d'un chien jeté dans un puits, agonisant pendant plusieurs jours. La rempailleuse est l'une des histoires d'amour les plus cruelles qu'il m'ait été donné de lire. En mer évoque la perte d'un bras par avarice. Et puis il y a la guerre de 1870, ancrée dans la mémoire collective, et évoquée dans La folle, Saint-Antoine ou L'aventure de Walter Schnaffs, les deux premiers contes étant sanglants, tandis que le dernier évoque avec un immense sarcasme une grande victoire française. Il est question d'amour (Menuet), parfois filial (Le Testament, Aux champs, Un fils) mais aussi de religion, plutot moquée (Un normand). Enfin, il y a La peur, que j'ai un peu moins saisi.
Mes quatre contes préférés (je voulais faire un top 3, mais ce fut difficile !) : Ce cochon de Morin pour sa légende, Pierrot pour le drame, Un fils pour la souffrance, L'aventure de Walter Schnaffs pour l'absurde.
C'est mon quatrième livre de Maupassant (Une vie, Pierre et Jean, Bel-Ami). Le style, dû au format, est différent. L'emploi du patois est régulier, ces passages me plaisant particulièrement. L'ensemble se lit aisément, et si on ne peut forcément pas développer le caractère des personnages, c'est tout de même agréable de faire varier les sujets, et donc les plaisirs. L'idée des nouvelles me plaît bien du coup.
Extrait de L'aventure de Walter Schnaffs : Tout ce qui est doux dans l'existence disparaît avec la vie.
Charles Baudelaire, Le spleen de Paris
Après les fleurs du mal, voici mon second recueil de poèmes de l'autre grand Charles. Enfin, peut-on vraiment parler de poèmes ? Des pensées, certes. Mais sans réel rythme, sans rime. L'ensemble est saccadé, et alterne quelques bons passages avec du passable. On sent le dépressif. On sent aussi le talent. Je me régale parfois de simples oxymores, "éloquence muette" et surtout la "Sainte prostitution" (on n'a pas fait mieux depuis !). Les 50 textes abordent la capitale, vue d'en bas : les miséreux et les caniveaux, les artistes délaissés et les filles enchaînées. Il y a parfois de la méchanceté qui transparaît (le mauvais vitrier, assommons les pauvres). Il y a aussi l'envie de s'en aller, de déguerpir, de voyager, là bas, où les heures plus lentes contiennent plus de pensées (l'invitation au voyage), de prendre la mer (déjà). Baudelaire rêve de liberté, et d'amour.
Et puis il y a ce petit texte, pour moi le chef d'oeuvre du livre : "Mon beau chien, mon bon chien, mon cher toutou, approchez et venez respirer un excellent parfum acheté chez le meilleur parfumeur de la ville". Et le chien, en frétillant de la queue, ce qui est, je crois, chez ces pauvres êtres, le signe correspondant du rire et du sourire, s'approche et pose curieusement son nez humide sur le flacon débouché ; puis, reculant soudainement avec effroi, il aboie contre moi, en manière de reproche.
"Ah ! misérable chien, si je vous avais offert un paquet d'excréments, vous l'auriez flairé avec délices et peut-être dévoré. Ainsi, vous-même, indigne compagnon de ma triste vie, vous ressemblez au public, à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l'exaspèrent, mais des ordures soigneusement choisies".
Lecture parfois difficile (besoin de relire 3 fois les phrases pour comprendre l'idée), avec un vocabulaire très soutenu et varié. L'ensemble reste toutefois inégal, et, surtout, vaguement poétique.
Pierre Corneille, L'illusion comique
Il me semble avoir lu Le Cid dans ma jeunesse, mais j'avoue que ma mémoire me fait défaut. Du coup, je considère un peu ce livre comme mon premier Corneille. Et quel livre ! Je râlais il n'y a pas si longtemps du dénominatif de poésie donné au Spleen de Paris de Baudelaire, et voilà que je me retrouve face à une pièce de théâtre en vers ! Woh ! J'étais un peu inquiet au départ, craignant que cela n'alourdisse le texte. Mais pas du tout, au contraire. L'histoire reste limpide, et je me suis délecté du talent de l'auteur pour la rime. Un chef d'oeuvre technique.
L'histoire est celle d'Isabelle, désirée par tant d'hommes mais qui choisit Clindor, simple second d'un drôle de capitaine. Elle quitte tout pour lui, amis, famille, argent et titre. Mais l'heureux élu finit par fricoter avec la femme de Florilame. La scène semble tragique. Elle est suivie de près par Primadant, père de Clindor, qui n'est pas au bout de ses surprises. La chute finale est intéressante et change des tragédies-comédies classiques. 5 actes, 1824 vers de plaisir.
La prochaine fois, je serai philosophe !