C'est le moment stressant. Ton prof t'amène ta copie. As-tu réussi ? Toi même tu n'en es plus très sûr. Et le couperet tombe...
Je fais deux types d'évaluation. D'abord les fils rouges : une petite interrogation à chaque début de cours, qui dure en moyenne 3-4 minutes. Les élèves ont deux questions au tableau, ils répondent de manière brève à quelque chose qui concerne le cours précédent. L'objectif pour moi et pour eux : qu'ils apprennent au fur et à mesure (à savoir quelque chose que je ne faisais pas à leur âge... hum hum...). C'est noté sur deux points, et ça s'accumule assez vite (ils gardent la même feuille à chaque fil rouge). Ce n'est pas très compliqué et les notes sont plutôt bonnes à chaque fois : dans mes deux classes de première ES par exemple, une seule élève n'a pas eu la moyenne. Pour les autres, ça fait quasiment toujours monter la moyenne à la fin du trimestre. Pour moi la correction est très rapide : soit c'est bon, soit c'est faux, car les questions sont plutôt précises. Du coup, je corrige mes copies pendant le cours, et c'est fait en dix minutes (pendant que les élèves travaillent sur des exercices ou quand ils écrivent le cours projeté au tableau).
L'autre évaluation est globale. Elle se déroule en fin de chapitre, et doit notamment permettre de voir si les élèves ont compris le cours et maîtrisent certaines compétences. Au première trimestre, j'ai insisté sur la compréhension des documents et la méthode de réponse à ces questions. L'évaluation était donc toujours des questions de documents. Au deuxième trimestre, j'insiste sur le commentaire de document. La méthode est totalement différente, puisque c'est un travail d'écriture (introduction, plan construit, conclusion). Du coup les évaluations tournent autour de ça. Au troisième trimestre ce sera la dissertation, c'est à dire au revoir les documents, et tu te débrouilles avec une question. Je n'interroge donc pas sur la dissertation alors que je n'ai pas encore travaillé dessus, j'essaie d'être un peu logique.
Je me retrouve donc avec 36 copies de 1ère ES chez moi. Comment je procède ? Pour les questions de documents, j'ai déjà un barème affiché sur les sujets. Pas de surprise pour les élèves. C'est bon, tu as tous les points. C'est à peu près bon, tu en perds un petit peu. Etc. Pour le commentaire de document, ça peut parfois paraître un peu subjectif. Je fonctionne ainsi : 5 points pour l'introduction (accroche /1, présentation des documents /1, contexte /1, problématique /1, annonce du plan /1), 2 points pour la conclusion (réponse à la problématique /1, ouverture /1). J'explique avant l'évaluation mon barème, les élèves ne sont pas surpris non plus. Reste 13 points à distribuer. Souvent je mets un point sur le fait d'avoir respecté le plan annoncé, six points pour la première partie, six points pour la seconde partie, avec des idées ou mots clefs. Sujet sur la première guerre mondiale, guerre totale : il faut m'avoir parlé du front (tranchées, la mort omniprésente, les conditions de vie...) et de l'arrière (économie de guerre, propagande, les femmes...). Si tu m'as fait tout ça, et que tu as justifié chaque idée avec le document, je ne vois pas pourquoi je ne te mettrai pas une très bonne note. J'ai encore en souvenir un prof à l'université qui nous avait dit : « c'est un excellent exposé, je vous mets 13/20 ». On était énervé. Et, en effet, il n'est jamais passé au-dessus du 13. Moi, je note sur 20. L'année dernière, pour le bac, j'ai corrigé 35 copies de 1ère S. Et j'ai mis plus de dix notes à 18, 19 et 20. J'écris souvent « bravo ! » sur l'appréciation finale de ces copies. Et régulièrement « oui », « bien », « très bien », « excellent » dans la marge. Ca, c'est le côté chouette, ton élève a compris ton cours, la méthode et tu as l'impression d'être un bon prof utile. Et puis il y a les mauvaises copies...
Là, le travail de correction est un peu différent. Je passe du temps à donner des conseils, et effectuer les corrections. « Essaie d'être plus précise ». « Tu ne respectes pas la méthode de l'introduction : accroche, présentation des docs, contexte, problématique, plan ». « C'est bien, mais ce n'est pas la question que j'ai posée ». Oui, je positive. Et je positive toujours dans l'appréciation finale : vous ne me verrez jamais écrire « t'es nul ! » ou « idiot ! ». Non, l'école change ! J'écris quasiment exclusivement des conseils : « voilà ce que tu peux faire pour obtenir la moyenne ». Ou encore, « voilà ce qui te permettra de progresser ». De même, je ne barre pas en gros, en rouge, en écrivant 0 dans la marge. Je n'écris plus 0. Je fais un trait. Ça ne change rien, le résultat est le même me diriez-vous. Peut-être. Mais je sais que certains élèves peuvent avoir ce traumatisme du 0. Car voir dans une copie où vous avez écrit 4 pages 0, 0, 0, 0, 0 dans la marge, ça fout un coup au moral. A partir de là, l'élève peut se dévaloriser, se dire, je suis nul de toute façon, j'arrête de travailler cette matière (tous les élèves ne fonctionnent pas ainsi, mais ça arrive). D'où l'idée de les motiver en regardant un peu le positif, et en regardant les pistes de progression. De même, j'essaie d'éviter au maximum de mettre en-dessous de 5/20. Ce n'est pas toujours facile, mais je note un peu comme au bac, dès la première : tu respectes la méthode, sans connaître ton cours. D'accord, ça vaut 5. Bon, copie presque blanche, je ne peux pas faire grand chose, sauf en parler avec toi le jour de la remise des copies. J'ai aussi tendance à trouver un demi-point bonus quand tu as 9,5, histoire de franchir la barrière symbolique.
Pour la correction, en classe, je la fais avant de rendre les copies. Toujours. Indispensable. Deux idées : montrer aux élèves pourquoi ils ont eu ou pas des points. Aussi, refaire un point sur le fond du cours et sur la méthode. Enseigner c'est répéter !
Trois choses que je me refuse à faire :
- mettre des points de soin ! Une injustice sans nom ! Parce que tu écris bien, tu mérites un point de plus ?! Que dalle ! (non, ça n'a pas du tout rapport avec le fait que j'ai une écriture de cochon et que je n'avais jamais ces points)
- enlever des points pour les erreurs de français. Les élèves sont DEJA notés par leur prof de français, je corrige certaines des fautes, mais je refuse d'enlever des points parce que tu n'as pas bien conjugué ton verbe ! (non, ça n'a pas du tout rapport avec le fait que je faisais énormément de fautes de français et que j'en fais encore!)
- faire des interrogations surprises. Cher-e-s collègues qui en font encore, il faut ARRETER ! Je suis désolé d'insister, mais ça ne sert à RIEN ! Plus tard, dans le monde de l'entreprise, les élèves n'auront pas un dossier surprise à remettre en cinq minutes. Notre objectif, c'est que les élèves apprennent leur leçon, à quoi ça sert de vouloir les piéger ? Tu veux qu'ils apprennent, dis-leur qu'il y a un petit devoir, et ils le feront. Tu veux qu'ils apprennent au fur et à mesure ? Fais des petites interros de deux minutes au début de chaque cours, mais préviens-les ! Je ne comprends pas, vraiment.
Au final, deux réflexions. La première concerne la sensation que tu as quand ta classe s'est plantée. En fait, c'est toi le professeur qui t'es planté. Si toute la classe n'a pas la moyenne, ça vient de toi. Je ne comprends pas les collègues qui ne se remettent pas en question tout en foutant 5 de moyenne à toute la classe. Il y a un problème quelque part. Ca m'est déjà arrivé : je revois mon barème. Et j'insiste sur les choses que j'ai apparemment plutôt mal expliquées. On n'est pas des êtres parfaits, nous aussi on fait des erreurs de méthodologie !
La seconde est bien plus large : le système de notation doit-il perdurer ? Là, c'est un débat de fond sur un concept très français (mais aussi très intégré à l'international) qu'un travail à l'école mérite une note. Au collège les choses ont un peu évolué sous le précédent gouvernement avec les couleurs vertes, oranges, rouges etc pour valider les compétences, comme ça se fait en primaire. Au final, à titre personnel, je pourrais très bien corriger mes copies de la même façon sans mettre de note : juste l'appréciation finale. Le résultat est le même, et c'est ce qui compte vraiment. La note « récompense » les bons élèves, et elle peut être perçue comme une punition par les mauvais. Je pense que ma mère, ancienne prof, a une vision un peu différente de la mienne sur le sujet, comme beaucoup de collègues. Y-a-t-il un système parfait ? Sans doute pas. Mais réduire l'importance de la notation me semble être une bonne idée. Encore faut-il convaincre les parents et la société dans son ensemble, à savoir tous ceux qui ont eu des notes et qui veulent savoir ce que leurs enfants valent. A mon avis, ils valent mieux que ce système.