Nous sommes 5. Elle, moi, et mes trois demi-enfants (pour simplifier). Et l'idée incongrue d'effectuer un road-trip en Turquie n'est pas tout à fait mienne. C'est Elle qui était motivée, c'est Elle qui m'a motivé. 3 semaines devant nous, une Fiat avec 500 km au compteur, de la crème solaire, casquettes et chapeau, et l'envie d'en découdre avec un pays que je connais finalement très peu (mon seul passage remonte à 2009, et il a duré 2 jours d'un tour d'Europe très riche).
Après avoir longé la mer de Marmara depuis l'aéroport d'Istanbul, nous traversons le détroit des Dardanelles, haut-lieu d'une déroute franco-britannique pendant la première guerre mondiale (merci Churchill!). Peu de trace visible de cet épisode (je n'ai pas vu de cimetières militaires par exemple, mais peut-être n'étions nous pas sur la bonne zone), et ce qui nous marque est plutôt le nouveau pont (inauguré en 2023... oui, la section centrale fait 2023 mètres, et il n'est pas encore tout à fait terminé!). Un symbole, un passage entre l'Europe et l'Asie. Les paysages sont méditerranéens, les champs d'oliviers et de tournesols se succèdent, tandis que nous arrivons sur la côte égéenne.
Troie est un mythe. Homère y est pour beaucoup, Henri Schliemann, l'archéologue découvreur des lieux, n'aide pas, et nous nous retrouvons sur un site antique riche (10 strates d'occupation) mais sans la réelle certitude d'être à Troie ! (le nom de la ville n'a pas encore été retrouvé lors des fouilles!) Alors nous regardons ce cheval reconstitué en pensant à cette belle Hélène qui aurait fait basculer toute la région dans une guerre homérique, puis visitons un très bon musée consacré à la recherche archéologique sur l'ensemble de la côte.
A Pergame (Bergama de nos jours), pas de doute, la ville est bien là ! Ce royaume antique, qui succède à Athènes en tant que grande puissance de la région au IIIème siècle avant J-C, est connu pour son invention du parchemin et le fait d'être un temps la capitale de la province d'Asie de l'empire romain. Superbe théâtre à flanc de colline, et beau site archéologique.
Quant à Ephèse... Le site est clairement exceptionnel, et il se partage : il faut arriver tôt, si vous ne voulez pas être emporté par un flot de croisiéristes américains ! Nous avons un peu de chance, nous visitons le théâtre et la bibliothèque avant leur arrivée. Le décor est somptueux, tout comme les maisons en terrasses, qui nous rappellent Pompéi. Juste à côté, la ville de Selçuk est agréable. On y trouvait à l'époque le temple d'Artémis, l'une des sept merveilles du monde antique (il ne reste honnêtement plus rien d'intéressant) mais aussi la basilique Saint-Jean : l'apôtre serait mort à Ephèse, tout comme Marie, la mère de Jésus, qui l'aurait accompagné jusque là (on reste au conditionnel). Selçuk est aussi la ville des... cigognes ! J'ignorais leur présente (massive) dans cette zone de Turquie !
Où dormir ? Chaque soir, la question se pose. Rien n'est réservé, rien n'est planifié, on avance au rythme des visites et, sans Internet et sans GPS, la recherche est parfois mouvementée (« c'est l'aventure »!). Nous sommes 5, et nous alternons entre 1 et 2 chambres, selon les disponibilités. Les hôteliers sont parfois surpris de nous voir ; « vous avez une réservation ? » étant régulièrement la première phrase entendue, et leur regard est encore plus interloqué quand ils voient les trois enfants. On voyage en mode « le monde d'avant internet », quoique... quand je sors ma boussole, c'est plutôt le monde d'avant avant avant avant internet ! L'offre est pléthorique, notamment dans les villes balnéaires, ici à Kusadasi ou ensuite à Bodrum.
On y traîne assez peu la journée, et repartons dans la campagne, découvrir le parc de Dilek et la péninsule de Datça. Des lieux merveilleux et encore assez calmes. Randonnée, baignade, eaux cristallines, pique-nique sur la plage, programme validé par l'ensemble de la tribu.
Après 5 jours à longer cette belle mer Egée, nous plongeons dans les terres, direction le diptyque Hiérapolis/Pamukkale. Un site original, combinant à la fois une curiosité naturelle et un site archéologique. Le second est déserté des touristes lors de notre présence, nous permettant de traverser cimetière (1 200 tombes!), aqueduc et théâtre en toute sérénité.
Quant au site naturel de Pamukkale, c'est dingue et c'est blindé. La foule est concentrée autour de l'entrée, il suffit de marcher 250 mètres pour s'en éloigner. Qu'est-ce que ce « château de coton » ? Des sources d'eau chaude (entre 35 et 55°C) déversant du sel calcaire depuis des milliers d'années. Cela a créé des bassins en cascade. C'est fou ! L'eau a une couleur incroyable et le site était déjà visité par... les Romains ! (ce qui explique Hiérapolis juste à côté).
La première semaine aura été rythmée, avec 1 500 bornes au compteur et un bon aperçu de la Grèce antique... euh, de la Turquie. Les enfants apprécient les visites, et de se baigner tous les jours (étonnant, non ?). Et, ce qui est chouette, c'est qu'il nous reste encore deux semaines !