22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 09:30

Je me souviens d'un temps pas si lointain où parler ch'ti faisait penser que nous étions beaufs, ou sous-éduqués. Où mon professeur de primaire, par ailleurs grand défenseur de notre terroir, reprenait chaque mot patoisant pour le corriger. Il faut parler "en bon français", c'était une règle. C'est mieux pour votre futur job, c'est mieux pour votre future vie.

 

Je n'ai pas reçu de coup de règle sur les doigts mais mes grands-parents ont eu le droit à cette expérience, que ce soit par rapport au flamand ou au ch'ti. Celui-ci n'était clairement pas à la mode, et on se moquait même très souvent des gens qui ne parlaient que ce dialecte.

 

2008, Bienvenue chez les ch'tis. 20 millions d'entrées plus tard, voilà que notre patois fait une entrée fracassante dans les langages à la mode. Fini le verlan, le ch'ti est pratiqué de Marseille à Strasbourg, et même dans la capitale si moqueuse d'ordinaire. Du coup c'est nous, les Nordistes, qui nous moquons des "hein" entendus par milliers, comme si toute la population du Nord l'utilisait. Ce film caricaturait certains de nos travers, pour faire rire.

 

ch-ti-par-Milev.jpg

 

Seul problème, ces caricatures ont la vie dure. Je ne compte plus les émissions de télévision où la scène se passe dans le Nord-Pas-de-Calais. Spécial tuning. Spécial je suis un sosie. Spécial je fais de la muscu. Spécial on nous fout la honte dans toute la France.

 

 

Je ne me suis jamais senti ch'ti. J'ai un bon copain, exilé sur Paris, qui, déjà à l'adolescence, était fier de ses racines. De mon côté je voyais plutôt les points négatifs : pluie, chômage, alcoolisme. Ducasse, foire, beaufitude.

 

Je me sentais un peu plus ch'ti quand j'étais à l'étranger, ou autre part en France. Pourtant on ne remarque pas mon origine géographique. Je n'ai pas l'accent. Je le perds une fois franchi le panneau Nord-Pas-de-Calais. Je le reprends revenu ici, notamment quand je parle avec ma petite soeur. Mais je n'ai pas encore tout. Encore récemment, au tournoi de sixte de l'Essor, quelqu'un m'a repris parce que je prononçais vingt "vin", et non pas "vinte".

 

Etre ch'ti, ce n'est pour moi que beaucoup de désavantages. Le taux de chômage le plus élevé de France. 12,8% au dernier trimestre 2010. Dans ce chiffre, 1/4 étaient des moins de 25 ans.

 

 

Et puis des Russes sont venus me rendre visite à Tilques. Ils succèdent à une Américaine ou une Finlandaise. Et j'ai pris grand plaisir à leur faire découvrir ma région, du Phare au lac d’Ardres. Une région que je ne connais finalement que trop bien. Des carnavals de Dunkerque à la grand place d’Arras. De la gare d’Hazebrouck au carrefour de l’accident de Douai. Du site des Deux-Caps à la métropole lilloise et ses bars-boîtes. Je connais parfois chaque petit village, chaque lieu insolite. Saint-Omer n'a plus de secret pour moi et j'en connais la moitié de la population, et forcément un Polonais ou deux. Blockaus d'Eperlecques et la Coupole. Les boves d'Arras ou la maison natale du Général. J'ai beau faire l'anti-ch'ti, je connais la plupart de ces mots, quand la voiture est carquée et tisaut kess sa di ? Fin benache ! Et même si je ne suis pas supporter de Lens j'ai des frissons en entendant « Les corons ». Je reprends à tue-tête « Quand la mer monte » et je connais les répliques de Dany Boon par coeur. Un peu de welsh, un bout de maroilles, une bêtise et voici un repas équilibré (enfin presque).

A l'étranger je parle de ma région comme d'un lieu d'amitié infini, même entre inconnus. D'une mentalité bien différente à celle de la capitale. De celle qui vous fait dire bonjour à tout le monde dans la rue même si on ne se connait pas.

 

Alors finalement, du fond de mon coeur, je dois me l'avouer, je suis un ch'ti. Comme tout le monde ici. Sans trop s'en rendre compte. Si ce n'est que loin des yeux, loin du coeur, je pense souvent à ma région natale, avec une petite pointe de tendresse. Ah, si vous veniez dans le Nord, je vous montrerais cette chaleur humaine... A ne pas perdre.

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
<br /> <br /> fan de cet article<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre