27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 12:26

Plusieurs fois j'ai rêvé de ce moment, de cette ville, de cette Erasmus. J'entendais déjà l'accent du Kent résonnait dans mes oreilles, le musicien de High Street qui gratte sa guitare au rythme d'un vieil hymne local et le bruit des vagues de Douvres lorsque je débarquerai. Je sentais déjà l'odeur du pub venir au coin de mes narines, l'odeur de l'Angleterre pluvieuse et de sa nourriture qui ferait pleurait des francophones. Je me voyais déjà en haut de Parkwood, à observer cette ville aux milles P1060973.jpg plaisirs. J'imaginais la cathédrale et son silence abyssal ou les Erasmus et leurs cris enchanteurs.

Ici, c'est chez moi. J'y ai nombre de mes plus grands souvenirs. C'est ma ville, elle m'appartient. Du moins, elle m'a appartenu. Alors la retrouver ce fut comme repartir sur le terrain de Tilques ou entrer dans Ribot. Chaque endroit, chaque
m2 rappelle un souvenir particulier : un acte, une parole, un fou rire, une pensée. High Street c'est la rue centrale, celle que j'ai parcouru le premier et le dernier jour. Ces deux fois-là, j'ai pensé à Xavier dans l'Auberge Espagnole qui explique que la rue qu'il découvre aujourd'hui, il la parcourera des dizaines, des centaines, des milliers de foi sans plus y faire attention, il se l'aura approprier. Et puis le dernier jour, tu repars dans cette rue et tu l'observes à nouveau, parfois même des détails t'avaient échappé. Tu te rappelles de ce premier jour où tu t'étais dit que ça allait bien se passer ici, que la ville était jolie. Tu te forçais un peu à le dire car en vérité tu avais un grande peur au fond de toi de ce qui allait se passer ici, comment ça allait se dérouler...

Revenir 14 mois plus tard fut un aboutissement, une sorte d'obligation voir même de soulagement. Car il est difficile dans la vie de tous les jours de parler de cette période. Personne ne peut comprendre ce qui s'est passé là-bas pour toi. Certains ont vécu des vies similaires mais ils n'ont pas les mêmes souvenirs, les mêmes rencontres. Alors depuis je me retiens d’évoquer ces moments, sauf avec Elle. Mais il y a un manque de ces personnes qui ont marqué la meilleure année de ta vie (pour le moment). Repartir à Canterbury c’est également évoquer avec ceux et celles que tu as côtoyé le retour à la réalité. Le retour à la vie normale. Le retour à des heures décentes. Le retour à des soirées contrôlées. Le retour à un monde sans drogues, histoire de fesses et avec du boulot en prime. Alors avec eux nous nous sommes remémorés les meilleurs moments, les plus grands souvenirs que j’avais parfois classés dans un tiroir et jamais feuilletés depuis. Beaucoup n’était pas là, 80 y étaient. C’était bien suffisant puisque les principaux étaient là. Elle bien sûr, Mister Sean qui m’a offert sa maison et son odeur si habituelle, Alicia et sa tatch’ légendaire, Alfonso le coureur de jupon, Paolo monsieur l’organisateur, Orsane la folle, Lucile la chaude, Elena la comique, Ben l’alcoolique. Les français, les anglais, les espagnols, les italiens… l’Europe s’ouvrait véritablement à moi une nouvelle fois. Les échanges continuaient pour cette poignée de privilégiés qui pouvait reprendre une bonne dose de drogue pure qui leurs avait tant manquée.


Lendemain matin, c’est le grand jour. Nous sommes allées chercher notre robe et direction la cérémonie pour notre remise de diplôme de l’université du Kent dans la cathédrale de Canterbury. Sur la route les gens nous observent, les petits collégiens français nous regardent les yeux grands ouverts, nous, tellement British. Nous arrivons dans une petite pièce à côté de la cathédrale, P1060977.jpg nous sommes classés de 1 à 300. Tous prêt pour un moment qui sera unique. Nous partons à la file indienne et entrons dans la cathédrale, remplie pour l’occasion. La musique résonne, la foule observe, mon cœur bat la chamade dans un lieu si grand pour un être si petit. Nous avançons jusqu’au niveau du transept puis tournons sur la gauche pour prendre le déambulatoire et s’asseoir déjà heureux d’un moment qui restera gravé. La cérémonie est très cérémonielle, ainsi plusieurs petit groupes de personnes entrent sous la musique. Des docteurs de l’université, des professeurs, des personnes de Canterbury. Une femme entre avec un sceptre, un homme arrive avec une perruque de Lord. Louis XVI n’a pas eu la tête coupée ici, cela s’en ressent.

Puis, un à un les élèves entendent leur nom résonner et vont chercher leur diplôme : l’école de danse contemporaine de Londres débute, d’autres universités suivent puis l’université de Kent termine. Entre les deux un discours d’une éternité qui aura valu le coup lorsqu’une femme s’avança et avoua que l’un de ces ancêtres fut l’un des assassins de Thomas Becket, mort à quelques mètres de ses propos. Un bruit de rumeur parcoure la foule et un bas « oooooooohhhhhhh » retentit. Le reste, c’est un somnifère par voie orale.

Soudain, l’événement tant attendu se rapproche. On nous demande de se lever et de marcher dans le déambulatoire en direction de l’autel. Un à un les quelques dizaines d’Erasmus vont aller chercher leur diplôme. Elena est un peu avant moi et lorsque son nom retentit c’est plusieurs cris et des « wououou » qui surgissent. Le public est notamment composé d’Alicia, Paolo, Alfonso… Puis je vois peu à peu mon tour se dessiner.

  P1060975.jpg« Jérémy R. ». « WOUOUOUOU ». « Et merde ». J’avance serrer la main d’un inconnu qui sert des mains depuis une heure. Je me retourne, vois le public, vois mon diplôme. Je prends le diplôme (ô combien mérité) puis traverse dans le sens inverse la cathédrale de par son centre, avec les centaines de regard plongeant sur moi, prêt à rigoler lors d’une éventuelle chute. Je croise les yeux d’Alfonso, d’Alicia, de Paolo, d’Adeline, d’Erminia. Je fais quelques sourires malgré l’énorme boule qui fait la balance entre mon ventre et ma gorge. Je repars m’asseoir. Là, c’est moi qui fait un « ouah ».

Les derniers moments s’enchaînent très vite, nous quittons la cathédrale dans la même procession que lors de notre entrée. Je profite une dernière fois de ce majestueux édifice et le quitte sans regret. A la sortie c’est les photos de groupes et le lancer des chapeaux.

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