J+1. Hier matin, nous étions sur la ligne de départ. Plus de 5000 participants prêts à en découdre avec les 21,1 kilomètres de la métropole, avec les pavés et les faux-plats. Il y avait des Kényans, qui courent une heure. Et puis il y avait les autres, qui courent un peu plus longtemps. Dont moi.
Je restais sur un temps réel d'1h38 et 30 secondes. C'était l'année dernière. Alors cette année j'avais revu mes objectifs à la hausse. Finir le semi était une obligation, faire un meilleur temps également. 1H35 et surtout 1H30 étaient le plan du jour.
Sur la ligne de départ, j'étais plutôt bien positionné. Comme j'avais fait moins d'1h40 l'année dernière, je bénéficiais d'un sas de départ. J'étais un peu un VIP. Cela m'évita la cohue traditionnelle du départ quand on est un peu plus éloigné de la ligne.
Très vite je repère un monsieur avec un panneau 1h30. Ils sont plusieurs à courir avec un sponsor et un panneau indicatif au-dessus d'eux. Cela permet à des personnes comme moi, avec un objectif, de calquer leur course sur ces personnes. Alors je me mets à ses côtés.
Très vite je vois que le rythme est élevé. Au-dessus de mes rythmes d'entraînement. Mais c'est la course, alors c'est logique. Je continue à côté du groupe 1h30. Lorsque je me laisse un peu aller à suivre mon propre rythme je perds très vite quelques mètres sur le groupe. Alors je relance, très régulièrement.
Autour de nous, le public de la braderie nous encourage. J'ai l'impression qu'ils sont un peu moins nombreux que l'année dernière. La plupart du temps, ce sont des encouragements précis, des spectateurs qui connaissent un coureur. Je vois et entends la Truquet connection, Sophie et Max, Rémi qui va dans quelques minutes se lancer pour les 10 km.
Vient le 8ème kilomètre. Le rythme du groupe 1h30 est trop élevé. Je le sens, je le sais. Je décide un peu à contre-coeur de le laisser filer. Pas énormément. Au 10ème kilomètre, je suis en 43'20. Pour réaliser 1h30, il faut 43 minutes. 20 secondes de retard, ce n'est pas un drame.
Le drame, c'est mon corps. Je suis à court de souffle. J'étais en surrégime. Je le paye. J'ai un point au niveau du cœur. Je dois ralentir l'allure. De toute façon, je ne pouvais pas tenir. Au douzième kilomètre, j'ai mal au genou droit. Comme lors de mes deux derniers entraînements. Je soupçonne un début de tendinite. Le moral descend au niveau des chaussettes. Je vois la Truquet connection, j'ai moins le sourire. Je fais un signe, l'air de dire « je suis mort ».
Ma traversée du désert durera jusqu'au 14ème kilomètre. Pendant ces 4 kilomètres j'ai perdu de vue le groupe 1h30. Puis je me suis fais dépasser par des centaines de coureurs, sans en dépasser un. J'avais l'impression de ne plus avancer, de ne plus pouvoir accélérer. Plusieurs fois je me suis dit que j'allais abandonner. Ne pas pouvoir suivre le groupe 1H30 fut une réelle déception, telle que je ne voyais plus l'intérêt de continuer. Aux deux ravitaillements suivants, j'ai bien mangé. Je me suis arrêté pour boire mon verre d'eau. Ça m'a requinqué.
Au 15ème kilomètre, j'ai repris mon souffle. Et puis je me suis rappelé mes objectifs de base. Il faut finir le semi-marathon, et il faut un meilleur temps que l'année dernière. Mon corps suit, je peux à nouveau accélérer. Du côté de la citadelle, lieu qui fut ma grande souffrance l'édition précédente, je double pas mal de coureurs. Avec l'aide de mon chrono, je vois que je suis sur 1h37 et 30 secondes. Il me reste 4 kilomètres, je réaccélère un peu pour finir sans regret.
La ligne d'arrivée est là, et je passe sous les 1h36. 1H35 et 33 secondes, temps réel. J'ai donc gagné 3 minutes par rapport à l'année dernière. Classement : 830ème.
Une fois passée la ligne d'arrivée, j'ai récupéré mon moral. J'ai vu tous ces gens autour de moi, fiers d'avoir terminé la course. Moi-aussi j'étais fier. Alors qu'au milieu de la course je n'en voyais plus l'intérêt, j'ai compris de l'autre côté de la ligne à quel point on peut être heureux d'avoir terminé une course. Mes jambes ne sont pas trop lourdes, je ne suis pas blessé. Un type est allongé depuis 20 minutes dans un coin, entouré par les secours. Alors je regarde le bon côté de la vie. Matthieu et Lucas me rejoignent. Cette année nous étions à 3 à le courir. Nous partageons nos impressions, la douleur de nos jambes and Cie. Nous sommes fiers d'être là.
A J+1, je repense à ma course avec le sourire. Si hier, après la course, j'étais prêt à prendre ma retraite sportive, aujourd'hui ce n'est plus le cas. Je suis même allé courir un peu avec ma sœur. Et je vois mes prochains objectifs devant moi. Finir un 10km en moins de 40 minutes. Finir un semi-marathon en moins 1h35 puis en moins d'1h30. Et finir un marathon, peu importe le temps. Paris 2014.