Depuis mon arrivée en Afrique c'est quelque chose à quoi je me suis habitué. Petit à petit. Je parle des domestiques.
La sensation est cependant étrange. En ce moment-même, je vous écris, et Pascal nettoie mes vêtements. Oui, ça fait bizarre. Au départ je n'osais pas trop donner mes vêtements. De même je faisais la vaisselle. Et puis l'employée de maison n'était pas satisfaite : c'était son travail, et si je le faisais à sa place, elle n'avait plus de raison d'être ici. Et comme travail dit salaire...
Alors je m'y suis fait. Que ce soit au Kenya ou au Rwanda je n'ai pas eu besoin de nettoyer mes vêtements. Quelqu'un nettoie ma chambre, fait mon lit, cuisine pour moi, fait la vaisselle. Pas tous les jours : 3 fois par semaine au Kenya, 2 fois au Rwanda. Mais c'est grandement suffisant.
De même, lorsque je suis en soirée chez quelqu'un, je ne m'étonne plus de voir arriver un employé me servir mon jus d'orange. Bon, c'était particulièrement gênant lors d'une soirée au sein de la communauté belge, où nous autres, Occidentaux, nous faisions servir par des domestiques locaux. Un étrange air de colonisation.
Mais le fait de côtoyer les employés de maison m'a permis d'en savoir un peu plus sur le pays, sur sa culture. Ici Pascal est congolais. Il cuisine des plats typiques, il évoque la situation inhérente à l'est de la République Démocratique du Congo. Pascal est un petit livre d'histoire à lui tout seul : il a vu arriver les réfugiés rwandais à Goma et Bukavu en 1994. Il regarde cette période avec positivisme, se souvenant d'une période bénéfique pour les affaires. Et il évoque aussi les guerres, qui ravagent depuis 20 ans sa région natale, où sa femme et ses enfants vivent toujours. Pascal est venu travailler ici pour empocher un meilleur salaire que ce qu'il peut obtenir en RDC. Mais il préférerait travailler pour des Français qui « payent mieux ». Ou alors pour les Américains « mais il faut apprendre l'anglais ». Les Belges sont cependant "très gentils". Pascal observe le Rwanda avec un œil congolais, toujours quelque peu méfiant, surtout envers le président Kagamé. Il évoque aussi sa famille, et surtout son fils, qui va épouser une fille cet été. Le mariage a été accéléré, car la demoiselle est déjà enceinte. Faire cela avant le mariage, un péché pour Pascal, très croyant et plutôt conservateur. En plus son fils n'a pas encore de travail. La dot est donc très importante pour lui (les dots se font encore en animaux dans l'est de la RDC). Ce conservatisme dans ses pensées se reflète dans sa situation professionnelle : pour lui il est tout à fait normal de travailler comme employé de maison. Et il n'imagine pas faire autre chose.
« La nourriture est prête ». « Merci Pascal, j'arrive ».