11 juillet 2019 4 11 /07 /juillet /2019 07:51

Dire qu'il y a deux ans j'ai hésité. La Guyane, en ai-je vraiment envie ? Le contexte était celui-là : je revenais de trois mois en Inde-Sri Lanka-Népal, et je voulais me poser quelque part. Alors, à quoi bon traverser l'Atlantique et me retrouver, à nouveau, loin de ma famille et de mes ami-e-s ? Et finalement le départ est devenu l'évidence.

 

Franchement, je n'ai jamais regretté mon choix. J'ai adoré la Guyane, j'ai aimé mon temps là-bas, j'ai été heureux pendant deux ans. Et je pense que beaucoup que j'ai côtoyé ont vécu cette région comme moi. Car au-delà d'une image déplorable en métropole (le mythe des moustiques-araignées-serpents à tous les coins de rue), tout est extraordinaire, que ce soit les paysages, les activités (une fusée qui décolle tout de même ou de la pirogue en pays amérindien, c'est fou!) ou la vie sauvage (que d'animaux ! Et dire que des singes venaient me saluer le matin quand je corrigeais mes copies). Je n'insiste pas là-dessus, j'ai assez écrit sur mes balades. Je n'évoquerai pas non plus la misère, tous les problèmes, et une métropole qui ne fait rien, même si je l'ai bien en tête. Non, aujourd'hui je veux évoquer le reste, de ceux qui ont fait mon bonheur.

 

Je commence forcément par ma colocation. Car j'ai trouvé là-bas, très vite, une deuxième famille. La solitude en Guyane ? Je ne l'ai pas connu. Et c'est grâce à eux. Tim naturellement, Julie, Lise, Jérémy, Margot pour la première équipe (comment ça j'ai oublié quelqu'un?!), Guillaume, Zoé, Maïté pour la seconde. Une colocation de cinq personnes, parfois six (coucou Rinio!), parfois plus avec les Couchsurfers ou la famille/les ami-e-s en visite. Une salle de bain, une petite cuisine. Une maison que j'ai découvert.... disons en mauvais état ! Et qui est devenue pour moi la maison du bonheur. J'ai passé une bonne partie de ma première année à bosser et mes instants de repos étaient avec eux, en leur compagnie, sur une terrasse qui est le lieu de vie principal. Des apéros pour Tim, des barbecues... pour Tim aussi ! Et des débats à n'en plus finir sur le féminisme au XXIème siècle (comment ça pour Tim aussi?!). J'ai rencontré des colocs engagés, plein de vie, plein de projets, plein d'amour. Des jeunes de mon âge arrivés comme moi, sans famille, sans ami-e, prêt-e à quitter tout ça pour découvrir et se découvrir. J'étais dans mon moule, l'intégration était trop facile. Et c'est comme ça à l'échelle de la ville. A peine arrivé que tu connais 100 personnes, et tu te retrouves à faire le marché comme Chirac à la veille d'une élection (« bonjour ça va » en serrant 50 paluches). SLM c'est petit, tout se sait, alors la colocation est devenu le lieu du partage des petits secrets, le lieu de divulgation des ragots, de la rumeur, et, parfois, des petites prises de têtes. C'est le jeu, c'est le caractère de chacun, et ça va très certainement me manquer si je me retrouve l'année prochain en solo dans un petit appartement (rien que de l'écrire je souffle).

La deuxième fournée de coloc arrivée à l'été, après un démarrage en fanfare (je ris bêtement), ce fut le temps du temps. Les cours sont prêts, allons-y pour créer une vie de coloc comme je la voulais. C'est beaucoup passé par la nourriture (à la fin ça s'équilibre de toute façon), et, aussi, par les voisins. Car cette année nous avons découvert les gamins du quartier, et tout a changé. Des petites têtes sont apparues autour de la terrasse, puis dans la piscine. Ce fut du plaisir pour eux, pour nous aussi. Francisco, Merlando, Ramona la chouchou etc. (je ne fais pas la liste, ils sont très nombreux!). C'est d'ailleurs à eux qu'on n'a rien dit, jusqu'au bout quasiment, sur notre départ. J'ai vu la tête de Babouch quand mes deux colocs expliquaient qu'ils allaient déménager. Moi, j'ai été lâche : « je pars en vacance ». Et on se retrouvera, un jour, Inch'Allah. Pas envie des pleurs.

 

En vérité, le plus compliqué fut surtout de dire au revoir aux élèves. Ceux que j'ai côtoyé pendant deux ans, à raison de 5h par semaine pour certains. Ils ont été formidables. Franchement, j'ai rien à leur reprocher, je devrais juste les féliciter. Et je leur ai dit d'ailleurs, merci pour tout, vous êtes géniaux, grâce à vous j'ai été heureux dans mon boulot pendant deux ans, je me sentais utile, ayant un impact sur le monde de demain, et vous allez tout casser au bac. Soyez heureux, je ne vous oublierai pas. Depuis, j'ai oublié 20 prénoms. Bon.

Au boulot j'ai aussi eu des collègues qui sont devenus des ami-e-s. Ce n'est pas toujours le cas, et je réalise la chance que j'ai eu. Des jeunes de mon âge (ce qui n'était pas du tout le cas dans mon précédent collège) avec qui j'ai fait la fête, voyagé, partagé. Augustin et Anaïs, Victor (et Marjo, comment ça tu ne travaillais pas avec nous?!), Pierre, François le mythe.

 

Et puis SLM ce sont les autres. De ceux que je n'ai pas encore cités une fois, mais que je croisais souvent, au détour d'une rue ou d'une rangée de Super U. Des visages, des sourires, et parfois un peu de vomi en fin de soirée (la personne saura se reconnaître). A SLM j'ai continué de vivre ma jeunesse éternelle, même si je répète de plus en plus que je suis vieux. La coloc voisine, les bargettes forcément, un gang de Paramaribo, quelques partenaires de rock, mes coéquipiers du foot, et les autres. Car le bonheur, c'est les autres.

 

Et pourtant, ce serait mentir de dire que ce départ m'a bouleversé, ou même ému. En vérité, ce fut très simple, presque une évidence. Je savais au fond de moi que je n'étais que de passage (nous le sommes tous d'une certaine façon!). Et c'est peut-être la force des au revoir/adieu régulier depuis 10 ans : ça me touche de moins en moins. Mon cœur se fane ? Peut-être. Mais je crois surtout en la vie. Les plus proches de ceux-là, je vais les revoir, certains dès cet été, d'autres au détour des routes, ou, par surprise, dans un autre Super U. C'est la vie. C'était ma vie guyanaise. Elle était belle. La suite le sera aussi, j'y crois.

 

A faire en Guyane

Décollage d'une fusée

Iles du Salut

Camp de la transportation

Chutes Voltaire et vieux Broussard

Nuit en carbet

Marais de Kaw

Descendre/remonter le Maroni en pirogue

Saül

Pondaison des tortues

Lac de Petit-Saut

 

Aller au Surinam

Aller au Brésil

Aller au Guyana

Deux ans de Guyane, le bilan
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22 juin 2019 6 22 /06 /juin /2019 23:42

Le plan était limpide : je récupère une pirogue à Saint-Laurent, direction Maripasoula. La remontée du Maroni devait me prendre une journée, deux en cas de souci. A Maripasoula je récupère un avion, et je pars au milieu de la Guyane, au coeur de la forêt amazonienne, Saül.
Mais (car il y a un mais), j'ai mal au ventre. Ca m'a pris jeudi après-midi, je vous passe les détails, je suis au bout de ma vie (comme chaque homme un peu enrhumé). Pour la pirogue c'est foutu. Maripasoula me passe à nouveau sous le nez. Saül ? Allez, ça va passer ! Je trouve par miracle un ticket d'avion et je débarque lundi après-midi.
L'avion en Guyane ? Vous imaginez une forêt. Sans fin. Eternelle. Un océan vert, un peu vallonné. Et, de temps à autre, un trou au milieu de la forêt.

Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Ces trous, ce sont des sites d'orpaillage. La Guyane est malade de ses richesses naturelles, comme beaucoup d'autres pays (notamment en Afrique). Le sous-sol est aurifère, les rivières ont des pailettes d'or, et certains sont prêts à tout pour les attraper. Qui ? En Guyane, ce sont essentiellement des Brésiliens au début de la chaîne. Ce sont eux que l'on retrouve sur les sites, les fameux garimpeiros. Ils sont régulièrement pourchassés par les militaires français (opération Harpie), ils reviennent néanmoins à chaque fois. Les chantiers clandestins sont nombreux en Guyane, et le butin s'élève à des centaines de millions d'euros chaque année (entre 5 et 10 tonnes d'or, à titre comparatif, l'orpaillage légal c'est environ 1 tonne d'or...). En cadeau, du mercure, et des cours d'eau pollués... Les opérations militaires ont repoussé les orpailleurs un peu au loin de Saül, afin de ne pas décourager les touristes, mais la situation reste préoccupante dans toute la région... (le sujet mériterait beaucoup plus de recherches, mais ce n'est pas le thème du jour !).

Saül, la fable de l'aigle et du serpent
Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Nous arrivons à Saül, je vois une piste au loin - la piste de secours je pense - quoi ? c'est la vraie piste ??! Mais attendez, la terre battue, c'est seulement pour du tennis, pas pour un avion ?! Quoi Roland Garros ??

Saül, la fable de l'aigle et du serpent
Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Ca plante d'entrée un décor ! Saül est un village isolé : pas de route, pas de cours d'eau réellement emprunté. Le seul moyen de s'y rendre sans mettre une semaine : l'avion ! Tout arrive en avion, les touristes comme moi, les habitants qui doivent aller à Cayenne, le médecin qui est dans l'avion du lendemain pour sa visite mensuelle, la nourriture, les boissons, et autres qui débarquent dans l'avion cargo qui me suit. Pas de voiture, ici les gens se déplacent en quad ! Et encore, quand ils se déplacent...

Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Car Saül, en plus d'être le premier roi d'Israël selon la Bible, est un petit village. Très petit ! 60 habitants à tout casser quand nous y sommes. Le village tient son nom d'un chercheur d'or originaire de l'île de Sainte-Lucie (une grosse partie de village a des origines à chercher là-bas). Au début du XXème siècle, en pleine fièvre de l'or, le village comptait plusieurs centaines d'habitants (plus de 400 encore en 1960).

Il reste aujourd'hui une église sympa (la seule à deux clochers en Guyane), une école (où l'instit a tous les niveaux), une mairie etc. Et, aussi, le bureau du parc amazonien de Guyane, le plus grand parc de l'Union Européenne, c'est d'ailleurs surtout pour ça que nous sommes ici : nous voulons voir la nature !

Saül, la fable de l'aigle et du serpent
Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Quand je dis nous, ce n'est pas ma copine et moi (désolé les amateurs de croustillant !), mais mon collègue Augustin, son père et son cousin. Un peu la famille donc (le premier nommé étant un très bon copain, malgré un niveau plus que limite au football -il n'a pas Facebook je peux être honnête !).

Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Au programme à Saül, des randonnées au nom évocateur : Belvédère, Gros arbres, Roche bateau, Mont la fumée, Grand boeuf mort... bon le dernier interpelle un peu ! Sur ces chemins, des points de vue, quelques vestiges d'orpaillage traditionnel, des polissoirs amérindiens, ça monte, ça descend et, sans surprise, il y a des arbres !

Saül, la fable de l'aigle et du serpent
Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Mais quels arbres ! Des arbres tellement immenses que je n'arrive pas à vous les mettre en un seul morceau ! Des formes chelous, des racines hallucinantes.... la forêt guyanaise dans toute sa splendeur !

Saül, la fable de l'aigle et du serpent
Saül, la fable de l'aigle et du serpent

En plus des arbres il y a les criques (le nom guyanais pour n'importe quel petit cours d'eau). Des baignades pleines de fraîcheur dans un décor d'Eden.

Saül, la fable de l'aigle et du serpent
Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Saül c'est aussi ses animaux. Mes premiers toucans, pas faciles à capturer avec l'appareil et les yeux, mais magnifiques à voir passer. Quelques oiseaux, une tortue dans une flaque d'eau, des papillons (allez le morpho, déploie tes ailes !)... et, roulements de tambours... le truc le plus fou !

Saül, la fable de l'aigle et du serpent
Saül, la fable de l'aigle et du serpent
Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Je vous présente un drymoluber dichrous (également appelé couresse sévère) et un aigle blanc !

Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Que s'est-il passé ? Connaissez-vous le rat et l'huître de Jean de la Fontaine ? Peut-être pas tous. Mais je suis sûr que vous connaissez sa morale. Car notre aigle blanc est un amateur de serpents... et il aperçut une couresse sévère. Celle-ci (ou celui-ci ?) se baladait tranquillement sur le chemin. L'aigle blanc se jetta sur sa proie, mais il eut apparemment un peu trop confiance en lui, et sous-estima son adversaire. Par un ippon à la Teddy Riner, la couresse blanc retourna l'aigle blanc et lui fit un manoeuvre d'étouffement. Et tel est pris qui croyait prendre...

Saül, la fable de l'aigle et du serpent

Notre photo a fait jaser jusque dans les bureaux du parc amazonien, ils étaient tous sur le cul ! (et un vrai débat a eu lieu pour savoir c'était quoi l'oiseau). A titre personnel, j'ai eu l'impression d'être au milieu d'un des documentaires animaliers de France 5 sur lequel tu tombes quand tu rouilles dans le canapé un dimanche après-midi pluvieux.


Bref, deux jours de pleine nature à Saül que je recommande à tous ceux qui souhaitent du calme et du temps pour réfléchir, penser, lire, écrire etc.

Saül, la fable de l'aigle et du serpent
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16 juin 2019 7 16 /06 /juin /2019 19:59

Il y a des pays dont nous ne savons rien. Prenez en Europe la Moldavie par exemple. Un point sur la carte, un drapeau, une équipe pas terrible lors des éliminatoires de la Coupe du Monde de football. Qui habite là-bas ? A-t-on déjà rencontré un Moldave ? Qui est le premier ministre ? C'est quoi l'histoire ? C'est connu pour quelque chose ? Pour la plupart d'entre nous, il n'y a pas de réponse à ces questions. C'est l'inconnu. Le Guyana, en Amérique du Sud, c'est la même chose. Déjà, les gens confondent la Guyane et le Guyana. La Guyane est une région française, le Guyana est un pays indépendant. Qu'est-ce qui s'y passe ? Même en Guyane on ne sait pas ! Il y a bien des rumeurs "Georgetown est dangereux", "faut faire attention" etc. Mais c'est souvent des "on dit". 5 jours devant nous. Allez, en route !

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Clairement, ça fait un peu expédition. Nous traversons le Maroni en pirogue pour rejoindre le Surinam. 2 heures 30 de route pour arriver à Paramaribo. Le temps de se recharger en sushis et de perdre quelques dollars au casino... La suite, c'est 5h de route à travers les canaux et les polders du nord du Surinam... sacrés Néerlandais ! Ils voient de l'eau, ils font des canaux ! (enfin ce sont surtout les esclaves qui les ont faits...).  Nous arrivons à la frontière, Nickerie, où la douane est... fermée ! Bon, c'est embêtant. Nous apprenons également que le bateau qui fait la traversée ne fonctionne pas le jour même. Oups. On aurait peut-être du regarder avant ! Le lieu est bizarre, la douane, 4 maisons, et de la forêt. Mon collègue Augustin décide d'aller voir dans les maisons, il trouve les douaniers, l'un d'eux sort et vient faire nos tampons. Deux moments gênants : il me regarde et dit "on se connait !". Euhhhhhh. Il me montre un tampon sur le passeport de l'aéroport de Paramaribo, et me dit "c'est moi qui l'ai fait !". Apparemment je ne passe pas inaperçu au Surinam ! Deuxième moment gênant lorsqu'il nous glisse "vous auriez pas quelque chose pour que je puisse le donner à mon commandant, une bière peut-être ?" Euhhhhh. C'est un appel à la corruption ? Bon, il est un peu timide dans sa corruption, nous résistons. Les tampons sont faits. On reprend la route vers "nouveau Nickerie" (ils ne se font pas chier pour trouver le nom des lieux ici !). Et là c'est une nouvelle pirogue pour enfin entrer au Guyana, nous franchissons la rivière Corentyne (Corentyne c'est ça ?) et nous voici à Springlands !

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Springlands et ses plages de rêve.

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Springlands et sa douane moderne.

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

D'entrée nous avons une vision un peu apocalyptique du Guyana ! C'est le pays le moins développé d'Amérique du Sud si l'on regarde les statistiques. On est en plein dedans ! 3 heures de route de plus, on passe à côté de New-Amsterdam (aucun rapport avec New York) et on débarque enfin à Georgetown. Nous avons choisi un petit hôtel sans prétention...

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Avec moi, mon coloc Tim, et mes deux collègues Pierre et Augustin. Un voyage entre mecs à travers le pays le plus connu du coin pour ses prostituées... Bon, on n'y est pas pour ça !
Direction le coeur de la ville avec le marché de Stabroeck (l'ancien nom de la capitale). Un bâtiment sympa vu de devant... l'arrière est plus défoncé.

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange
Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Les petits marchés sont partout les mêmes dans le monde ? Non, clairement pas ! J'imagine par exemple très mal une vente de tortues sur un marché de Provence.

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

De façon générale les animaux ont un traitement très différent des normes européennes. Les chevaux sont utilisés comme engin de transport, les boeufs, les ânes, les chèvres et même un cochon traînent aux alentours ou sur la route ! Certains disent parfois que les chiens sont mieux traités que les hommes dans nos sociétés.... pas partout, clairement !

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Le centre-ville de Georgetown est connu pour son architecture coloniale. Le parlement et la cour de justice sont des bons exemples.

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange
Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Bon ça a l'air propre et bien entretenu... c'est plutôt des exceptions. Ainsi la mairie, avec fenêtres manquantes et fissures... les travaux devraient commencer prochainement ! (on parle quand même de la mairie de la capitale du pays)

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Le musée national est une plongée dans le temps... au sens propre ! J'imaginais découvrir l'histoire du Guyana, l'épisode de la colonisation britannique après le départ des Hollandais, peut-être un peu d'histoire améridienne... et je me retrouve avec un musée qui date de la période coloniale ! Des vieilles cartes, des vieux panneaux, des trucs bien glauques qu'on n'ose plus faire aujourd'hui (pleins d'animaux empaillés, des foetus...) Hummm

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Il faut être honnête, le Guyana est un pays étrange, et Georgetown est à son image. Pensez, plus de la moitié de la population du Guyana est originaire d'Inde. Etrange sensation que de se balader dans Georgetown et de reconnaître Bombay ! Comment est-ce possible ? Retour à la période coloniale...

Après avoir aboli l'esclavage en 1833, les Anglais mettent en place l'indenture, un statut de travailleur engagé : concrètement, des Indiens d'Inde sont recrutés et envoyés dans les colonies britanniques en Afrique et en Amérique. Pourquoi eux ? Ils sont plus dociles et respectueux de la discipline que les Africains, ils ont l'habitude de travailler sous la chaleur et dans cet environnement, et ils coûtent beaucoup, beaucoup, beaucoup moins cher que les Européens !

Cöté histoire, il y a également le temple du peuple ! Une secte créée par un révérend américain dans les années 1950 qui décide d'acheter des terres au Guyana et de faire déménager ses fidèles là-bas. En 1978, après avoir fait tuer un membre du congrès américain venu enquêter, le révérend oblige tous les fidèles à se suicider... 910 morts, principalement par empoisonnement au cyanure...

Bon, y'a pas que ça hein ! Mais c'est vrai que les informations sur le pays et sur la ville restent limitées malgré notre présence sur place. On va faire un peu la fête avec les locaux... dans l'aile d'un supermarché (avec de la musique qui rend sourd !), on regarde la finale de la Ligue des Champions dans un pub où on croise quelques Blancs, on se retrouve aussi dans un bouchon un peu fou, où un camion est en travers (on apprendra plus tard que le camion a tué une piétonne et que les habitants en colère ont mis le feu au camion !).

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange

Qu'est-ce qu'on en retient de ce voyage ? C'est qu'importe la ville ou le pays, c'est toujours sympa de partir avec les copains. Alors nous avons fait la fête au retour à Paramaribo, Surinam et on est reparti à Saint-Laurent du Maroni, autres lieux de l'étrange. Allez, je finis avec le drapeau du Guyana, comme ça vous l'aurez vu !

Le Guyana, des Indiens d'Inde au pays de l'étrange
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9 juin 2019 7 09 /06 /juin /2019 16:56

Cela fait quelques mois, deux-trois ans peut-être, que la question arrive chaque été. Paris est bondé, Barcelone et Venise aussi, les habitants se rebellent et certains commencent à le clamer haut et fort : enfoirés ! Repartez chez vous ! Le tourisme est-il devenu un problème ?

 

Ce n'est pas forcément nouveau. Déjà, il y a 10 ans, alors que je voulais visiter le Louvre, je découvrais, effaré, la queue devant la Pyramide. Une heure d'attente l'été, à zigzaguer avec une moitié d'Asiatiques et deux tiers de touristes. Les Parisiens ? Ils ne sont pas fous, ils esquivaient le Louvre à cette période ! Ma surprise augmentait devant la Joconde : un cordon de sécurité l'entourait, et de drôles d'individus la prenaient en photo. Oh, regardez bien, c'est l'époque où les smartphones n'existaient pas... aujourd'hui je présume que tout le monde a son téléphone dans la main, et que l'on doit faire la queue afin de pouvoir faire un selfie avec !

Les touristes, ces salauds !

1,4 milliard de touristes dans le monde en 2018, dont la moitié en Europe. C'est 500 millions de plus qu'il y a 10 ans. Le tourisme se démocratise, et je connais de plus en plus de personnes qui prennent l'avion pour découvrir un autre continent. Est-ce un problème ? Oui disent en chœur les défenseurs de l'environnement. La pollution émise par les avions est en effet un problème de plus en plus important. La mode, depuis quelques mois, est de dire qu'on arrête de prendre l'avion. Bon... ça m'embête un peu cette histoire !

 

Car le tourisme n'a pas que des mauvais côtés. Comme la voiture d'ailleurs. C'est bien beau de dire que la voiture pollue, mais si on n'évoque pas le côté pratique de l'outil, on passe à côté de beaucoup. Le tourisme a ses mauvais côtés, je vais y revenir ensuite, mais il a aussi des bons côtés (pas seulement économiques). Les rencontres entre les peuples peuvent être exceptionnelles : on se côtoie, on apprend sur l'autre, on respecte les différences. Le voyage ouvre l'esprit, le voyage forme la jeunesse. Et le voyage est une sacrée source de bonheur !

 

Mais si tout le monde voyage autant que moi, en aura-t-on assez d'une seule planète ? Sans doute pas. Il y a quelques années, j'étais fier de prendre l'avion. Moi, le fils de parents qui n'avaient jamais pris l'avion ! C'était un surclassement social, la preuve d'une réussite. Aujourd'hui, je ressens de plus en plus de gêne, et ça n'ira pas en s'améliorant. Comme les habitants des années 60-70, heureux d'obtenir leur première voiture, prêts à faire des kilomètres juste pour faire des kilomètres, et qui aujourd'hui choisissent leur vélo pour aller chercher du pain. Les temps changent, le monde évolue, et ma consommation d'avion devra diminuer ces prochaines années. Sinon la planète m'en voudra.

 

Voyager, c'est aussi découvrir des lieux très connus. Et quand je prends une photo, que je la partage, ça donne envie à d'autres personnes de découvrir ces lieux. Cercle devenu vicieux. Exemple de Ko Phi Phi, avec la baie de Maya. La Plage, celle du film avec Di Caprio. Quand j'y suis allé en 2012, j'avais un peu halluciné du monde, alors que d'autres lieux de Thaïlande étaient plutôt paisibles. Aujourd'hui cette plage est fermée... jusqu'en 2021 ! Le problème ? Trop de touristes, trop de dégâts. L'eau bleue était devenue sombre, presque noire !

Les touristes, ces salauds !

Le tourisme de masse. Ce n'est pas forcément les tours opérateurs, et un groupe de 50 vieux Allemands en bus ! C'est aussi nous, les back-packers, avec notre guide dans la poche. Prenez ce « magnifique » coucher de soleil au Laos, recommandé en 2012 par le Lonely Planet...

Les touristes, ces salauds !

Oups. Bon, puisque il y a trop de monde pour les couchers de soleil, j'essaie un lever de soleil, au pic d'Adam, au Sri Lanka....

Les touristes, ces salauds !

Oups. Ces deux photos résument mieux que toutes mes phrases. Les touristes sont nombreux, très nombreux, sans doute trop nombreux dans les lieux les plus connus. Que ce soit la grande muraille, la tour Eiffel, le Taj Mahal ou le Corcovado, ils sont là, et ils veulent leur photo ! Mais une photo sans touriste ! Alors on court dans les escaliers du Machu Picchu pour être le premier à l'ouverture, ou on trouve des angles improbables cachant les 343 personnes autour de nous pour publier la photo parfaite sur un réseau social. C'est comme ça, c'est tout, je le fais aussi, et je ne juge pas. Ca pose certainement un problème de transparence, car nous ne montrons pas la réalité du lieu, la tension que nous avons parfois en nous devant ces salauds de touristes, qui font la même chose que nous.

 

Néanmoins, il faut l'admettre, si ces lieux sont visités, c'est qu'ils ont quelque chose en plus. Il y a un côté mythique, la beauté, la grandeur, l'élégance, une vue... je ne nous jette pas la pierre, et ces lieux restent gravés en nous. Là où nous posons peut-être plus de problèmes encore, c'est lorsque nous recherchons l'authentique. Le vrai. Les vrais gens. Pas ceux qui côtoient des touristes. Ou encore mieux : les autochtones ! Les peuples qui ne voient jamais personne ! Ceux qui nous font nous sentir comme des aventuriers, comme des précurseurs. Une sensation étrange, et pourtant très appréciable. Ainsi les Massaï. 2014, en Tanzanie.

Les touristes, ces salauds !

A posteriori, cette photo me gêne un peu. D'un côté, je sais ce que cela leur apporte (un contact, un peu d'argent, des sourires), mais je crois aussi que ça leur prend beaucoup, car ils tirent parfois leurs forces de leur isolement. Ce contact, cette danse, c'est peu à peu la perte de leur authenticité. Viendra un jour où ils danseront sans doute plusieurs fois par jour une « danse traditionnelle » pour des groupes venant en nombre. Et cette impression que j'aurai alors, d'être dans un zoo humain, comme à l'époque de la colonisation, où Paris avait ses villages asiatiques et africains « authentiques », avec des « vrais sauvages », exécutant leurs danses traditionnelles.

 

Tout est à jeter ? Certainement pas. Mais c'est à prendre en compte. Quel type de voyage veut-on faire ? Quel est notre impact sur le lieu, au niveau humain, au niveau environnemental ? Faut-il privilégier des zones non-touristiques, au risque de reproduire le même schéma ? Faut-il mettre des quotas dans certains lieux, certaines villes, certaines plages, comme ça se fait désormais parfois ? Ce sont des questions difficiles, et je n'ai pas les réponses. Tiens, d'ailleurs je viens d'acheter un ticket d'avion pour Lima. Ensuite direction Cuzco. Il paraît que le Macchu Pichu est très sympa. Surtout si je me lève tôt et que j'y arrive en premier. Sûr que ma photo sera parfaite.

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13 mai 2019 1 13 /05 /mai /2019 20:36

Il y a des questions qui fâchent. Des mots aussi. La Guyane était une colonie française jusqu'à la seconde guerre mondiale. Elle est ensuite devenue, le 1er janvier 1947, un département français. Ce fut le sort réservé aux « vieilles colonies », avec la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion. Un choix pour elles ? Mieux, une demande ! Les députés de ces territoires réclamaient, comme apparemment une partie de la population, le droit à devenir des « vrais » Français, avec tout ce que cela impliquait. Ainsi, Gaston Monnerville, le député de la Guyane, futur président du Sénat. Ainsi Eugénie Tell-Eboué, femme de Félix Eboué (présent au Panthéon pour avoir été l'un des premiers à rejoindre de Gaulle et la France libre), députée de la Guadeloupe. Ainsi, Aimé Césaire, l'immense écrivain fondateur du courant de la négritude, député de la Martinique. On parle ici de monuments, des hommes et des femmes qui ont marqué leur territoire, et qui ont souhaité la départementalisation. Quelques voix se faisaient également entendre, comme celle de Léon Gontran-Damas, expliquant que l'égalité politique n'apporterait pas l'égalité économique. En métropole, ce n'était pas l'enthousiasme... c'est que la départementalisation de ces colonies allait coûter cher ! En cette période de reconstruction où chaque franc comptait, le ministre des Outre-Mer insistait sur le prix. En Outre-Mer on rappelait le prix du sang, payé par les soldats lors des deux guerres mondiales. On méritait le citoyenneté, on méritait de devenir des vrais Français. Et ainsi les quatre « vieilles colonies » sont devenues des départements.

 

70 ans plus tard. C'est surprenant d'arriver en Amérique du Sud, de traverser un océan, d'effectuer 7 000 kilomètres, et de se retrouver en « France ». J'utilise les guillemets, est-ce que je devrais ? Je ne le sais pas. C'est étrange tout de même d'être en Amazonie française, d'être frontalier du Surinam et du Brésil, de retrouver la Poste et la Caf à des coins de rue, tandis que les singes sauvages vadrouillent au loin. La France a gardé certaines de ses anciennes colonies, les a transformées. Vu de l'étranger, c'est stupéfiant. Les Britanniques ont bien gardé quelques îles dans les Caraïbes, 260 000 habitants aujourd'hui entre les Bermudes, les îles Caïmans, Gibraltar... (comment ça, tous des paradis fiscaux??!). Les Néerlandais ont conservé des îles caribéennes : Aruba, Curaçao, une partie de Saint-Martin, 310 000 habitants, mais avec une grosse autonomie. La France ? 2,8 millions d'habitants, avec des îles dans le Pacifique, dans l'océan Indien, dans les Caraïbes et donc sur terre, avec la Guyane. Et certains territoires sont des départements, où chaque loi de France est censée être appliquée. Alors j'ai quelques copains étrangers qui appellent ça des colonies. Je les corrige : ce ne sont pas des colonies, les droits politiques sont les mêmes : le droit de vote, et de représentation ; il y a 27 députés d'Outre-Mer à l'Assemblée Nationale, et 21 Sénateurs. Aujourd'hui, on a les mêmes droits à Cayenne ou à Paris. Et, en effet, le droit d'être soigné existe bien dans les deux. La Sécurité Sociale a été mise en place dès 1947. Mais, étonnamment, les droits économiques et sociaux sont parfois plus longs à arriver. Les allocations familiales ont été alignées sur la métropole en 1993 (elles sont arrivées en 1932 en France), l'assurance chômage établie en 1980 (au lieu de 1958), et l'égalité du salaire minimum en 1996... Un territoire de seconde zone, la Guyane ?

 

Il faut être franc : si l'égalité politique est permise avec le changement de statut, il n'en est pas de même pour l'égalité économique. La Guyane est pauvre, et ses quelques richesses sont détenues par une minorité. « Mais c'est pareil en France ?! ». Non, c'est pire. Le taux de chômage est deux fois plus élevé qu'en métropole. 30% des Guyanais vivent sous le seuil de pauvreté, établi à 420€ par mois (quand il est établi en 1015 euros dans l'Hexagone!). Dans le même temps, ceux qui payaient l'ISF en Guyane étaient... les plus riches de France en moyenne ! (2,6 millions d'euros de patrimoine, essentiellement foncier). Cayenne était numéro 3 en valeur moyenne de l'ISF. Comment en est-on arrivé là ? Qui détient ces terres ? Pourquoi l'Etat, propriétaire de 93% des terres de Guyane, n'a-t-il pas laissé comme dans les autres départements décolonisés leur gestion à la région ? Car c'est l'image d'une colonie qui est envoyée : une extrême minorité de riches très très riches, possédant tout, ou presque, et la grande majorité de pauvres, très très pauvres.

A côté de ceux-là, comme au temps de la colonisation, il y a l'administration. Les fonctionnaires. Nous. Moi. Ceux qui font tourner la région, alors que le secteur privé est presque inexistant. Surpayés, grâce à un bonus de 40% par mois. Une classe moyenne plutôt riche au regard de ceux qui nous entourent.

 

Au-delà d'une injustice économique, miroir à peine déformant du temps de la colonie, il y a la question de la colonisation des esprits. J'en suis un acteur central, je suis enseignant. C'est moi, parmi d'autres, qui éduque la jeunesse guyanaise. Je leur évoque l'histoire mondiale, l'histoire européenne et française, l'histoire de l'Amérique du Sud, l'histoire locale aussi. Le programme est adapté, ainsi j'ai évoqué la colonisation et la décolonisation de la Guyane. J'ai lancé cette question un peu taboue de l'indépendance. Clairement, ça n'a pas pris. Les contre-exemples du Guyana et du Surinam voisins n'enthousiasment pas les foules et c'est compréhensible (respectivement pays le plus pauvre du continent, et pays sortant d'une guerre civile). La France, on y voit les intérêts. Le social revient souvent, l'éducation justement, la santé, et tout de même des libertés. Mes élèves se sentent Français, et ils ont vibré comme moi lors de la dernière coupe du monde. Ils suivent les gilets jaunes avec curiosité, ils parlent de Macron plus que lui ne parle de la Guyane. C'est ainsi. Je leur inculque des idées qui me semblent universelles, la liberté, l'égalité, la justice. Est-ce là imposer une vision occidentale ? Peut-être un peu. Pour le meilleur je l'espère. J'entends aussi d'autres discours, notamment chez les collègues. La question de l'eugénisme revient souvent : ne faut-il pas que les Guyanais arrêtent de faire autant d'enfants ? « Ils ne vont jamais réussir à se développer dans ces conditions ». Des discours à la chinoise reviennent, maximum deux enfants, trois pour les plus généreux (on est à plus de cinq à Saint-Laurent du Maroni). Les discours sont conservateurs, pour ne pas dire réactionnaires. Quand tu commences à vouloir déposséder les femmes de leur corps, quand tu veux légiférer sur ce qui se passe dans la chambre à coucher, tu te rapproches doucement du temps des colonies. Les discours sont parfois sévères : les élèves ne peuvent pas apprendre ça, car c'est trop difficile pour eux (mais ça ne le serait pas en métropole). Et quand certains demandent plus d'autonomie, voire l'indépendance, les discours sont enflammés : comment osent-ils ? Quand on va partir, ce sera foutu pour eux. Tant pis pour eux. Bien fait ! Ils ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont de nous avoir.

 

Hum. Pas sûr. Disons que c'est très compliqué. Les Guyanais d'aujourd'hui sont majoritairement des descendants d'anciens esclaves, quand les fonctionnaires sont majoritairement des blancs, européens, venant des pays qui ont colonisé. Forcément le rapport est particulier. Quand je fais cours à 28 noirs devant moi, 28 Français, que je considère comme tels, que je leur évoque l'esclavage, j'utilise parfois le nous, et le vous. Vous, descendants d'esclaves. Nous, européens, esclavagistes. Pas à titre personnel, je le rappelle (mes ancêtres étaient majoritairement des pauvres paysans), mais au niveau collectif.

La question de la langue est aussi très importante. Je fais mes cours en français, quand la majorité de mes élèves ne parle pas français à la maison. J'impose ma langue, j'impose de fait certains concepts. Il y a une multitude de langues en Guyane, à Saint-Laurent c'est encore plus compliqué, et le français est la langue officielle, qui fait s'entendre amérindiens, hmongs, djukas, bonis ou haïtiens. Est-ce là une sorte de colonisation par le langage ?

 

Bien sûr, tout ceci n'est que mon opinion, et je ne prétends pas donner la vérité. Juste poser quelques questions, et des pistes de réponses, très incomplètes. Et lorsqu'on me demande si je suis un acteur de la colonisation, je hausse les épaules, et je réponds simplement que c'est une bonne question.

 

Suis-je un acteur d'une nouvelle colonisation de la Guyane ?
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2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 23:25

25 ans. Pour le Rwanda, cela fait 25 ans que le génocide a eu lieu.

10 ans. Une décennie que je travaille sur le Rwanda (et le Burundi). De manière moins insistante qu'il y a quelques années, à l'époque de ma thèse, mais je reste un spectateur attentif aujourd'hui. Je n'ai pas « transformé l'essai », à savoir publié mes recherches, notamment la thèse, par manque de motivation essentiellement. Mais j'ai un statut, je suis un « docteur », un « chercheur associé » dans un laboratoire d'université française. Alors, de temps en temps, on vient me chercher pour répondre à quelques questions sur la région (France Culture et La liberté ces deux dernières semaines). Par contre, je n'ai pas encore reçu d'invitation concernant la commission d'enquête française chargée de travailler sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994. D'ailleurs, cette commission n'a aucun spécialiste de la zone... Etrange. Qu'importe, je donne ma version des faits ici, avec des informations que vous retrouverez forcément ailleurs. Car la France a un rôle important dans le génocide rwandais.

 

Pourtant, le Rwanda n'était pas une colonie française, mais allemande, puis un mandat belge (de 1919 à 1962). Paris débarque à Kigali via un accord de coopération civile (1962) puis d’assistance militaire technique signé le 18 juillet 1975 et modifié en 1983. A cette époque, le président rwandais est Juvénal Habyarimana. La France s'engage donc à aider militairement le Rwanda, comme elle le fait dans la majorité de ses anciennes colonies, via l'envoi d'instructeurs par exemple. Stabilité, gain diplomatique, facilité économique, les raisons justifiant cet accord sont de natures diverses pour la France.

Lorsque la guerre débute en 1990 entre le gouvernement de Kigali (toujours mené par Juvénal Habyarimana) et les rebelles, descendants de réfugiés (le FPR, mené par l'actuel président Paul Kagamé), la France choisit son camp : celui du gouvernement. La France envoie des hommes, le Détachement d’Assistance Militaire et d’Instruction (et aussi son pendant gendarmerie), envoie des armes (mortiers de 60 mm, 81 mm et 120 mm ainsi que des fusils de 105 mm) tandis que la BNP garantit les achats d'armes (dès 1992). Cet approvisionnement en armes inonda le pays, si bien qu’en 1993, il devint possible d’acheter des grenades sur les marchés de plein air pour quelques dollars la pièce...

 

La France est le pays le mieux informé sur ce qui se passe en Rwanda avant 1994. Des militaires entendent parler de listes, les discours extrémistes ne sont pas susurrés, ils sont criés sur tous les toits. Paris ne réagit pas, les militaires français participent même, souvent dépassant leur fonction/ordre, à des combats sur le front entre l'armée rwandaise et les rebelles. Deux mois et demi avant le génocide, alors qu'un embargo sur les armes existe désormais, la France est prise la main dans le sac à l'aéroport de Kigali, alors qu'elle envoie des armes à l'armée rwandaise...

Lorsque le génocide débute, les principaux organisateurs se réfugient à l'ambassade de France. Ils sont évacués, ils sont protégés par la France. Agathe Habyarimana, la femme du président, celle vers qui beaucoup se tournent quand il faut expliquer le génocide, vit encore en France aujourd'hui, bien à l'abri de la justice. Un gouvernement provisoire est mis en place... dans l'ambassade de France. Ce gouvernement provisoire qui supervisera le génocide.

Quant à ceux qui encadrent le génocide, sur le terrain, ce sont essentiellement des militaires et des gendarmes formés par les Français. Très bien formés. Trop bien formés, en y regardant avec 25 ans de recul.

 

Que fait la France ? Comment réagit-elle alors qu'un génocide a lieu, et que, selon le terme, l'ensemble de la communauté internationale doit réagir ? Elle tergiverse. Elle garde à l'esprit son vieux schéma, elle reste du côté du gouvernement. Les premiers avions débarquent avec des munitions pour le gouvernement rwandais. Des avions transportant des armes sont envoyés de France à Goma pendant le génocide. Quand la France lance l'opération Turquoise, le 23 juin, à la fin du génocide, elle le fait toujours avec une idée derrière la tête : protéger le gouvernement officiel, celui qui doit fuir devant l'avancée des rebelles. Tout cela en se drapant du manteau de l'opération humanitaire, destiné à sauver des vies. Les génocidaires sont heureux, ils acclament l'armée française à son arrivée, celle qui va les protéger pour qu'ils puissent fuir, avec leurs armes, leurs munitions, et le sang sur leurs mains. Des armes arrivent au Zaïre, pour les génocidaires, alors qu'un embargo international a été mis en place. Des militaires français de haut rang le voient, et ne réagissent pas. Ces armes seront bientôt utilisées dans les guerres congolaises.

 

Voilà le rôle de la France pendant le génocide rwandais de 1994. C'est clair, c'est précis, c'est documenté. Les Français sont restés les plus proches alliés du gouvernement rwandais sur les plans militaire, politique et diplomatique. On peut parler de complicité, notamment en raison des armes envoyées. Certains hommes politiques de l'époque ne veulent pas regarder la vérité en face (Hubert Védrine en premier lieu). Des erreurs monumentales ont été faites par l'Elysée à l'époque (François Mitterrand donc), sans doute très mal conseillé par son fils Jean-Christophe ou par les militaires qui l'entourent.

Oui, la France doit présenter ses excuses officielles. Les Etats-Unis et la Belgique l'ont fait il y a bien longtemps (1998 et 2000). Ce n'est pas cracher sur l'armée française, c'est simplement admettre que de nombreuses erreurs ont été commises. Les faits sont têtus.

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29 avril 2019 1 29 /04 /avril /2019 23:30

Mardi soir, une très bonne amie du lycée, et sa fille. Jeudi soir, un très bon copain d'enfance, 3 enfants dans la maison, une femme enceinte. Dimanche après-midi, la bande de l'université, deux enfants, et deux nouveaux bébés. Si parfois j'essaie de me persuader que je ne vieillis pas vraiment, que c'est simplement dans la tête, ces rencontres me mettent un gros coup de vieux. Et aussi un peu le spleen. Oh, je n'avais pas besoin de ça pour l'avoir, je crois même que je l'ai toujours un peu eu. Là, ça se renforce quand je rentre. Tout d'abord parce que ces amis, avec qui j'ai passé du bon temps, ne seraient plus disponibles aujourd'hui pour faire les mêmes conneries/soirées/sorties qu'avant. Alors qu'à titre personnel, j'ai encore le temps pour ça. Surtout, ils avancent dans la vie, une vie qui tourne autour des enfants. On le sent très vite dans les « conversations ». Enfin, les bribes de conversation, car les coupures sont très fréquentes quand on a des bambins ! Ici que je crie pour avoir à manger, ici que j'interromps la conversation pour montrer mon bobo, là que je veux que tu joues avec moi. J'ai beau essayer de causer ou de faire causer les copains, on en revient forcément à eux. Et, bien sûr, je comprends. Oui, une vie avec un enfant est totalement transformée. C'est LE changement dans une vie. A partir de là, tout tourne autour de lui, de votre temps à votre amour.

C'est vrai qu'ils sont beaux. C'est vrai que je vous envie. Je ne vous le dis pas trop, car vous, de votre côté, vous me répétez souvent que j'ai de la chance, qu'il faut que je profite, etc. Moi, je pense que c'est vous qui avez de la chance. Le tic-tac fait son effet. Petit à petit, depuis quelques mois, j'ai l'impression d'avoir une envie d'enfants. Je ne sais pas si ce sont les voisins en Guyane qui me font ça (les gamins traînent régulièrement chez nous, ça crée des contacts), vous qui pondez, ou le temps qui fait son effet sur moi. Là, il y a juste un hic : l'homme ne peut pas procréer tout seul. La nature est intraitable là-dessus ! Mon objectif du moment est donc, non plus de trouver une copine, mais aussi une mère. Et je me rends compte que mes critères ont bougé en l'espace de quelques mois.

 

C'est que les enfants des autres me rappellent que je veux aussi des enfants. Si possible une petite tripotée. Je les voyais bien jouer avec vos enfants d'ailleurs. Là, ça risque d'être les petits de la bande, de ceux qui vous saoûlent un peu, et qui risquent de saoûler encore plus vos enfants, une fois grands : « ah, non, on ne veut pas jouer avec Benito, il est trop petit !: ». [le prénom risque d'être modifié] Je m'estime néanmoins chanceux, mes sœurs n'ont pas encore franchi le cap, et la pression est un peu moins intense. Quand ça viendra, par contre...

 

Cette pression (car je le ressens de plus en plus ainsi) me stresse. Je me dis que je dois trouver assez vite quelqu'un, et surtout ne pas me planter. Contradictoire. J'en suis arrivé à aller voir des sites de rencontre. Sans payer. Juste parce que ça a fonctionné pour d'autres, aujourd'hui parents. Est-ce que je rencontre beaucoup de monde dans ma vie en ce moment ? Bof. Est-ce que je rencontre des filles qui me plaisent. Niet. Merde, qu'est-ce qui cloche.

Pour être encore plus compliqué, je me mets dans la tête que je pars au Pérou en septembre, avec mon sac à dos, et que je reviendrai à Noël. Tu parles d'un bon parti. Vaudrait peut-être mieux que je me pose. Où d'ailleurs ? La Guyane ? J'ai l'impression d'avoir fait mon temps. Le Nord ? Mes parents vendent la maison et déménagent, Saint-Omer ne m'attire plus, Lille ne m'a jamais vraiment attiré. Le Sud alors ? Avec qui ? Je reprends la route ?

 

Vous voyez, vos enfants perturbent un peu mon esprit (bon, j'étais perturbé de base). Ils confirment néanmoins que le bonheur n'est réel que s'il est partagé (je n'en doutais plus). Aujourd'hui, ce soir, j'ai l'impression d'avoir de plus en plus de mal à ne vivre que pour moi. Pour deux, c'est certain. Pour plus, à fond. Alors mes ami-e-s me disent que ça viendra. Il n'y a pas de raison. Hum. Ca fait bientôt 5 ans sans amour. C'est long vous savez. Très long. Alors une petite étincelle, et je vendrais mon royaume, mes souvenirs, mes photos, mes films, ma patrie. Mais où est-ELLE ?

Les enfants des autres
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9 avril 2019 2 09 /04 /avril /2019 13:36

Tribunal de Saint-Laurent du Maroni, mercredi matin. Un jeune homme est accusé d'avoir transporté 1,8 kg de cocaïne. Il est arrêté à l'aéroport de Cayenne, alors qu'il partait vers la métropole. Originaire du Surinam, il risque 10 ans de prison pour un voyage qui devait lui rapporter 10 000€. La valeur marchande de sa cocaïne est estimée à 76 700€.

Deuxième affaire. Un jeune homme, 1,1 kg de cocaïne. Soit 120 boulettes qu'il a ingurgitées.

Troisième affaire. Une femme, sans emploi, a ingurgité 4,320 kg de cocaïne. Menacée par quelqu'un, auprès de qui elle était endettée, elle aurait réussi, grâce à ce voyage, à éponger sa dette de 8 000€. La valeur estimée de sa cargaison est de 175 260€.

Quatrième affaire. Une femme, sans emploi. Elle est mère de 8 enfants. Son bébé de 6 mois est à l'hôpital militaire de Paris. Elle voulait le voir. Elle n'avait pas l'argent pour le rejoindre. Elle transportait 1,6 kg de cocaïne dans son corps. C'est son second voyage, la première fois, elle n'avait pas été payée.

Misère sociale. Argent facile. Envie de société de consommation. Prise de risque. Les mules, en Guyane, sont un phénomène de société. 500 personnes ont été arrêtées en 2018 aux aéroports de Cayenne et de Paris-Orly. Un chiffre en expansion, qui ne reflète qu'une partie de la réalité : les douaniers estiment qu'une dizaine de mules seraient présentes dans chaque avion quittant la Guyane pour la métropole. Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, quasiment un tiers du marché français de cocaïne vient de Guyane. Comment en est-on arrivé là ?

Saint-Laurent du Maroni (3/3), narco-city

Le Surinam, de l'autre côté du fleuve Maroni (juste au fond sur la photo ci-dessus), est un narco-Etat. Depuis les années 1990, un trafic de très grande intensité existe avec la Colombie, le Surinam envoyant des armes au cartel de Cali, quand celui-ci envoie la cocaïne au Surinam. Ce trafic se fait par les airs, avec des pistes d'atterrissage en pleine forêt amazonienne. C'est un trafic d'Etat, littéralement : le président du Surinam Desi Bouterse a été condamné pour trafic de drogue par le tribunal de la Haye (mais il est aujourd'hui encore le président en exercice....) tandis que son fils est en prison aux Etats-Unis pour la même chose. Le principal opposant politique, Ronnie Brunswijk, a été condamné par contumace pour trafic de drogue... La cocaïne corrompt l'économie du Surinam, et touche l'Europe : 60% de la cocaïne qui arrive au port de Rotterdam, l'un des plus grands centres de distribution d'Europe, provenait du Surinam.

Les deux "opposants"

Les deux "opposants"

Le Suri-cartel étant sous le feux des projecteurs, et, dans le même temps, Saint-Laurent du Maroni ayant un taux de chômage de 60% (85% pour les moins de 25 ans).... la rencontre s'est révélée inévitable.

Si le nombre de mules augmente, c'est aussi que la consommation française de cocaïne augmente. Il y a quinze ans, j'aurais été surpris de rencontrer quelqu'un ayant consommé de la cocaïne dans sa vie. Aujourd'hui, j'en connais plusieurs, et ça ne me surprend plus. La cocaïne est tendance, 1,6% d'usagers en 2017 contre 1,1% en 2014, multiplication des saisies par deux en dix ans, tandis que le nombre d'intoxications a été multiplié par six depuis 2010. Oui, petit rappel, la drogue, c'est de la merde. Pour celui qui en consomme. Pour celui qui la transporte aussi. En février 2017, une mère de famille de 35 ans voyage avec son fils sur la ligne Cayenne-Paris. Elle convulse. Un médecin la prend en charge. Elle meurt par overdose, une des boulettes s'est déchirée dans son ventre. Devant son fils. La drogue c'est aussi de la merde pour les pays producteurs (je ne reviens pas sur les guerres en Colombie et au Mexique, vous connaissez Pablo Escobar et El Chapo).

 

Alors, à Saint-Laurent du Maroni, on fait de la prévention. Dans mon lycée, on rappelle tous les mauvais côtés (risque pour la santé, risque judiciaire). Dans le même temps, j'ai des collègues... qui consomment de la cocaïne en soirée. Des infirmières aussi. Des médecins. En fait, beaucoup de monde. C'est quelque chose que j'ai du mal à comprendre. C'est la première fois que je vois autant de personnes consommer de la cocaïne. Et l'assumer. Ils ont l'impression que les lois ne sont pas les mêmes. On sniffe, on boit. On reprend même le volant. "C'est la Guyane". Ce n'est pas si grave. Quelques grammes, tellement pas cher en plus (10€ le gramme, 3€ au Surinam, quand tu l'achètes 80€ en métropole!).

 

C'est la demande qui crée l'offre. C'est une règle économique, quand il n'y a plus de demande, il n'y a plus d'offre, l'inverse n'étant pas vrai. Quel rôle jouons-nous dans le trafic de drogue ? Dans les guerres colombiennes ? Quel rôle avons-nous lorsque des gamins deviennent des mules ? Quand je dis « nous », je veux dire « les métros », ceux qui arrivent ici, en Guyane, grassement payés, et déterminés à en profiter. Nous sommes les consommateurs principaux. Nous sommes cette narco-city. J'aurai certainement des collègues qui vont lire cet article, j'aurai certainement des copains et copines qui vont se reconnaître. Je vous jette un peu la pierre, j'avoue, et j'assume.

Saint-Laurent du Maroni (3/3), narco-city

[on pourrait bien sûr avoir un gros débat sur ce sujet, évoquer l'échec des politiques répressives menées à tous les niveaux (français ou mondial), se poser la question de la légalisation, etc.]

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1 avril 2019 1 01 /04 /avril /2019 21:42

J'aime bien quand les gens viennent me voir. Oui, ceci est un message à tous, vous êtes les bienvenu(e)s en Guyane, et vous ne le regretterez pas. Car cette région de France en Amérique du Sud est bien plus que des moustiques, des araignées et de la pluie. C'est même parfois bien son contraire ! Prenez ma sœur et son copain : arrivés pour dix jours, c'est tout juste s'ils ont vu de la pluie ! De la chaleur, du soleil, oui ! Crème solaire obligatoire ! Surtout sur les marais de Kaw.

 

C'était la dernière chose que je voulais absolument faire ici. Une réserve naturelle à l'est de Cayenne, des marais dont on nous avait dit le plus grand bien. Avant cette visite, nous nous arrêtons sur le sentier des coqs de roche. Là, une drôle d'espèce d'oiseaux y vit : les coqs de roche, un oiseau à crête, la femme est marron-noire et le mâle... rouge ! Et quel rouge ! Tellement beau qu'il le sait lui-même, et drague les femelles grâce à son plumage ! Il laisse une plume devant elle pour lui montrer sa belle valeur ! Nous avons de la chance, car nous apercevons une femelle, puis un mâle.

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune
Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

Quelques kilomètres plus loin, c'est le village de Kaw, assez connu par ceux qui regardent la série Guyane (c'est là où a été tournée la saison 1). Pas grand chose à y signaler, atmosphère bizarre, village très peu habité et totalement isolé par l'eau... on pourrait aussi y faire un film d'horreur !

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

Nous sommes dans une pirogue avec une dizaine de personnes. Et c'est parti pour la régalade grâce à notre guide, celui qui arrive à te voir un oiseau à 500 mètres sans jumelles, et à expliquer ce que c'est ! Impressionnant, surtout quand arrive le soir, et que nous recherchons les caïmans !

Le caïman, ce petit crocodile.... enfin, y'en a qui peuvent faire plusieurs mètres. J'ai par exemple eu un gros bébé à un mètre de moi, dans l'eau, et le guide avait beau répéter que c'est inoffensif, j'avoue que je n'étais pas serein. Lui, par contre, il est facile : il descend de la pirogue à pieds nus... et choppe un caïman avec ses mains ! WTF ! Il nous explique alors tout de leur vie, de leur fonctionnement, nous permet de la toucher etc. Sensation étrange, on se sent un peu mal pour le caïman, mais apparemment celui-ci ne semble pas si malheureux, c'est tout juste s'il se débat un peu de temps en temps : il reste parfois posé sur le ventre du guide, tel un bébé.

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

Parmi les autres bestioles, des poules d'eau, ou kien kien, plus jolies qu'à Saint-Omer, des zébus dans l'eau (et quand zébu, zé pu soif... ok, je sors), des petites tortues, et une famille de cabiaïs, le plus gros rongeur du monde ! Le tout dans un décor de moucou moucou, cette plante qu'on voit beaucoup beaucoup dans les marais. Un régal !

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune
Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune
Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune
Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune
Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

Au bagne des annamites, ce fut un régal de saïmiris, du nom de ce petit singe si mignon ! Avec quelques morphos (plus difficiles à capter avec l'objectif)

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

Dans les marais de Yiyi, un martin pêcheur et une poule d'eau bleue, tandis qu'un énorme rapace se pose à quelques mètres de nous.

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune
Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

Dans les îles du Salut, en plus des singes que Max a failli ramener avec lui, des beaux aras verts ou bleus se sont baladés dans les airs.

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

Enfin, et c'est pour finir en beauté, les pondaisons de tortues.... et elles étaient très nombreuses et au rendez-vous ! Bref, un régal.

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

En plus de ça, ils ont eu énormément de chance supplémentaire, car une fusée a été décalée rien que pour eux ! Et comme cette fois on regardait du bon côté (merci la nuit), ce fut un spectacle exceptionnel !

Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune
Sophie pas la guigne : safari sur l'eau et fusée au clair de Lune

[Bon Sophie la guigne est réapparue quand l'avion du retour a été annulé, puis le lendemain a eu deux heures de retard, puis l'alerte attentat au terminal à Paris...mais ça valait le coup!]

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1 avril 2019 1 01 /04 /avril /2019 14:39

Après Huit Clos (génial) et Les mouches (bien), c'est un retour à mon année de terminale. A l'époque, mes cours de philosophie avaient lieu juste après la cantine. Je somnolais donc régulièrement, même si j'avoue que Monsieur Rosset expliquait plutôt bien chaque idée derrière des lignes qui me semblaient incompréhensibles lorsque j'étais confronté seul à ce livre...

Quelques années plus tard, je voulais voir un peu mon évolution : suis-je capable de le comprendre ? C'est mon troisième Sartre, je pense être prêt.

 

L'existentialisme est un humanisme (1946)

 

Quelques idées que j'ai retenues :

- L'homme est la somme de ses actes (l'existence précède l'essence) : « l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il fait »

- L'homme fait des choix personnels qui représentent l'image qu'il souhaite de l'humanité toute entière : « il n'est pas un acte qui, en créant l'homme que nous voulons être, ne crée en même temps une image de l'homme tel que nous estimons qu'il doit être ». Bon, je ne suis pas toujours d'accord avec cette idée. Le choix qui est bon pour moi n'est pas forcément bon pour un autre, qui devra alors faire un autre choix. Ce que je considère être bon pour l'humanité, quelqu'un considérera peut-être l'inverse. Ai-je tort ? Dois-je changer de choix ? Cela part du principe qu'il existe une seule vérité à l'humanité, et je suis en désaccord avec ce principe, justement par principe. L'idée d'une seule vérité, si elle peut paraître objective, n'en demeure pas moins dangereuse (elle peut établir un rapport de force vis-à-vis de celui qui détient une autre vérité). De ce fait, je ne considère pas, à titre personnel, que mon choix engage l'humanité.

- Si Dieu n'existe pas, l'homme est liberté. Mieux, ou pire : « l'homme est condamné à être libre », c'est à dire qu'il est le seul à choisir ses actes. J'adore cette phrase.

- Les sentiments se construisent par nos actes. Très intéressant cette partie, et sans doute assez proche de la réalité.

- Il se pose deux fois la question de l'engagement, et il en arrive à l'idée que l'existentialisme s'oppose au quiétisme.

 

Un livre qui fait bien tourner la tête, et qui donne envie d'agir, de faire. De ne pas simplement être. Ce n'est pas je pense donc je suis. C'est Je fais, donc je suis. Clairement l'une des idées guidant ma vie au jour le jour.

 

Le mur (1939)

 

Le Mur est un recueil de nouvelles. Suivent la Chambre, Erostrate, Intimité, L'enfance d'un chef.

 

Le Mur est l'histoire d'un prisonnier républicain espagnol qui est condamné à mort. On lui propose alors un arrangement, il dénonce un de ses amis, et il aura peut-être la vie sauve.

La Chambre est l'histoire d'un père de famille essayant de convaincre sa fille de placer son mari, devenu fou.

Erostrate est l'histoire d'un tueur voulant se faire un nom.

Intimité est l'histoire de deux histoires d'amour d'une seule femme.

L'enfance d'un chef est celle de Lucien, futur grand chef fasciste.

 

Première chose : je crois bien que je n'aime pas les nouvelles. On a à peine le temps de s'attacher aux personnages qu'ils nous disent déjà au revoir. Oh, reviens, tu ne m'as pas tout dit ! Alors je me pose la question : choisit-on la nouvelle par manque d'inspiration ?

Le Mur est par exemple une faible copie du dernier jour d'un condamné d'Hugo. Les nouvelles suivantes ne valent pas le coup de s'y attarder. L'enfance d'un chef est plus développé, mais plus linéaire. C'est écrit d'un traite, et ça manque de pause justement. Du coup cette analyse de l'arrivée du fascisme dans la tête du personnage est trop rapide. Dommage, l'idée était intéressante.

Bref, c'est bien le premier Sartre que je n'ai pas savouré. Soit. Allez, direction La Nausée.

 

La Nausée (1938)

 

Antoine Roquentin, jeune homme de 30 ans, habite Bouville, où il fait des recherches pour un livre historique sur un conte du XVIIIème siècle. Il souffre d'une étrange maladie lui faisant avoir des crises d'angoisse. Ses retrouvailles avec son amour de jeunesse Anny sont l'un de ses derniers espoirs dans la vie.

Outch. C'est mauvais. Je veux dire, je n'ai vraiment pas aimé. Déjà, l'histoire et son scénario : rien. Ou si peu. Le livre hésite entre le roman et la philosophie. Quand on essaie de faire les deux, on fait mal les deux. Certains passages sont extrêmement longs et douloureux à lire (l'arbre et ses racines, chacune des crises du personnage en fait). Et j'en suis ressorti avec l'impression d'une belle branlette intellectuelle de son auteur. Dommage, car j'aime jusque là les livres de Sartre. Livre qui a pourtant fait sa renommée, où il évoque l'existentialisme, le néant etc. Un brouillon donc. Et il ne faudrait pas avoir à lire les brouillons.

 

Deux citations :

La passé, c'est un luxe de propriétaire

Sans doute, à son lit de mort, à cette heure où l'on est convenu, depuis Socrate, de prononcer quelques paroles élevées, avait-il dit à sa femme, comme un de mes oncles à la sienne, qui l'avait veillé douze nuits : « toi, Thérèse, je ne te remercie pas, tu n'as fait que ton devoir ». Quand un homme en arrive là, il faut lui tirer son chapeau.

 

Bon, je pense arrêter Sartre pour un moment après cette épreuve. Je ne sais pas si Les Mots ou L'être et le Néant sont faits pour moi de suite !

Les lectures de voyage, Jean-Paul Sartre
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