Je me plains souvent de la politique de ceux qui nous gouvernent. Pas assez proche des attentes des Français, trop concentrés sur leur réélection, sur leurs avantages, sans idée nouvelle, trop âgés, les griefs ne manquent pas. Et pour le moment j'ai deux possibilités d'exprimer mon mécontentement : dans l'isoloir, pour sanctionner la politique précédente ou encourager une nouvelle, et sur ce blog, où j'écris de temps à autre sur des sujets qui me plaisent ou non.
La première possibilité présente quelques désavantages : elle ne réapparait que tous les 5 ans (ou 6, selon l'élection), elle ne me permet pas de donner mon avis (mais seulement de voter pour la personne ou le parti qui se rapproche au mieux de mes idées, sans jamais réussir à me convaincre totalement) et le gagnant est rarement celui qui me plait le plus (c'est la démocratie).
La seconde possibilité, l'écriture dans ce blog, ne rencontre qu'un public réduit à quelques-uns de mes plus grands fans que la politique ne rebute pas. Et c'est loin d'être un euphémisme que de dire que ces quelques écrits ne font pas bouger les choses, ou les mentalités.
Je m'inquiète souvent de la poussée des extrêmes, la droite en particulier. Au-delà des scores aux élections, qui augmentent régulièrement, c'est la poussée des idées extrêmes dans les mentalités et le débat public qui m'embêtent le plus. J'ai reçu une formation d'historien, et j'ai développé une étrange passion pour la politique et les relations internationales en Afrique, notamment avec la politique du Rwanda après le génocide. J'ai de plus visité Auschwitz et un mémorial au Cambodge (et je vais à Dachau dans quelques jours). Ce qui m'interpelle le plus, ce sont les débuts des génocides, et l'évolution des mentalités vers les extrêmes. C'est loin de venir d'un seul coup, je pense que vous vous en doutez. Personne au Rwanda ne s'est réveillé en avril 1994 en pensant : tiens, aujourd'hui, je vais tuer mon voisin. Non, l'évolution s'est faite dans le temps, à coup de décennies de politique raciste ou ségrégationniste, de déclarations enflammées. Les Tutsi ont commencé à être massacrés dès l'indépendance et des pogroms ont eu lieu régulièrement, à chaque fois que le gouvernement avait besoin de jouer des divisions pour asseoir son autorité.
Oui, la France est loin d'être dans cette situation. Mais les derniers mois, les dernières semaines du précédent gouvernement ont vu des personnages publics tenter de jouer sur les divisions des Français pour rester au pouvoir. La cible : l'étranger, l'immigrant, le musulman. J'ai vu un clip de campagne évoquer les frontières et afficher un panneau écrit en arabe. J'ai vu un candidat dans un débat répondre sur l'Islam quand on lui poser une question sur le droit de vote des étrangers. Ce genre de raccourci grossier n'a pas fonctionné, tant la ficelle paraissait grosse. Mais elle a rapproché encore un peu plus une partie de la droite française de l'extrême droite. La question d'une alliance a été plusieurs fois posée, et si la réponse fut négative elle fut cependant un peu plus longue que d'ordinaire à venir. Comme si certains en avaient envisagé la possibilité. Allons, le principal conseiller de l'entre-deux tours du candidat-président n'était-il pas une transfuge du front national ?
Je me suis souvent posé la question avec des amis proches sur la façon de lutter contre les idées des extrêmes. Mes écrits en faisaient partie (même si on me reprocha tout de même de favoriser la banalisation des idées extrêmes avec quelques-uns de mes articles). Mes discours au coin de ma table de famille, au café ou au football également. Mais est-ce suffisant ?
Bien sûr je pourrais toujours laisser cette question aux politiques en place et me détourner de la chose en évoquant mon droit au bonheur, l'absence de temps ou d'envie, ma propre ignorance et mon choix de voyager. Non. Non. Non. La lutte contre les extrêmes, comme la lutte contre les génocides, doit être la mission de chaque démocrate. Elle doit être la vôtre, la mienne.
Comment la réaliser ? Des écrits ? Des débats ? Des associations ? Des mouvements citoyens ? Des partis politiques ? Comment influencer à une grande échelle ? Comment éviter la prolifération des idées frontistes ?
J'ai fait un choix, très personnel. Je vais m'engager en politique.
Attention, cela ne signifie sans doute pas que je vais vous harceler pour rejoindre le parti qui sera le mien ou que je vais poster 5 statuts par jour sur une plate-forme de réseau social pour dénoncer la politique en place ou pour mettre en évidence les superbes qualités que nous avons, nous, au parti.
Cela ne signifie pas non plus que c'est un choix définitif ou que je serai demain votre prochain président. C'est un choix sur du court terme, pour voir si je me retrouve dans les idées et le fonctionnement d'un parti. Pour voir son utilité, sur la sphère nationale, régionale, sur la sphère des idées, sur mes idées.
J'ai peur vous savez. La politique est un milieu qui m'attire et me dégoûte. Je suis loin d'être le seul dans ce cas. Les affaires de corruption sont légion et la confiance que j'ai en mes représentants est limitée. Mais c'est justement ce qui me pousse à m'engager. Je pourrai toujours passer ma vie à me plaindre de ce qu'ils font, eux. Mais eux, les politiques, ont déjà eu le courage de s'engager. Et je ne leur retire pas. Bien sûr on voit souvent le côté pouvoir, argent, célébrité, impression de puissance, métier de planqué, que sais-je encore. Mais j'y vois aussi un sacrifice de leur vie personnelle, l'impossibilité de prendre soin de ses enfants, de les voir grandir. La politique au plus haut niveau est un métier, un vrai, sans horaire, sans 35 heures. Chaque jour, chaque semaine, chaque mois, des déplacements, des rencontres, des réunions. Et quand on revient éreinté à la maison on devrait peut-être y travailler les dossiers prioritaires.
Je connais un peu la vie de Jacques Chirac, de par les autobiographies qui lui ont été consacrées. Et je sais que son plus grand échec est loin du domaine politique, c'est le malaise constant d'une de ses filles, ses dépressions, ses tentatives de suicide. Et l'animal politique qu'il est ne s'en remettra jamais. Et s'il devait choisir de refaire sa vie, je pense qu'il hésiterait un long moment avant de s'engager à nouveau.
Le politique est une cible constante. On ne peut jamais satisfaire 100% de ses concitoyens. Alors il y a toujours des mécontents, des jaloux, des envieux, des teigneux, ceux qui veulent du mal, ceux qui veulent la peau d'un politique. Tableau de rêve en soi.
Alors pour mieux préparer l'avenir, je pourrais me consacrer à ma vie personnelle. A la fin de mes études, à un métier, à me trouver une petite femme et faire des enfants. Veiller à leur éducation et compagnie. Penser à mon bonheur avant d'envisager celui des autres.
Oui, mais ça me resterait toujours en travers de la gorge. Le fait de ne pas avoir essayé. Le fait de ne pas m'être battu pour des idées que je crois plus justes, que je crois bonnes. Pour des idées qui doivent vaincre au XXIème siècle. Et pour d'autres qui doivent rester dans la première moitié de XXème siècle.
Tout cela peut vous paraître bien prétentieux. Penser que mon opinion doit un peu compter, que je dois la déclarer au monde par la politique, en voilà d'une grosse tête. Peut-être. Je n'en sais rien. Je ne sais toujours pas si mon choix est le bon, si je ne vais pas devoir le regretter plus tard, voir même maintenant. Pour mes potes, ma famille, Elle. Et puis tout le reste, les curieux, les connaissances, les amateurs du blog ou ceux que je croise par hasard. Vais-je perdre des amis avec ce choix ? Vais-je perdre mon temps ? N'y-a-t-il pas un risque que je m'emballe, n'y-a-t-il pas un risque pour que j'envoie tout balancer à côté pour m'y consacrer pleinement, que je me transforme en partisan aux idées fermées ? N'y-a-t-il pas un risque pour que j'en revienne déçu ? Peu importe, j'en reviendrai de toute façon.
Difficile de conclure ce texte, tant cela me semble être une introduction. Si, peut-être par un appel. L'appel de Munich, tout un symbole dans cette ville si historique. Un appel à ceux qui pensent un peu comme moi, à ceux qui hésitent à franchir le pas, à ceux qui ne veulent pas s'engager seul. A ceux qui pensent que les idées extrêmes doivent être combattues coûte que coûte, que c'est là l'un des plus grands dangers pour notre démocratie. A ceux qui ne veulent pas d'une Marine au pouvoir, à ceux qui pensent que la fermeture des frontières correspond à la fermeture de nos esprits, à la fin de nos idéaux. A ceux qui se veulent ouverts d'esprit, à ceux qui ont des difficultés à se reconnaître dans les partis politiques actuels. A tous les fils de France qui pensent avoir des idées novatrices et meilleures pour le XXIème siècle. A ceux qui veulent d'une France meilleure pour nos enfants, nos petits-enfants. A ceux qui croient à un monde plus juste, à un monde meilleur. Et surtout à ceux qui pensent que l'on peut encore changer les choses, que non, nous ne sommes pas tous foutus, ceux qui croient en l'idéalisme et ne le rient pas, ceux qui souhaitent s'engager, ceux qui en ont l'envie et la force de le faire, en toute connaissance de cause. Je ne vous promets pas le bonheur, oh non, je ne vous promets rien d'ailleurs. Peut-être simplement l'impression d'avoir essayé, un jour, de construire quelque chose de meilleur.
Après, le reste, ça viendra.