Après s'être fait refouler de l'Abyssian Baptist Church ( De la ségrégation à New York contre les blancs (expérience personnelle) ), nous avons erré dans les rues de Harlem à la recherche d'une église prête à nous accueillir. La seconde demeure de Dieu était presbytérienne. Cependant, ses portes étaient fermées aux touristes, comme l'expliquait une affiche à l'entrée. Mon aversion contre la religion et l'église se renforcait à chacun de ces refus.
A 10h45, nous voyons au loin l'église de Saint Charles Borromeo. C'est la cinquième que nous tentons de visiter depuis ce matin. Les portes sont ouvertes. Un chant résonne. Un gospel. Nous entrons dans l'église qui nous paraît minuscule. Autour de nous, une majorité d'Afro-Américains et dans un coin ceux que je soupconne d'être des touristes. Je reste dans le fond de l'église, bien décidé à voir ce que je cherche depuis deux heures.
La messe se déroule comme en France. Jusqu'à ce qu'un chant retentisse. Ils sont une vingtaine d'Afro-Américains, avec la même tenue. Et ils chantent pour Dieu, pour Jésus, pour les apôtres. Leur chant ressemble à un cri. Magique. Des frissons parcourent mon corps à chaque refrain. L'ensemble de l'église reprend en choeur, reprend avec coeur. J'avoue être impressionné. Il y a là un réel talent, dans la chanson. Il y a là un réel engouement, pour la religion. Une ferveur que je n'arrivais pas à ressentir en France.
Dans notre hexagone, j'ai toujours eu l'impression que l'Eglise était simplement douée pour célébrer des enterrements. C'est froid, c'est austère et la parole de Dieu ne m'a jamais réellement donné envie de m'engager, ni même d'y croire (tout ceci n'est bien sûr qu'une opinion personnelle, je respecte les choix et les croyances de chacun). J'ai l'impression que l'Eglise francaise a trop subi l'influence des moines et de leur austérité, notamment dans les discours.
La messe que j'ai vue dans Harlem était très différente en raison du pasteur. Il riait. C'est bête à dire mais je pensais que les pasteurs ne pouvaient pas rire, qu'ils n'étaient jamais joyeux. Il chantait. Et quand je dis chanter, ce n'est pas au fond, assis sur sa chaise. Non, il fait un couplet, seul, et a cappella. Talentueux notre pasteur ! A la fin de la messe, il fait applaudir les touristes par nationalité, dont une grosse moitié de Francais.
Il quitte l'église en chanson, comme les croyants, en effectuant quelques pas de danse. Je ne sais pas si vous pouvez imaginer l'effet que cela fait de voir un pasteur partir ainsi. C'est tout juste si je ne me mettais pas à lui courir après pour m'engager dans les ordres.
Alors depuis je réfléchis. Sur l'Eglise, la religion, sur Dieu, sans trop savoir s'il existe. Et sur la France et son Eglise, qui sont restées au XIXème siècle. Je comprends un peu mieux la désaffection francaise. Je comprends aussi un peu mieux l'enthousiasme des Américains.
Le gospel ? Ca vous change une église.