Pourtant, j'en étais un de ses ardents défenseurs. Même l'un de ses précurseurs dans la région, après qu'un ami en Erasmus m'est obligé à m'inscrire sur ce site dont je ne comprenais pas encore l'intérêt. Nous devions être 10, et très clairement, on se faisait chier. Saint-Omer et sa communauté n'en était encore qu'au stade initial. Je lui faisais alors une publicité constante, obligeant mes soeurs et les ami(e)s de l'université à s'inscrire en prévision du succès escompté. [Zuckerberg devrait d'ailleurs m'accorder une action ou deux de son entreprise.] Et puis le succès est arrivé, ça a même tout explosé.
Septembre 2006, création. Novembre 2007, mon inscription. Mars 2008, site en français. Avril 2011, 17 millions de membres. Boom.
Nous étions tous d'accord : ce site allait dans le bon sens. C'est pourquoi nous l'avions rejoins. C'était le rassemblement du blog (un profil et les photos) et de MSN (pour se taper la discute). Garder contact avec des personnes à l'étranger ? Facile maintenant, il y a Facebook. Et pourtant...
Entre-temps, il y a eu un bug. Facebook a cassé quelque chose. La faculté de s'exprimer. La faculté d'écrire, de penser. D'avoir des explications de plus de 420 caractères. Facebook a détruit MSN, les blogs et les pages d'accueil internet. Aujourd'hui, le réflexe le plus commun est celui-ci : allumer l'ordi, se connecter, facebook. Messages, notifications et surtout ce putain de mur espion. Tiens il a fait ça. Tiens elle a écrit ça. NON ? Ils ont rompu ? Ahah marrant le nom de ce groupe. C'est quoi cette application ? (...) J'en passe, et des pires. Si, pire, Twitter et ses 140 caractères.
Je suis un fan du blog. J'en étais également un des précurseurs. Mai 2004. Une éternité pour certains, qui gambadaient encore dans le préau de l'école primaire. En juin 2007, 10 millions de blog. Une chance sur deux que toi aussi tu es un jour décidé d'écrire quelques phrases sur ta vie, de présenter tes ami(e)s, et d'exprimer quelques-unes de tes pensées au plus grande nombre.
Depuis Facebook, je suis un des derniers dinosaures, une espèce en voie de disparition, qui tentent encore d'exprimer des idées de plus de 420 caractères. Et je trouve cela clairement dommage. Il n'y a pas si longtemps, on allait de blog en blog pour suivre la vie des gens. Pas seulement savoir s'ils étaient célibataires ou en couple. Ou s'ils avaient rejoint tel ou tel groupe. Non, on lisait des articles qui correspondaient à la personnalité de chacun. Certes on laissait des commentaires, parfois un peu plus stupide que celui précédent, et c'était déjà quelque chose. Mais il y avait une base, un article, une photo, une pensée. Facebook, c'est l'apogée du commentaire de trois mots qui n'expriment rien d'autre que "je me fais chier, je n'ai rien d'autre à faire que de passer sur ton profil et je te laisse donc un commentaire absolument pas constructeur à souhait, mais qui a le mérite de montrer que j'existe". On laisse donc une trace sur ses potes, ses connaissances (souvent plus nombreuses que la première catégorie), et on dit "oui, j'aime cette 1512ème photo de toi en profil avec une pose d'aguicheuse" ou "oui, j'aime voir cette 412ème photo de toi et d'une autre personne en soirée". Je me demande même parfois si certains ne font pas des soirées simplement pour être en photo ensuite sur ce site.
Alors maintenant on ne va plus de ville en ville mais de profil en profil, à perdre un temps extraordinaire en commentaire stupide, au lieu de vivre pleinement les moments de sa vie. Facebook c'est la télévision. Avec ses potes à l'intérieur. On les regarde, on les observe. Et on commente. Parfois, nous sommes dans la télévision.The Truman Show. 1984.
Les programmes ne sont pas toujours les mêmes. De mon côté, j'espère être un peu plus Discovery Channel ou Voyage que Gulli ou TF1. Mais la majorité de nous a quand même une utilisation très télé-réalité, avec possibilité de suivre en direct ce que je fais. Je mange. Je vais dormir. Je prends ma douche. Je caricature. Mais il y a une part de vérité, non ?
Et pourtant... J'écris tout cela et je suis comme toi. Facebook est une de mes drogues, peut-être même la seule. Elle me prend en moment de solitude, d'ennui, de détresse. Aller sur Facebook c'est s'occuper l'esprit. Pas forcément des choses très intelligentes. Pas forcément des choses très utile. Mais j'y retrouve des gens que je ne peux pas croiser dans la rue. Que je ne peux aborder que sur cette plate-forme. Les étrangers. Erasmus me bloque sur le site. Il m'oblige à rester sur Facebook pour l'éternité. Comment réaliser mon voyage en Espagne sans ce site ? Utliser les lettres timbrées ?
Je comprends les défenseurs du site. Je comprends les opposants. Je rejoins les deux camps. Ca dépend du moment.
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