Les toilettes en Inde, c'est quelque chose. Sur une affiche, en plein centre-ville de Madurai, j'ai vu des dessins expliquant pourquoi il ne faut pas faire caca dans l'espace public (en plus de ne pas cracher et de bannir les sacs plastique). L'objectif : devenir la ville la plus propre du pays ! Comme vous le comprenez, cela ne va donc pas de soi. Mais il faut les comprendre, car les toilettes indiennes.... vous voyez les toilettes "à la turque". Pareil. Mais.... mais... mais il est où le papier ??
Oui, car, dans les toilettes indiennes, pas de papier, ni de petit jet d'eau. C'est ce qu'on appelle le "travail manuel". Je ne comprenais pas pourquoi les gens ne mangeaient qu'avec la main droite, alors qu'ils s'en servent pour serrer la paluche à tout le monde (bonjour les bactéries que je me disais !). Mais forcément, si la main gauche sert à se nettoyer les fesses... (je souhaite un bon appétit à celle ou celui qui mange en me lisant). Bref, passons ces détails, vous allez finir par me croire scatophile (déjà que certain(e)s doivent me considérer comme un pervers à la suite du dernier article !)
Ma phase d'adaptation s'est terminée à la gare routière de Pondy, C'est là, patientant 2h30 pour mon bus, que j'ai compris ce qu'était l'Inde : un immense bazar ! Pourtant, mon bus, enfin, celui qui devait être mon bus, était là, devant moi. Impossible d'y entrer. "Full", c'est à dire plein. Moi, je vois pourtant beaucoup de places ! Pas grave, le deuxième arrive dans... une heure trente. Outch, Bon. Après une grosse heure, je redemande et on m'envoie vers mon nouveau bus qui est.... "full". La deuxième fois, c'est énervant, au moins intérieurement. Bon, je paye de ma patience, assis sur le guichet vendant les tickets. Cette fois, on ne m'aura pas ! Et je suis monté le premier dans le troisième bus !
J'arrive à Madurai à 3h30 du matin, heure sympa pour retrouver Abubaker, mon couchsurfer. Enfin, ça, c'était le plan, comme le premier bus était mon plan. Car mon chauffeur de tuk-tuk me fait l'Indien : "oui, oui, je connais cette adresse". "Non, non, je ne demande pas aux autres chauffeurs car je suis perdu". Bon, après 45 minutes à faire l'avenue en long, en large, en travers et en marche arrière (!!), il m'avoue qu'il est perdu. "Dites moi pas que c'est pas vrai !" Mon imitation de Jamel était bonne, mais il ne semble pas avoir reconnu. Il n'est pas aidé dans sa recherche par les autres Indiens que l'on rencontre. Car lorsque tu demandes à un Indien où est quelque chose, il ne répondra jamais "je ne sais pas". Non, il préfère t'envoyer dans la direction opposée plutôt que de reconnaître son ignorance.
4h30, "it's a bingo !" (il ne réagit pas non plus à ma très bonne imitation de Christopher Waltz !) Je sonne. Sans surprise, ça ne répond pas. Que diable font les gens à 4h30 du matin !? Hum, hum. Mon double coup de sonnette à 5 heures du matin me délivre de la moustiquaire que j'avais accrochée devant la porte d'entrée. J'entre, et je découvre rapidement le vrai prix d'un matelas.
Madurai est une ville de transition. Elle est surtout connue pour son temple de Minakshi et son palace. Le premier est impressionnant, les portes d'entrée valant leur pesant de statues (plus de 4 000 sur l'une d'entre elles, en sachant qu'il y a 5 portes !). je vais être honnête, je n'ai pas regardé toutes les statues (33 000 apparemment !). L'ensemble date des XVI-XVIIèmes siècles, et il est un peu terni par l'état actuel de conservation. Le musée est indécent (je pèse mon mot), étant bloqué en 1960 : l'ensemble est jauni, rarement traduit en anglais, il y a plein d'armoires vides, des photos d'identité d'anciens visiteurs se mélangent aux collections, celles-ci ne sont pas mises en valeur... un vrai travail de cochon. Dommage, car c'est en plein milieu de la salle des 1 000 colonnes, qui devrait être l'endroit le plus magnifique du temple. Les règles sont aussi arrêtées en 1960, car les appareils photos sont interdits, mais pas les smartphones (règle qui m'énerve particulièrement, mon appareil photo dans la consigne...).
Apres avoir parcouru les lieux, je pars pour le Thirumalai Palace qui, lui aussi, mériterait un bon coup de peinture. Dommage, car la ville a un vrai potentiel.
Je m'y ballade cependant avec un grand sourire. j'ai pris les transports en commun en solo et sans difficulté, les gens sont souriants et sympas, je choisis le bon resto (beaucoup d'Indiens = pas cher et bon, règle universelle du voyageur), j'évite les arnaques. Bref, j'ai l'impression de comprendre petit à petit ce pays, cette région.
Le soir, Abubakar me fait manger un repas soudanais avec ses potes est-africains dans une ambiance très Canterbury (surtout Sean en fait).
Le lendemain, je continue ma traversée du Tamil Nadu, ma région indienne du départ, pour parvenir à Kanyakumari, l'endroit le plus au Sud de l'Inde. Les paysages traversés sont différents de la côte que j'ai longée au départ. Ici, c'est une sorte de savane, plus sèche, peu habitée. C'est la plaine du centre, avec les montagnes dans le lointain (j'irai prochainement). Puis la végétation se densifie, se reverdit, des palmeraies apparaissent tandis que je ressens l'air frais de l'océan. Le cap Comorin, j'y suis.
Pour la première fois de ce voyage, je me retrouve dans une chambre d'hôtel. 1 000 roupies la nuit, environ 14 euros, un luxe en Inde. j'ai de ce fait une vraie salle de bain, des toilettes européennes et la BBC sur la télé, pour me permettre de suivre les nouvelles péripéties de Trump et Fillon (je remarque que les sujets n'ont pas beaucoup évolué depuis mon départ !). Mais, surtout, depuis ma fenêtre...
Ah coucou toi ! Pour être tout à fait honnête avec vous, j'ai choisi Kanyakumari uniquement pour sa position géographique. C'est donc une véritable surprise que de me retrouver face à cette immense statue qui trône dans l'Océan Indien.
Je suis fasciné par cette statue de Thiruvalluvar, poète et philosophe tamoul de l'Antiquité. Elle a été construite en... 1999 ! De même, le mémorial du rocher à côté est récent (1970), et il est en l'honneur de Vivekananda, philosophe indien de l'hindouisme du... XIXème siècle. Le petit trajet en bateau est agréable, tout comme la visite du lieu.
A noter, en Inde, il est de coutume de retirer ses chaussures avant d'entrer dans un temple (et pas seulement, cela se fait aussi pour les maisons, voire même pour les magasins). Le souci lorsqu'on visite un temple extérieur, c'est la température du sol ! Car 35 degrés dans l'air c'est encore plus sur les pierres et j'ai souvent l'impression de marcher dans un brasier ! Heureusement, une ligne de peinture blanche à même le sol permet de bénéficier d'un couloir de circulation moins brûlant (mais ce n'est pas toujours le cas).
Kanyakumari abrite également un mémorial pour Gandhi, à l'endroit où ses cendres ont été présentées au public avant l'immersion dans l'Océan Indien. Car oui, ici, devant moi, c'est vraiment l'Océan Indien. Immensité. Tout au fond, très loin, très loin, encore plus loin, c'est l'Antarctique.
La ville bénéficie de sa position géographique et elle l'utilise : bienvenue dans le seul endroit du sous continent ou vous pouvez voir le lever ET le coucher du soleil dans l'océan. Et ça, forcément, c'est la classe, et c'est ce qui attire les milliers d'Indiens qui m'entourent (en plus d'être un lieu de pélerinage). Bizarrement, peu d'Européens. Une tour a été construite pour mieux apprécier ces deux moments de la journée, dommage qu'elle soit dégueulasse (je l'ai d'ailleurs boycottée uniquement pour cette raison !).