Mondiano. Ce nom me disait vaguement quelques choses. Au milieu de la bibliothèque de Tampere, il me fallait faire un choix. Dumas, Zola, trop long pour moi. Camus, Hemingway c’est fait. Patrick Mondiano, pourquoi pas ?
Et c’est comme cela que je me suis retrouvé avec Une jeunesse et La ronde de nuit. Le titre de ce dernier me rappela un souvenir lointain, comme un appel à sa lecture.
La ronde de nuit est une histoire courte assez basique : un homme est engagé par la gestapo pour s’introduire dans un mouvement de résistance. Dans le même temps, ce mouvement de résistance l’engage pour s’introduire à la gestapo.
J’avoue que j’ai eu des difficultés à débuter le livre. Beaucoup de personnages, des changements de scènes, de lieux et de temps sans que l’auteur n’y fasse d’allusion. Je compris après le deuxième ouvrage que c’est l’une des récurrences du style Mondiano. Retour dans le passé, puis vers le présent, puis à un autre endroit. Difficile si je ne suis pas concentré. Et si je ne commence et finis pas le livre dans la même journée. L’idéal est donc de lire cet ouvrage pendant l’une de vos journées de vacances. Oh, ça ne prendra pas beaucoup de temps, quelques heures suffisent. Mais il faut également vous réserver un espace-temps pour la réflexion par rapport à cet ouvrage.
En effet, le choix du personnage principal m’a amené à m’interroger sur ce qu’aurait pu être ma décision. Et là, il ne faut pas forcément se croire plus fort qu’un autre. Se dire « bien sûr, pendant la seconde guerre mondiale, j’aurais été résistant ! J’aurais sauvé des Juifs ! ». C’est trop facile de le dire sans avoir connu cette période. Et sans prendre en compte plusieurs facteurs, comme sa propre famille, ses amis. Entre sauver un Juif inconnu ou protéger vos enfants, qu’est que vous auriez faits ? La résistance ne se décrète pas, elle n’est pas automatique. C’est un choix à faire, dans une période difficile, et cette décision peut entraîner votre fin, et celle de tous vos proches. Leur souffrance, leur torture. Torturer votre enfant pour sauver un inconnu… La dilemme, le choix cornélien. Faire ce qui est bon pour le monde ou faire ce qui est bon pour vous et vos proches ?
De même, si je suis né allemand et qu’on me demande de servir mon pays à assassiner un peuple. « Je résiste, je refuse ! » Ou alors je préfère sauver ma vie et j’exécute (les ordres) ?
La résistance est avant tout un sacrifice. Et peu d’entre nous sont des Abraham en herbe. La résistance française ne représentait qu’une minorité. Et parmi ceux-là, combien s’y sont retrouvés par hasard, pour sauver un proche, un ami, ou pour venger quelqu’un tombait dans ce combat ? Alors non, je n’affirme pas « j’aurais été un résistant ! ». J’aurais aimé l’être, mais peut-être en aurais-je été incapable. Incapable de passer à l’action, incapable de mettre en danger la vie de ceux que j’aime. Un lâche ? Je ne sais pas si c’est être lâche de penser d’abord à soi et à ceux qu’on aime. Egoïste, oui, c’est plutôt cela. Egoïste de penser que ma vie est plus importante qu’un inconnu, qu’elle vaut plus la peine d’être vécu. Egoïste de penser d’abord à ses enfants plutôt qu’à ceux des autres. Et des égoïstes, il y en a plusieurs milliards. Car on est tous égoïstes au fond de nous. Nous pensons tous à notre monde, à notre village, à notre région, à notre pays, à nos amis, à notre famille avant de penser à la famille des autres, aux amis des autres, à un autre pays, à une autre région, à un autre village.
Il y a quelques exceptions, l’abbé Pierre, Mère Thérésa… des personnages qui sont restés dans l’histoire pour être venu en aide aux plus démunis tout en y impliquant leur personne. Et puis les résistants, qui ont pensé aux autres avant de penser à eux, qui pour beaucoup sont morts en martyrs sans avoir pu réaliser ce pour quoi ils se battaient. Ceux qui ont donné leur vie et celle de leurs proches pour une cause qu’ils croyaient bonnes, qu’ils croyaient justes et nécessaires. Il y en a peu de cela. Et mon personnage principal, de la ronde de nuit ?
A lire…