Stanley Kubrick, Path of Glory (1957) : 16. Très bon Kirk Douglas !
En 1916, la guerre s'est enlisée depuis longtemps dans les tranchées. Le général Broulard, chef de l'état-major, incite le général Mireau, lui faisant miroiter de l'avancement, à donner l'assaut à une très solide position allemande, la Cote 110 (nommée « la Fourmilière » dans la VO) et ce, sans renforts ni préparatifs. Mais le régiment, mené par le colonel Dax (Kirk Douglas), est repoussé par le feu ennemi et doit se replier avec de lourdes pertes. Observant la scène, le général Mireau s'aperçoit qu'une partie des hommes n'a pas quitté les tranchées et, de rage, décide de faire tirer sur ses propres troupes pour les forcer à attaquer. Mais son ordre, transmis oralement uniquement, est refusé par l'officier responsable de l'artillerie.
Devant cet échec personnel, le général Mireau décide alors de traduire en conseil de guerre le régiment pour « lâcheté ». Il souhaite qu'une centaine de ses hommes soient exécutés. Le colonel Dax s'insurge contre cette idée qu'il juge révoltante. Finalement le général Broulard décide d'un compromis : seuls trois hommes, un par compagnie, seront jugés.
Ecœuré, le colonel Dax, brillant avocat dans le civil, demande alors l'autorisation au général Broulard de défendre les trois hommes qui seront désignés. Mais tout son talent ne pourra l'aider à infléchir les juges pour qui la sentence ne fait aucun doute : les soldats seront fusillés le lendemain.
En dernier recours, le colonel Dax décide de retrouver le général Broulard, pour lui apporter les preuves que le général Mireau avait ordonné à son artillerie de tirer sur ses propres troupes pendant l'attaque. Ceci n'empêchera pas l'exécution des trois soldats mais le général Broulard utilisera cette carte pour ordonner une enquête sur les agissements du général Mireau et offrir ainsi son poste au colonel Dax, croyant que celui-ci a agi par pure ambition. Dax refuse de façon véhémente cet avancement, écœuré par le cynisme du général, et s'empresse de retourner auprès de ses hommes.
Ce film s'inspire de plusieurs faits réels. Pendant la Première Guerre mondiale, environ 2 500 soldats français ont été condamnés à mort par les conseils de guerre, dont un peu plus de 600 furent réellement fusillés « pour l'exemple » par l'armée pour des motifs divers (abandon de poste, mutilations volontaires, refus d'obéissance, etc.), les autres ayant vu leur peine commuée en travaux forcés.
Stanley Kubrick s'appuie entre autres sur l'affaire des caporaux de Souain où le général Réveilhac aurait fait tirer sur son propre régiment refusant de sortir des tranchées lors d'un assaut impossible, avant de faire exécuter quatre caporaux le 17 mars 1915 ; ils seront réhabilités en 1934. La justice militaire était devenue une justice d'exception depuis des décrets d'août et septembre 1914 : le sursis, le recours en révision, les circonstances atténuantes et le droit de grâce étaient supprimés.
C'est un film de guerre mais surtout un film contre l'armée. Il dénonce des rapports sociaux profondément viciés, et la résistance désespérée que leur offrira un homme, le colonel Dax. L'opposition, à la différence du film de guerre classique, ne passe donc pas entre deux camps mais entre les officiers et les soldats d'un même camp, les uns jouant leur promotion, les autres leur vie (on ne voit jamais les Allemands).
Le film, réputé attentatoire à la dignité de l'armée française, restera longtemps interdit de projection en France. La diplomatie française tentera d'ailleurs aussi de freiner sa diffusion ailleurs. L'œuvre de Kubrick ne sera finalement diffusée en France qu’en 1975.