6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 04:52

Le vrombissement du moteur se fait entendre. La locomotive traîne trois wagons, ce qui donne au train un air miniature comparé aux longs vers chinois. La foule s’amasse au-devant des portes, prête à sauter dès que l’occasion se présentera, dès que le dernier passager sortira. Nous étions en première position, nous voici relégués au milieu du peloton. Deux femmes françaises s’incrustent, l’air de rien, tout en s’en vantant dans leur langue maternelle. « Heureusement que les places sont numérotées » je pense alors, sans trop comprendre pourquoi une grande partie de la population est prise d’un stress avant d’entrer dans un moyen de locomotion.

 

Le départ s’est fait dans la précipitation. Ma partenaire peste contre sa santé, et les deux hôpitaux visités n’y ont rien changé. Bangkok est reconnu pour ses soins médicaux, nous nous y rendons au pas de charge. Deux heures pour empaqueter, dire au revoir à notre couchsurfer, manger, et nous rendre à la station. Chanceux que nous sommes, il reste trois tickets. Dommage pour le couple qui nous succède.

 

C’est la première fois que nous prenons le train depuis le Viêt-Nam. Nous n’imaginions pas que ce moyen de locomotion allait tant nous manquer, surtout après le temps passé en son sein entre Moscou et les campagnes chinoises. Mais le train a ses avantages que le bus n’a pas. Les toilettes. La possibilité de lire sans se faire trop trimballer. La possibilité d’écrire. Et la possibilité de dormir.

 

En vérité, les toilettes sont un lieu public que l’on ne souhaite pas vraiment visiter. Quand le besoin est urgent on y va, mais à reculons. Une toilette pour cent personnes, ça laisse des traces (au sens propre du terme). Je ne me plains pas, au contraire, je remercie à chaque toilette publique la chance que j’ai d’être un garçon, d’être toujours debout. Je plains les filles, n’imaginant pas comment on peut s’asseoir dans un endroit pareil. On me répond parfois que l’on peut simplement s’accroupir, mais on est cependant en danger hygiénique à chaque mouvement brusque de la locomotive.

 

Dormir dans un train ce n’est pas l’idéal non plus, surtout quand les lits-banquettes n’existent pas. Un siège de train devient alors plus petit que d’ordinaire. La tête de ma partenaire est posée depuis une bonne heure maintenant sur mon épaule droite. Je la regarde, un visage paisible. Elle doit dormir, c’est bon pour sa santé. La mienne, mon dos, se plier en deux, en trois ou en quatre pour ne pas changer la position de mon épaule ce n’est pas un problème. Je craque 30 minutes plus tard, et reste ébahi devant le visage de cette demoiselle qui n’a pas bougé d’un seul centimètre, telle une statue grecque.

 

Le train, c’est surtout l’occasion de réfléchir en voyant défiler le paysage. La Thaïlande de nuit, c’est triste : bien trop sombre pour y déceler quoi que ce soit. Il y a bien quelques arrêts, souvent en pleine nature, sans trop comprendre pourquoi. Je regarde le paysage qui défile en sens inverse. Et puis on repart. Pas un seul mot d’explication. L’impression que le conducteur a fait tomber quelque chose et qu’il ne se gêne pas pour faire demi-tour, enfin façon de parler puisque c’est la marche arrière qui est enclenchée.

Heureusement il y a le livre. Une petite bible du voyageur qui me tient en éveil. Lorsque l’hôtesse a éteint le jour, il me reste la torche des mineurs, bien plaquée sur mon front. J’ai vite l’impression que je suis le seul qui reste éveillé, le seul qui ne veuille pas dormir, le seul qui ait encore envie de faire quelque chose de cette journée. Je dévore mon ouvrage, voyage dans des contrées connues, ou pas encore. Un jour, sans doute.

 

Le froid me prend petit à petit. La climatisation est enclenchée, sans trop comprendre pourquoi. L’ensemble des passagers arbore donc une petite couverture blanche, offerte généreusement par la compagnie. Ma partenaire en a deux. Depuis maintenant plusieurs mois on se questionne sur cette envie qu’on les Asiatiques d’avoir froid dans les transports en commun. Je te les enverrais fissa en Laponie deux mois et ils comprendraient vite pourquoi les Européens pestent à chaque air conditionné actionné.

Train-Chiang-Mai-Bangkok.JPG

Le petit matin arrive, sans prévenir. Les yeux s’ouvrent et un soleil frais pointe à l’horizon. Je peux enfin me délecter des rizières infinies, des petits cours d’eau, de la végétation. Ici l’eau est un élément central. Pour le riz. Pour la vie. Et parfois le contraire. Le pays a subi cet hiver ses pires inondations depuis près d’un siècle. Le gouvernement s’est même résolu sur le tard à noyer la capitale.

 

Capitale qui pointe déjà le bout de son nez. Bangkok, la putain. Des gratte-ciels font leur apparition. 7,7 millions d’habitants et des bouchons légendaires. Le reste du pays semblait si paisible que je le regrette déjà, avant même de poser le pied sur le quai. Bangkok, dont j’attends tellement. Bangkok, sa vie nocturne, déjantée. Et surtout, je l’espère, ses bonnes nouvelles médicales.

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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 05:10

David, avec qui Alba avait débuté son périple, est resté 15 jours à Chiang Mai pour méditer. Et il a eu du flair, tant cette ville porte une atmosphère mystique.

J’ai dû visiter seul la cité, ma partenaire étant toujours souffrante (ce qui commence sérieusement à m’inquiéter, deux hôpitaux en une semaine, et peut-être à nouveau la même à Bangkok, nous ignorons toujours ce que c’est…). Rien de tel que d’être seul pour se retrouver face à soi-même, face à ses interrogations, ses incertitudes, ses doutes ou ses craintes. La solitude de l’homme est parfois sa plus grande inspiration.

Chiang Mai (2)

J’ignore le nombre de Wats, littéralement temples-monastères bouddhistes, que contient la ville. A tous les coins de rues. Wikipédia, source d’information souvent intéressante, présente l’histoire de Chiang Mai en 3 paragraphes mais se plaît à décrire les 8 wats les plus importants !

Chiang Mai (4)

Le Bouddhisme serait la quatrième religion du monde (après le Christianisme, l’Islam et l’Hindouisme). Elle est apparue en Inde au Vème siècle avant notre ère, pour se répandre essentiellement en Asie. Peu pratiqué dans son bassin natal, le Bouddhisme reste cependant essentiel en Asie du Sud-Est. La branche bouddhiste en Thaïlande est theravada, comme dans l’ensemble des pays de la région. Pour simplifier, ce Bouddhisme rejette l’idée d’un Dieu créateur, et considère qu’il faut chercher en soi-même la vérité. C’est la doctrine des anciens, qui s’en tient à la stricte application du canon appelé Pali (si des bouddhistes passent par ici, ils peuvent me corriger).

 

 En Thaïlande, 95% de la population se revendique ainsi. Les moines font partie intégrante de la vie locale, nous les croisons souvent au coin des rues ou dans leurs monastères. Chiang Mai fut donc l’occasion d’aller visiter une dizaine de wats, tous différents d’aspect ou d’atmosphère. Je me surprends encore après plus de cinq mois de voyage à trouver tant d’intérêt dans les temples rencontrés. Souvent, à l’approche du wat, je pensais naïvement « encore un wat, rien de nouveau sous le soleil… ». Et à chaque fois j’observais de nouvelles choses, une nouvelle architecture, de nouvelles idées. Des phrases, pleines de spiritualité, pleines de bon sens, pleines de bons sentiments. Des phrases bouddhistes en somme.

Chiang Mai (5)

Chiang Mai ce fut aussi le retour de Couchsurfing, chez une Allemande (elles me suivent partout ces Allemandes !), Marina. J’ai eu peu de temps pour la découvrir mais j’en garderai le souvenir d’une fille à la recherche d’elle-même, venue en Thaïlande seule, à la sortie du bac, pour essayer d’apprendre la langue, pour découvrir une nouvelle culture. Une fille qui va se trouver tôt ou tard. La ville sera là pour l’aider.

Elle nous a notamment emmenés manger dans un restaurant japonais, et qui dit nourriture japonaise dit sushi ! Et qui dit sushi dit « je me régale et je mouline les mains à énerver un bouddhiste avec mes manières ». Un délice. Le second depuis mon départ (ça fait peu, mais ça permet de les apprécier à leur juste valeur).

Chiang Mai (10)

Enfin, Chiang Mai est la base idéale pour partir à la découverte des éléphants… j’y reviens dans le prochain article (pour un peu plus de photos, allez voir dans l'album, colonne de droite).

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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 05:46

De suite je vois que quelque chose a changé. La Thaïlande, ses supermarchés, ses routes en bon état et… mais… on roule à gauche ! Je l’ignorais mais les Thaïlandais, à l’instar des Anglais, des Australiens ou d'un tiers de la population mondiale, sont de gauche.

Chiang Rai (1)

Deuxième point, un peu plus politique, j’ai quitté un pays communiste, le 5ème sur les 6 que j’ai visités, pour rejoindre un royaume où les chemises jaunes et les chemises rouges sont en conflit depuis plusieurs années. Les chemises jaunes, militant pour la démocratie mais soutenant le palais royal, sont principalement issues de Bangkok et des quartiers urbains. Les chemises rouges, fervent soutien de l’ancien premier ministre controversé Thaksin Shinawatra, sont principalement issues des campagnes du Nord, où je me trouve actuellement. Au milieu de tout cela vous avez l’armée, qui a tenté 20 coups d’état depuis 1932 (et qui en a réussi 11 !), et enfin le roi, Bhumibol Adulyadej, au pouvoir depuis 1946 !!! Le plus vieux chef d’état en place dans le monde c’est lui, et il fait figure de symbole dans ce pays plutôt instable politiquement. Actuellement, le Premier Ministre est une femme, et pas n’importe laquelle, puisque c’est la soeur de Thaksin Shinawatra ! Ajoutez à cela que le leader des chemises jaunes vient d’être reconnu coupable dans une affaire de corruption datant du début des années 1990 et vous comprendrez que les chemises rouges sont sorties gagnantes du conflit. Pour le moment…

 

Chiang Rai (17)Bref, assez de politique, revenons à Chiang Rai, notre première étape. L’objectif : le palais blanc et un trek dans le nord. Cependant la santé de ma partenaire reste fragile et la deuxième partie s’est transformée en balade à moto le temps d’une journée, à arpenter le triangle d’or.

Qu’est-ce que le triangle d’or ? C’était le triangle de l’opium, à la frontière de 3 (4) pays : la Birmanie, la Thaïlande et le Laos (la Chine est également très proche). Le climat facilitait la culture du pavot et faisait la richesse de la région. Depuis, la situation en Thaïlande a beaucoup évolué et la culture du pavot a pratiquement disparu, chassée par les autorités. En revanche la culture touristique du pays a fait de ce triangle d’or un passage obligatoire pour l’ensemble des tours dans le Nord du pays. On cultive maintenant le nom « triangle d’or » un peu partout, les hôtels, les restaurants… et même une église !Chiang Rai (16)

De notre tour dans le triangle d’or, nous sommes revenus déçus. Les paysages ne valent pas le Laos, et il y a finalement peu de choses à faire. Un Hall de l’opium, un autre musée, la frontière avec la Birmanie et surtout le marché frontalier, où les Birmans peuvent venir chercher des produits qu’ils ne peuvent pas importer. Hormis cela, rien. Le mythe est éteint.

Chiang Rai (2)Heureusement pour Chiang Rai, il y a le temple blanc (nom officiel Wat Rong Khun). Peut-être le plus beau temple que nous ayons vu depuis Angkor, le plus beau en état de fonctionnement depuis la Chine. L’entrée du temple est très impressionnante : des mains, des bras et des crânes sortent du sol. La symbolique ? Je l’ignore (mon bouddhisme progresse peu). Mais l’effet est assuré.Chiang Rai (6)

A l’intérieur l’ambiance est bizarre. Sur les murs, les peintures représentent beaucoup d’évènements et des   personnages contemporains : Spiderman, Batman, les tours du World Trade Center en flammes, reliées à une pompe de pétrole (sic !) et même Mickael Jackson. Nous avons été un peu surpris (imaginez un peu la même chose dans une église !). J’ai également eu la chance de pisser dans les toilettes les plus dorées du monde (je vous renvoie aux photos de l’album Thaïlande, disponible dans la colonne de droite).

 

Sur la route nous nous arrêtons pour acheter quelques fruits : 40 centimes pour 2 kilos de bananes. Du coup j’enchaîne avec une strawberry shake à 50 centimes. Un pur régal.

Les prix concernant la nourriture et le logement ont diminué depuis la frontière (oui, oui, c’est possible). L’impression que la Thaïlande va être un endroit où l’on va pouvoir se faire plaisir.

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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 05:54

C’est fait. Je sors du bateau et pose un pied sur le sol thaïlandais. Puis le deuxième, afin de retrouver l’équilibre. Sans m’en rendre compte j’ai avancé dans le temps. Une seule rivière, frontalière, et me voici en 2555. Le calendrier thaïlandais suit la vie de Bouddha, né 543 ans avant Jésus-Christ.

 

C’est comment l’année 2555 ? Oubliez les voitures volantes et les voyages sur Mars, 2555 en Thaïlande c’est 2012 en Europe. Pas plus. Pas moins non plus.

 

Le passage en Thaïlande fut un mini-choc. Je quitte un pays pauvre, en voie de développement, le Laos. Des paysages très "nature", une population vivant toujours dans des maisons très sommaires (utilisation des tôles, du bois). Et j’arrive en Thaïlande, où les supermarchés font leur retour, où l’ensemble des maisons et des routes sont bétonnées. Un pays développé. Un tigre asiatique.

 

Comment visiter le pays quand on bénéficie d’un visa de 15 jours (30 jours si on entre dans le pays par avion, seulement 15 par voie terrestre, pas de visa cependant) ?

Notre idée : faire la moitié nord en deux semaines avant de rejoindre la Malaisie pour une journée. Puis faire le sud du pays les quinze jours suivants, avant de rejoindre pour de bon le pays voisin.Thailande-itineraire-nord-milev-carte-map.jpg

Chiang Rai pour ses treks et son palais blanc, Chiang Mai pour un trek avec la présence d’éléphants, les temples de Sukhothai, le parc national de Khao Yai et bien sûr Bangkok, pour ses vices et ses vertus.

Puis ce sera le sud mais j’en reparlerai le moment venu.

 

J’avoue avoir été pendant longtemps très inquiet au sujet de ce pays, au point d’avoir envie de le laisser filer. Trop de touristes je me disais. Mais les choses ont évolué récemment et j’ai ressenti une pointe d’excitation à l’approche de la frontière.

 

Qu’est-ce que j’attends de la Thaïlande ? Beaucoup de Bangkok j’avoue, pour l’atmosphère festive. Les îles du sud seraient paradisiaques, ou très vivantes, c’est selon. Les Full Moon partys vaudraient le détour. Le nord du pays pour les treks. Great expectation comme titrait David Lean (petit hommage au réalisateur car nous ne ferons sans doute pas le pont de la rivière Kwaî !). Côté sport, la boxe thaïe et un match de football me satisferaient, l’un des deux avec ma partenaire et ce serait déjà très bien. Enfin la nourriture. Parce que tout le monde nous en dit du bien.

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