Il s’en passe des choses en 6 mois. Chez vous comme chez moi. Déjà physiquement : 3 kilos de perdus ! Je ne comprends pas. J’ai laissé pousser la moustache. Plus par fainéantise que par effet de mode. Et puis intérieurement.
Ma vision du voyage s’est transformée. Je partais avec l’idée d’un tour du monde sur 1 an, peut-être un peu plus. Je pensais fêter ces six mois de voyage en Australie. J’imaginais aussi voyager seul.
On se trompe toujours lorsqu’on imagine un voyage. On pense savoir ce qui nous attend et c’est très souvent bien loin de la vérité. J’imaginais l’Asie un peu plus différente encore de l’Europe. Notamment l’Asie du Sud-Est. J’ai compris que la mondialisation a déjà emporté beaucoup de la culture locale. Que c’est le moment d’y aller car l’Asie est éveillée, est réveillée. Le grand sommeil du dragon chinois est fini depuis 20 ans et le pays change à un rythme effréné, entraînant dans son sillage l’ensemble de ses voisins, parfois à marche contrainte et forcée.
Les touristes sont partout, y compris au plus fin fond du Laos. Seules la Mongolie et la Chine intérieure peuvent encore donner l’impression d’être un grand explorateur, rencontrant très souvent la barrière de la langue malgré la prédominance de plus en plus forte de l’anglais.
Ce qui a particulièrement changé, c’est l’idée même du voyage. Et du temps qu’il faut. Il est loin le tour d’Europe en 41 jours, en traversant 25 pays. Cette fois, je prends mon temps, je profite de la chance qui m’est donnée de ne pas avoir de date retour, de ne pas avoir d’obligation estudiantine ou professionnelle, et d’avoir un peu de finances sur le compte en banque. J’ai été au bout de la majorité de mes visas et je ne regrette cette décision en rien. J’ai compris que le temps est la plus importante des richesses. Pour tenter de connaître un pays, pour le visiter de bout en bout, il faut se donner du temps. Si vous avez un mois devant vous, ne vous efforcez pas de faire l’ensemble des pays d’Asie du Sud-Est, privilégiez un pays, découvrez sa population, ses coutumes, sa nourriture et l’ensemble de ses richesses invisibles au premier abord. Car parfois, à trop vouloir en voir, on n’y voit plus rien.
Ce voyage me laisse beaucoup de temps pour réfléchir, à ce que je souhaite dans le futur, proche ou lointain. Je n’ai pas grandement évolué de ce côté-là. Je dirais même que les idées avec lesquelles je suis parti se sont renforcées. Oui, je pense qu’une thèse sur les génocides ou sur la situation politique de l’Afrique Centrale valent le coup. Oui, je pense sérieusement à m’étaler un peu plus sur du papier, à le griffonner, à le chiffonner, à le déchirer, et recommencer, encore et encore, jusqu’à ce que je sois satisfait du résultat. Non je ne crois pas au bonheur de l’argent et de la consommation, ou si peu. Oui, je crois que la culture est la chance du XXIème siècle, que nous avons tout à portée de main, à condition de s’y intéresser un peu. Oui, je pense que la politique est l’une des meilleures façons de faire changer les choses, de les faire évoluer dans la bonne direction, et encore plus d’empêcher qu’elles aillent dans la mauvaise. Comment s’engager ? Quand ? C’est une autre histoire. Oui, enfin, je pense la paix, je crois la paix, je mangerai la paix.
Ce voyage me laisse beaucoup de temps pour me découvrir. Intérieurement. Et quand je pense la paix, extérieure, avec les autres, quand je l’imaginais entre les pays, entre les populations, j’en oubliais que la paix commence avec soi-même. C’est là mon plus bel accomplissement. D’avoir trouvé des mots, peut-être pas les bons, mais de les avoir écrits. De les avoir partagés. Car la paix avec soi-même est aussi une paix avec l’autre.
Enfin, quand je regarderai ces 6 premiers mois, je les regarderai avec quelqu’un. Je les regarderai avec vous, qui, d’un pays qui me paraît bien lointain, me suivez régulièrement par mes écrits ou mes photos. Vous qui, j’espère, voyagez en même temps que moi à chaque nouveau pays traversé, à chaque nouvelle culture rencontrée, à chaque nouveau paysage découvert. Et puis je les regarderai avec Elle. Ma partenaire, ma fidèle équipière, avec qui j’ai partagé près de 6 mois de vie commune sans que l’on puisse s’en rendre compte. Mais j’y reviendrai, sur ces 6 mois…