Je pense que mon histoire d’amour avec les voyages a vraiment débuté avec le stop. Ce pouce levé, ce sentiment de liberté, ces rencontres, les kilomètres avalés et l’impression de découvrir en profondeur un territoire, un pays.
Le Danemark n’étant pas immense, l’île de Sjaelland faisant 100 kilomètres sur 100, nous nous sommes dit « vamos » ! Et c’est le pouce levé que ma partenaire de voyage et moi-même quittons Copenhague. L’attente est très courte, et c’est un homme en pleine force de l’âge qui nous fait avancer vers le Sud de l’île.
Au cours des quatre jours que durera notre aventure à travers le pays, une vingtaine de conducteurs nous feront l’obligeance de s’arrêter. Quelques points généraux avant trois histoires amusantes.
Tout d’abord, les Danois sont super-sympas. Ils s’arrêtent ultra-vite. A tel point qu’il nous est arrivé plusieurs fois d’être pris en moins de cinq minutes (et parfois une seule !). Deux voitures se sont même arrêtées en même temps, une première pour moi ! En plus d’être généreux, les Danois sont bilingues ! A un niveau IM-PRE-SSION-NANT !! Jeunes ou vieux, hommes et femmes, nous n’avons rencontré que des gens capables de parler anglais. Même un gosse de 10 ans, avec un niveau à faire pâlir 97% des Français.
Mais forcément, il y a toujours une exception qui confirme la règle. Cet homme doit avoir une soixantaine d’années. Et il ne parle pas anglais. Je ne parle pas danois, tout comme ma partenaire de voyage. Et, pourtant, la conversation débute. Nous posons une question : est-ce qu’il a un chien ? (car il y a des poils à l’arrière du véhicule) Il répond en se touchant le genou.
C’est ce qui est génial avec l’incompréhension, c’est qu’elle lance les rires. Et la bonne humeur. Nous essayerons de lancer à plusieurs reprises un thème, un sujet, quelque chose. Et il essaie aussi. Pourtant, nous n’y arriverons pas. Mais nous aurons bien ri.
La deuxième personne que je vous présente est un chaman. Oui, un chaman, rencontré en plein milieu du Danemark. Il se considère comme l’intermédiaire entre les hommes et la nature. Et il aura fait un monologue de 45 minutes sur sa vie. Un drôle de personnage comme on n'en rencontre qu’avec le stop. Il est clairement perché, et tente de nous vendre son mode de vie. J’acquiesce, je souris. Oui, je suis dans sa voiture, et il nous avance pas mal. Mais je me pose quand même quelques questions parfois. Avec qui discute-t-il d’ordinaire ? On sent qu’il a besoin de parler. Connait-il la solitude ? Est-il marié ? Autant de questions que je ne peux lui poser, car il débite à un rythme impressionnant. Il nous amène à destination, en s’excusant d’avoir tant parlé. Avec le sourire.
La dernière personne, c’est le directeur de Kaj Skov. Qu’est-ce que c’est ? Bonne question. Je pense que c’est une boîte qui travaille sur de l’inspection d’antenne, ou quelque chose en lien avec les télévisions. Qu’importe, j’ai sa carte de visite dans le porte-feuille, avec son numéro de téléphone. Car ce type, assez taiseux dans l’ensemble, nous sort l’air de rien : « vous voulez boire le café et rencontrer ma femme ? ». I only have one rule : toujours accepter une invitation d’automobiliste. Et c’est ainsi qu’il appelle sa femme. On ne comprend pas trop, mais ça a l’air de ne pas la déranger. Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons dans une immense propriété. Le café est prêt, les biscuits sont sur la table. La maison est très nordique, il semble y faire bon vivre. Nous sommes l’attraction de la journée. On discute de choses et d’autres. Rien de révolutionnaire. Qu’importe, ce moment est génial. Nous ne les connaissions pas. Nous ne devions pas nous rencontrer sur cette terre. Et, pourtant, nous l’avons fait. Quelques minutes, quelques sourires. Un petit instant de bonheur. L’homme décide de nous amener jusqu’à notre destination finale, à 30 minutes de là. Un cœur sur la main. Au revoir, et merci pour ce moment.
En plus du stop, il y a le logement. Normalement je suis un fan de Couchsurfing. Mais j’avoue que le fin fond du Danemark n’est pas encore trop connecté au site. Airbnb l’est un peu plus. Après une expérience plutôt moyenne à Copenhague (un appartement avec la mauvaise adresse… longue histoire !), nous nous retrouvons chez Pia, à Stege, en plein milieu de l’île de Mon. Déjà, pour arriver chez elle… vous imaginez le Larzac ? Plus paumé. La route n’est plus goudronnée, et nous devons notre salut au GPS de notre conductrice. Mais nous y sommes. Et nous ne serons pas déçus. Pia est illustratrice. Elle fait des bouquins pour les enfants. Avec un certain succès, puisque c’est son métier. Et elle habite au milieu de rien. Les voisins ne sont pas visibles. Le vent percute les murs de la maison. Le grondement se fait ressentir. La luminosité tombe peu à peu. Ambiance Shining. Pia est décalée. Son logement le prouve : des couleurs un peu folles, du mobilier original et les livres de la bibliothèque rangés selon la couleur de la couverture. « Le plus dur, c’est de se souvenir si Camus a une couverture bleue ou verte » me dit-elle.
Pia, c’est l’explication du bonheur des Danois. Car, si vous ne le saviez pas, les Danois sont considérés comme les gens les plus heureux du monde. Si, si, j’vous jure. Et, forcément, j’ai posé plusieurs fois la question : « mais quel est votre secret ? ». On m’a parlé de leur modèle social, l’éducation et la santé quasi-gratuits, avec un taux d’imposition très élevé (le plus haut d’Europe). Alors, c’est donc ça, le secret, payer énormément d’impôts ?? [Rire des Danois quand je leur dis cette phrase]. Non, ce n’est pas ça. Le secret, c’est le hygge.
Vous êtes bien avancé, hein ?! Bon, j’explique. Le hygge, c’est une atmosphère. C’est la cheminée, des bougies, un livre, un plaid. C’est se retrouver tous ensemble au coin du feu. Le hygge, c’est le terme qui est un peu indéfinissable, et qui veut pourtant dire beaucoup. Pia en était l’incarnation. Elle nous logeait. Et elle a partagé une multitude de conversations avec nous, au coin du feu. Je l’affirme, nous étions bien heureux, là, avec l’odeur du repas qui parfumait la pièce, un thé entre les mains, la chaleur nous réchauffant le bout des orteils.
Quelques minutes plus tard, nous étions dans notre logement, efficacité, simplicité, et cute. Les étoiles brillaient de mille feux. J’aime ce voyage.
En dehors de toutes ces rencontres, du petit couple de retraités suédo-danois, du jeune papa de 19 ans qui part en Asie avec son bébé, de la journaliste formidable cuisinière, du soldat de l'OTAN en plein exercice militaire (et tous ceux que j’oublie), il y a les paysages. Car le Danemark, en plus d’être un pays plat et venteux, propose quelques endroits bien sympas.
Tout d’abord, Møns Klint. 7 kilomètres de falaises de craie, entourées d’un grand parc. Les couleurs de l’automne, le soleil et la mer Baltique font le reste…
Après l’extrême-sud, direction le grand ouest : Røsnæs Fyr. Là, c’est l’impression d’arriver au bout du monde, avec un phare bien caché. Quelques pêcheurs, un dimanche ensoleillé. Un rythme lent. Le calme. Le coucher de soleil. La douceur des vaguelettes.
Enfin, c’est le grand nord. Sjællands Odde, un petit port de pêche. Le ciel est cette fois très bas, et sombre. A faire déprimer le hygge. Pourtant, le long de la plage, une randonnée s’improvise. Nous avalons les kilomètres, en nous disant que la vie d’un voyageur doit être sacrément sympa. La preuve.