Découvrir un pays, ce n'est pas seulement se gaver de paysages et les prendre en photos. Ça passe aussi par la nourriture que l'on trouve parfois au coin des rues, par la musique qu'on oublie trop souvent dans le fond d'un bus. C'est l'odeur d'une randonnée que l'on ne peut retranscrire, c'est l'atmosphère d'une ville coloniale. Et c'est aussi un peu de littérature. Quand je voyage, j'aime lire sur le pays, son histoire, ses coutumes. Pour la Colombie, ça passe par quelques pages d'un guide de voyage bien connu amené par ma partenaire. Mais c'est aussi Cent ans de solitude. Quel titre ! Ce livre me plaisait depuis plusieurs années, j'attendais simplement l'occasion de pouvoir le dévorer. Gabriel Garcia Marquez, prix Nobel de littérature en 1982, né en Colombie. Il paraît que ce livre est une histoire du pays, de ses conflits qui l'ont ravagé. Bref, il avait tout pour me satisfaire...
Et puis, un détail : le réalisme magique. Un genre littéraire (mais pas seulement), où des éléments surnaturels apparaissent dans un environnement réaliste. Moi, l'extrémiste cartésien, me voilà aux prises avec du fantastique. Bon, je ne pars pas défaitiste pour autant, Game of Thrones a bien réussi à me conquérir avec une recette similaire. La première phrase est détonante : « Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace ».
Le livre est l'histoire d'une famille, les Buendia, et d'un village, Macondo. Les Rougon-Macquart et Plassans en quelque sorte, mais avec un seul tome. Un couple, ses enfants, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants, confrontés à leur histoire, mais aussi à l'Histoire. Pour les côtés sympas, je retiens le contexte historique, notamment les guerres civiles colombiennes qui ont marqué ce pays, les libéraux et les conservateurs, mais aussi l'arrivée des technologies dans un village reculé.
Néanmoins, et c'est un gros mais, je ne suis pas convaincu par le rythme du livre (et ça joue beaucoup). Le temps ralentit et s'accélère, passant trop vite sur des choses que j'aurais aimé lire et s'arrêtant trop longuement sur des choses qui ne m'intéressaient pas : les relations incestueuses, les désirs du corps, les prostituées, les écarts d'âges (quand quelqu'un a 145 ans...) et la magie. Les personnages sont nombreux, Garcia Marquez les travaille, puis les abandonne, puis revient sur eux (notamment dans les derniers chapitres), mais ils manquent parfois de personnalité. Le colonel Aureliano Buendia est celui que je retiens le plus, avec ses parents, parce qu'ils ont été travaillés pendant de longues pages, de nombreux chapitres. Le reste de la descendance passe trop vite à mon goût (ou alors pas assez, il y a 7 générations !). Bref, je suis resté sur ma faim, et Dostoïevski reste tout en haut, intouchable.
Trois citations que j'en retiens :
« Actuellement, la seule différence entre libéraux et conservateurs, c’est que les libéraux vont à la messe de cinq heures et les conservateurs à celle de huit heures. »
« Le secret d'une bonne vieillesse n'est rien d'autre que la conclusion d'un pacte honorable avec le solitude »
« L'amour le plus fou, le plus persistant, n'est de toute manière qu'une vérité de passade »
Narcos. Là, je me demande si j'ai besoin de vous raconter, tant les séries deviennent le dénominateur commun de la culture générale. Narcos, c'est l'histoire de Pablo Escobar, le criminel colombien le plus connu de l'histoire récente. Un trafiquant de drogue, spécialisé dans la cocaïne, et qui a tenu le cartel de Medellin. Il était l'un des dix hommes les plus riches du monde, il ne savait plus quoi faire de son argent, au point où il en enterrait un peu partout, sans toujours se souvenir de ses cachettes. Elu suppléant à la chambre des députés, il est finalement poursuivi par l'Etat colombien puis par les Etats-Unis. Après des années de chaos et de tueries... enfin, bref, vous connaissez un peu l'histoire.
J'avais un peu peur avant de débuter cette série : je ne voulais pas voir quelqu'un que j'aurais aimé être. Je peux le dire aujourd'hui, je ne veux pas de la vie de Pablo Escobar telle qu'elle est racontée. En plus du sang sur ses mains (et pas qu'un peu, le type a été jusqu'à faire exploser des avions pour obliger le gouvernement à négocier), on voit très bien dans cette série la chute sans fin d'un baron de la drogue, de cachette en cachette, jusqu'à devoir abandonner sa propre famille et vivre reclus (comme Elisée).
Des choses sont assez incroyables dans cette vie : le type arrive à construire sa propre prison où il se fait enfermer, avec la bénédiction du gouvernement ! Aussi, et ça c'est toujours le cas, les Etats-Unis sont partout, ils poussent le gouvernement colombien à être intransigeant (alors que c'est ce pays qui souffre des attentats et d'une quasi guerre civile) tandis que la poudre blanche part... aux Etats-Unis ! Au lieu de balayer devant leur porte, les Américains exportent un conflit qu'ils provoquent eux-même de par leur consommation.
La série ouvre un peu le débat de la légalisation des drogues, sans trop s'y risquer non plus. Dommage, car c'est un vrai sujet. Toujours est-il que c'est une bonne série, et que je la recommande, surtout si vous partez en Colombie prochainement (évitez néanmoins de parler de Pablo en bien, ça les énerve, évoquez plutôt Gabriel Garcia Marquez!).