Le rap français a connu, pour moi, une période dorée : la décennie 1990. Oui, la décennie des Boys Band et de Larusso. Car, quand on observe le rap, c'est IAM et la FF, le Ministère Amer et NTM. C'est encore aujourd'hui ma base d'écoute quand je veux entendre du rap, ça a très bien vieilli, et les thématiques sont toujours d'actualité. Dans les années 1990, il y avait aussi d'autres groupes comme Lunatic (Booba) ou le collectif Mafia K'1 Fry (113, Rhoff, Ideal J), dont beaucoup avaient les produits dérivés (ah, ce T-Shirt avec le continent africain). Booba et Rhoff ont depuis continué leur carrière solo, et j'avoue que c'est moins ma came. Par contre, il y en a un qui est toujours là, et toujours bon depuis Ideal J : Kery James. Je l'ai redécouvert grâce à ce son.
Lettre à la République. Woh, dans la décennie 2010, il reste donc du très bon rap français, engagé, conscient comme ils disent ! Dénonciateur de la politique, notamment post-coloniale, de la France, Kery James était déjà dans mon estime depuis longtemps.
Deux issues. Je suis en quatrième, Art de Rue est au sommet et dans mon cœur, et voilà que débarque le premier album solo de Kery James, « Si c'était à refaire ». Deux sons sortent souvent sur Skyrock, Deux issues et Y'a pas d'couleur. Deux textes très pacifistes, qui remettent en question les normes du rap à ce moment-là, plus revendicatif. Car les deux issues, si t'es un criminel, c'est la mort, ou la prison. On est loin des filles à poil autour de la piscine.
Kery James est musulman. Sa conversion et son interprétation de l'islam sont loin de lancer des polémiques : il représente la majorité silencieuse, celle qui a tout autant peur des extrémistes que du racisme. « Ma vérité », son deuxième album, repose notamment sur un engagement pour la paix (contre la guerre en Irak). C'est un échec commercial. Il faut attendre 2008, avec « A l'ombre du show business » pour le revoir au devant de l'affiche. Des duos un peu improbables (un peu pour Grand Corps Malade, improbable pour Charles Aznavour!), et un son Banlieusards. Une autre vision des banlieues, pas condamnées à l'échec, 3 ans après les soulèvements. « J'veux pas brûler des voitures, j'veux en construire puis en vendre ».
Après le quatrième album « Réel », il fait une pause, repart sur ses traces haïtiennes. Le séisme de 2010 le pousse à s'investir, il crée Espoir pour Haïti, et écrit la chanson « Désolé ». Un tout autre style, pour le même message.
Il revient avec Dernier MC, dont Lettre à la République est clairement au dessus, avec Constat Amer. Là, c'est une critique constructive des banlieues, et du comportement de ses habitants, notamment en temps de révolte.
Avec Racailles, l'album Mouhammad Alix prend à parti les politiciens, les vraies racailles, coupables de corruption, de vol etc... Un son qui pourrait être très à la mode avec les gilets jaunes (« les keufs tirent au flash-ball, tu peux y perdre un oeil »). Excellent.
Son dernier album, sorti en novembre, s'intitule j'rap encore. Je m'en vais l'écouter de ce pas ! Et vive le rap indépendant !