Réveil sous la pluie, un de plus ! Aujourd’hui est le jour où nous quittons la Norvège. Après un réveil tardif pour certains d’entre nous, vers 11h, nous filons alors vers Bergen, doucement, tranquillement. Une fois là bas nous aurons tout le temps de visiter la ville, puis d’embarquer dans la soirée dans le bateau qui nous conduire jusqu’au Danemark durant la nuit. Vers midi, Bergen est déjà en vue, et notre réservoir est vide. Nous avions prévu le coup afin de ne pas devoir racheter de l’essence à prix d’or ici.
Pour assurer le coup, nous décidons de rechercher le port et le quai d’embarcation dès notre entrée dans la ville. Nous peinons le trouver. Sur le bon de réservation, Jérémy nous dit qu’il faut chercher un endroit dénommé « Stavenger », c’est là que nous embarquerons. Après plusieurs recherches infructueuses, on s’aperçoit que Stavenger n’est pas un endroit de Bergen, mais une ville ! Située à 200km plus au sud ! A qui revient l’étourderie, peu importe, mais c’est ainsi que la visite de Bergen fut avortée. Car en Norvège les routes ne sont pas droites, et on ne fait pas 200km aussi rapidement qu’en France. Il nous faudra notamment prendre quelques ferrys entre les Fjords pour arriver « à bon port », et surtout remettre de l’essence…
Le premier ferry nous coûte 30 euros, la pilule est dure à avaler…je suis d’autant plus dépité que je comptais acheter quelques souvenirs à Bergen, cette entreprise parut alors difficile maintenant que l’emploi du temps fut chamboulé. Au bout de 4h, de quelques « tolls » et ferrys, nous parvenons à Stavenger. De suite, nous cherchons l’endroit où il nous faut embarquer, là encore nous galérons. On demande même renseignement au musée du pétrole norvégien, que nous rencontrons. La demoiselle qui nous accueille nous dit qu’il faut aller à Taranger, à 15km d’ici. Va-t-on trouver ce fichu rafiot ? La ville de Stavenger est construite sur plusieurs îlots, et rien ne semble indiquer un port de ferrys à proximité. On décide dont de suivre son conseil. Il s’avère qu’il fut judicieux, puisque quelques minutes plus tard nous nous retrouvons dans la file d’attente au milieu d’européens venus de contrées diverses. Pour tuer le temps, on se refait une partie de trou du cul. Une fois de plus, notre vieille amie la faim nous fait sentir sa présence, mais nos derniers deniers norvégiens ne nous permettent d’acheter que 2 minuscules sandwichs dans un distributeur. Auparavant, dans les ferrys, j’avais réussi à couper ma faim en buvant quelques chocolats chauds obtenus gratuitement et en avalant des sucres. Au même moment, Jérémy n’avait lui pas hésité à finir ce qui restait dans une assiette délaissée ^^.
Alors que nous patientons toujours pour embarquer, Romain fait la conversation avec un néerlandais, celui-ci nous annonce une mer agitée pour la nuit. Sous les coups de 21h, nous embarquons enfin. Dès l’entrée dans le navire, on s’installe devant la scène du bar où le chanteur guitariste règle son instrument. En une bouchée, nous dévorons notre maigre sandwich acheté une heure plus tôt. Ce tour d’Europe promet alors de se finir dans l’esprit de sacrifice et de privation qui a prévalu presque tout le temps. Nous nous préparons à passer la nuit avec ce peu de nourriture dans le ventre…C’était sans compter la faim qui parfois vous pousse à franchir des limites qui vous paraissent infranchissables en temps normal. Ainsi, devant les poulets frites qui défilent devant nos yeux, venant satisfaire la faim des centaines de passagers, l’envie est grande de sortir la carte bleue et de faire un dernier craquage pour célébrer la fin de l’aventure. Mais il serait trop bête de craquer maintenant…Avec Jérémy nous cherchons alors à récupérer discrètement les plateaux déposés par certains passagers n’ayant pas tout mangé leur assiette. Inutile de préciser qu’un sentiment de honte m’envahit, mais j’essaye de le mettre de côté afin de penser à l’essentiel : ne pas dormir le ventre vide. Nous sommes récompensés une première fois avec quelques frites, mais c’est encore bien trop peu. A un moment donné, je décide d’intervenir auprès de l’employée qui débarrasse les plats en les jetant à la poubelle devant nos yeux. Ma timidité semble disparaitre subitement à cet instant, même si je ne peux dissimuler ma gêne. J’ignore ce qu’elle pensa de notre situation, si elle comprit ce que j’ai voulu lui dire, mais elle m’expliqua que nous risquions d’être malades si on se mettait à manger les restes. Désemparé par sa réponse, elle qui craint surement d’être rappelée à l’ordre par ses supérieurs, et dépité par les regards accusateurs des gens aux alentours qui commencent à s’interroger, je décide d’abandonner et de retourner au bar où Romain est resté, devant le guitariste qui s’est maintenant mis à jouer. Le musicien est bon, même excellent, mais notre échec m’empêche de profiter pleinement de la situation. C’est alors que Jérémy revient en héros, avec deux assiettes pleines de saucisses et de purée ! Hilare, il nous explique que la serveuse a en fait expliqué la situation à sa supérieure, qui a décidé de « faire un geste ». Quelques secondes auparavant, un suédois qui avait compris notre petit jeu était venu voir Jérémy pour lui proposer de nous payer notre repas, mais celui-ci avait bien fait de refuser.
Tout heureux de cette bénédiction, nous en dégustons chaque bouchée. Seul Romain peine à en profiter pleinement, à cause du mal de mer qui commence à lui jouer des tours. Il parviendra à le calmer par la suite grâce à un cachet de menthe poivrée. Peu après, Jérémy et Romain décident de partir vers la salle des couchettes afin de dormir. N’ayant pas sommeil, je reste encore un peu devant notre guitariste, un écossais, qui enchaine les bonnes prestations, reprenant notamment Eric Clapton. Je file ensuite faire un brin de toilette, me raser notamment, ce qui ne fut pas fait depuis la Finlande. Peu après, je visite le shop où il faut s’efforcer de ne rien faire tomber car le bateau commence à tanguer sérieusement. Quand je reviens au bar, où l’écriture de l’introduction de ce blog m’attend, ce dingue de chanteur est encore là, avec une reprise de « Highway to Hell » d’AC/DC à la demande d’une bande de potes éméchés. C’est l’un des rares moments de solitude de ce tour, une sensation inconnue depuis maintenant 48 jours. L’ambiance est étrange, et cette fois ça pue la fin. Peinant à réaliser que nous revenons le lendemain, j’écoute notre écossais. Peinant à réaliser que nous venions de franchir 23 frontières différentes en si peu de temps, parcourus près de 15000 km, je me laisse bercer par la musique. Alors que le chanteur raccroche sa guitare, la fatigue ne me fait toujours pas vaciller. Je m’en vais alors faire un tour sur le pont, voir d’un peu plus près l’immense masse de fer se soulever et retomber sur la mer noire et agitée, comme l’avait bien dit le néerlandais. Pas d’étoiles dans le ciel norvégien, ou peut être quelques unes, mais effacées par l’éblouissante lumière du ferry : « BERGENSFJORD ». Ca venait donc de là cette histoire de Bergen… ! L’envie d’aller me coucher n’était toujours pas venue, mais il était maintenant 1h30 du matin, et je décidais donc de me rendre au devant du 4e pont, dans la salle des couchettes. Installé dans un siège qui s’inclinait peu, je mets une bonne heure à m’endormir. Alors que je commence à y parvenir, le son atroce de vomissements d’une femme assise à proximité me sortent de la torpeur ainsi qu’une partie des passagers. C’était sans compter la franche partie de rigolade qui suivit entre elle et sa voisine, ce qui cette fois réveilla toute la salle. C’était une allemande. On m’avait bien dit que les allemands étaient impossibles à vivre une fois qu’ils sortaient de leurs frontières…Ma deuxième tentative d’endormissement sera vaine, et vers 3h45, je décide donc de trouver un autre endroit où dormir sur le Bergensfjord. Je le trouve sur l’une des banquettes du bar mais le froid vient troubler ce qu’il reste de ma nuit. A 6h30, l’appel du capitaine achève mon supplice, et je retourne dans la salle des couchettes où je retrouve un Jérémy réveillé. Vers 9h30, nous débarquons. La route finale nous attend.
Lucas
Cette erreur et la course poursuite qui s'en suit me fait mal. Financièrement bien sûr, mais c'est surtout un nombre considérable de Fjords et de villes que nous avons manqué. Qu'importe, nous ne manquerons pas notre Titanic ! Sur celui-ci, j'ai apprécié l'épisode recherche de nourriture qui fut un véritable succès et me permit d'observer la gentillesse de nos amis norvégiens. Et puis après une nuit paisible, j'ai vu le soleil se lever pour mon plus grand plaisir. Il reste maintenant pas mal de route avant notre retour.
Note de la journée : 10/20.
Jérémy