4 mars 2016 5 04 /03 /mars /2016 09:15

La chambre est éclairée par une drôle de lampe. La couverture verte, le papier peint rempli de fleurs en tous genres, Marie tenant Jésus dans ses bras, une boîte en forme de canard (?!) : Valérie Damidot n'est clairement pas passée ici. Le lit fait 1m80 et le matelas est vraiment étrange. Cette chambre, c'est la mienne cette nuit. C'est la mienne pour la troisième fois en autant de semaines. Drôle d'idée pour découcher, hein.

Je suis chez ma grand-mère. Je suis dans la maison de Mamy Didi et de Papy Babar. Je suis dans leur chambre. Je suis dans leur lit.

 

La maison est remplie de souvenirs. Ma pièce préférée, c'est la première chambre à droite, parce que c'est là où je dormais quand j'étais petit. La lumière y est tamisée, et dans la bibliothèque j'observais avec envie des titres que l'on ne trouve qu'ici. « Comment peut-on avoir autant de livres chez soi ? », réflexion de mon enfance. Aujourd'hui, les pièces du fond sont un sacré fourre-tout, remplies de cartons, de magazines, de papiers divers et variés. Ma grand-mère avait tendance à tout conserver, « au cas où ». Elle me découpait avec amour des pages de magazines, surtout celles qui parlaient d'un endroit où j'avais déjà mis les pieds. De mon côté, je regardais souvent d'un œil distrait cette attention si particulière.

La pièce suivante, elle était sacrément cool aussi, car c'est là que sont les jeux ! Les puzzles aussi ! C'était l'étape prioritaire à chacune de nos arrivées. Dans le couloir, on s'arrêtait aussi derrière l'escalier : la caverne d'Ali Baba. Et pour cause, plein de boissons que l'on n'avait pas chez nous ! Un jus de raisin ou du Canada Dry, l'après-midi peut commencer.

 

Dans la pièce de vie, les grandes fenêtres donnent sur un parterre de fleurs. Quelques mètres plus loin, la barrière alerte : « attention au chien ! », alors que Nono est mort il y a bien quinze ans. Sur le trottoir, on voit bientôt passer Madame Briez, ou bien Madame Catez, ou Patricia, ces femmes que je ne connaissais pas de visage il y a peu, mais dont j'ai entendu parler mille fois. Quand à Madame Decroos, de l'autre côté de la rue, il y a bien longtemps qu'elle est partie.

 

De l'autre côté de la maison, il y avait les pots de fleurs trônant sur des plaques métalliques, entourées par les cailloux. Un bâtiment est là, où se côtoient les outils de jardin et les vieux jeux de quilles. Juste à gauche, des cages à lapins, vestiges d'une époque d'élevage, et un immense jardin derrière la barrière. Aujourd'hui, le jardin n'est plus, les arbres non plus, et je me dis qu'on aurait sans doute fait des grands matchs de foot si ça avait été comme ça à l'époque.

Papy, lui, c'est plutôt pétanque. Les boules sont dans le coin derrière la porte, avec les chapeaux au dessus du porte-manteau. A gauche, il y a la cuisine et cette lumière d'hôpital. Ma grand-mère fait sans doute un bon petit plat, un rosbeef et des frites. Avant ça, on aura des plateaux de biscuits apéritifs, et on s'éclatera avec les cigarettes au fromage. Papy est au bout de la table, forcément. Et à un moment, on sortira le jeu de cartes, la belote remplaçant la manille quotidienne.

 

 

Il y a bien longtemps que cette maison n'est plus. Papy est parti, Mamy est encore là, mais pas dans la forme de sa vie. Le silence a remplacé le bruit de la télévision ou de RTL, et les comptes de la valise se sont arrêtés. La radio n'a toujours pas appelé...

Je viens d'aider Mamy à étaler ses jambes, mais la douleur est intense. Je ne peux rien faire.

 

Alors je déambule dans le couloir, méditant sur la vie, sur la vieillesse. J'observe chaque pièce, chaque détail, et un soupçon de tristesse m'envahit, au point où des larmes me montent aux yeux. Car cette maison, elle pue le temps qui passe.

Souvenirs d'une maison
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