6 février 2019 3 06 /02 /février /2019 18:27

Manifester est un droit. Comme celui de se mettre en grève. Avec mon coloc Tim, nous avons décidé ce mardi de suivre l'appel national à une mobilisation. Les suppressions de postes alors que nous avons plus d'élèves, c'est vraiment quelque chose qui nous paraît illogique. Ainsi, à 10h, nous avons rejoint le cortège. Et, pendant ce temps-là, quelqu'un arrivait chez nous...

 

Il est midi. Nous ne sommes même pas garés chez nous que les enfants des voisins se précipitent sur la voiture : « il y avait un voleur ! il y avait un voleur ». Tim, souriant, réplique quelque chose du genre : « vous l'avez fait fuir, j'espère ». On ne se rend pas compte dans les premières secondes, mais c'est que c'est sérieux ! Ils nous amènent vers notre porte arrière, que nous retrouvons ouverte. J'entre dans le salon. Mon premier regard est jeté sur le moteur du bateau que nous conservons chez nous. Il n'est plus là. Aïe. Tim a perdu le sourire arrivé dans sa chambre « oh la la mon ordi, oh la la ils ont tout pris ». De mon côté, je me dirige vers ma chambre. Fermée à clef. Comme toujours. J'ai un vieux TOC depuis que je suis arrivé, à écouter des histoires de cambriolages à droite à gauche. La chambre de Zoé a été retournée. Les deux autres ont eu du passage aussi, mais on ne se rend pas compte tout de suite. Car l'important, c'est l'action !

 

Les enfants nous font comprendre que c'est très récent, et qu'ils ont vu le voleur partir dans la forêt. Ni une, ni deux, on court avec Tim, chacun d'un côté des arbres. Un type avec un moteur de bateau 30 chevaux sur l'épaule, ça ne doit pas aller très vite, ni très loin. Surtout, ça ne doit pas passer inaperçu ! Je fais tout un tour. Tim aussi. Rien. J'ai juste le temps d'apercevoir une voiture de gendarmerie qui vient sur la piste derrière chez moi : je bondis dans la forêt, et je hèle « arrêtez-vous ! ». J'explique notre histoire. Ils reviendront vite et ouvrent l’œil. Chou-blanc donc.

 

Nous rentrons vers la maison. Les gendarmes débarquent. Nous observons un peu plus les dégâts. Merde, comment est-il rentré ? Les gendarmes observent la porte : « il n'y a pas eu d'effraction ». Tim pense secrètement qu'il n'a pas bien fermé la porte arrière, et s'en veut. Ca peut arriver à tout le monde. On est surpris de voir les ordinateurs de nos deux colocataires toujours là. Clairement, il a du faire vite. On fait le point sur ce qu'il manque, on voit une machette sortie de son étui (heureusement qu'on ne s'est pas retrouvé face à lui !). A ce moment-là, les voisins nous appellent. Une femme a vu quelque chose. On ne sait pas trop quoi, mais on se met à courir dans le quartier !

 

Quelques maisons plus loin, la dame nous montre... un moteur de bateau ! « Ce n'est pas le mien » qu'elle dit. Ca tombe bien, car ça ressemble au nôtre ! Il est au sol, à moitié recouvert. La cavalerie est avec nous, on trouve un blouson sur place qui doit appartenir au cambrioleur. Parfait pour les analyses ADN ! Les experts Guyane, c'est parti ! Nous poursuivons notre enquête. Une grande valise qui nous appartient est retrouvée dans la seconde maison, qui a été forcée. A l'intérieur, du matériel hi-fi, des outils etc. Toujours pas d'ordi, mais la grosse enceinte est aussi de retour (on n'avait même pas vu qu'elle avait été empruntée ! ). La dame est interrogée, elle était avec notre voisin à ce moment-là, et elle soupçonne l'ex-copain de sa sœur. On y reviendra.

 

Il manque toujours deux ordinateurs, un disque dur, un casque, une montre, quelques bijoux sans trop de valeur hormis sentimentale (mais n'est-ce pas là la vraie valeur des choses) etc. Ca fait chier. Les gendarmes finissent leur travail, prennent nos coordonnées, expliquent les démarches pour porter plainte... Les enfants des voisins expliquent ce qu'ils ont vu, un garçon, grand, 30 ans peut-être, avec une casquette sur la tête. La petite de 5 ans me raconte qu'elle lui a jeté des cailloux... ^^ Les gendarmes repartent. De mon côté, je repars dans la forêt, à la recherche d'éventuels indices. Je croise les voisins du lieu où on a retrouvé le moteur, le monsieur se plaint des voleurs. Je repars vers ma maison, je croise une voiture.

 

Une minute plus tard, les gens du quartier me font signe, et me désignent la voiture. Je cours. Je dis à Tim de me rejoindre. La voiture roule dans ma direction. Je suis au milieu du chemin. Je la fais s'arrêter. Nous nous faisons face. Tin tin tin tin tin, tin tin tin (c'est une imitation d'une musique d'un western de Sergio Leone, en mode duel!). Dans la voiture, deux hommes à l'avant. Ils m'observent. Je m'avance vers le conducteur, sans trop savoir ce que je fais, ni ce que je vais dire. « Bonjour messieurs ». « Bonjour ». Le passager a une casquette sur la tête. Plutôt costaud, du genre à pouvoir porter un moteur sur son dos. Bon, j'ai dit bonjour, qu'est-ce que je peux dire ensuite... « vous n'avez rien vu de bizarre dans le quartier ? ». « Non non ». Tim est là maintenant, mais la situation est la même : je ne suis pas un gendarme. Je voudrais bien fouiller la voiture, faire descendre les passagers, les questionner avec une lumière dans les yeux en mode « nous avons les moyens de vous faire parler ! », mais ce n'est pas possible. Et sans doute pas une bonne idée, étant donné que l'un des deux peut très bien avoir une machette ou autre chose sous son siège ! Je leur souhaite une « bonne journée ». Et je note la plaque.

 

Etait-ce eux ? Possible. Certainement même, car la voiture s'est arrêtée au niveau de la maison où le moteur de bateau était entreposé, ils sont descendus, et ils sont repartis aussi vite quand ils n'ont rien vu. Qu'est-ce que je peux prouver avec ça ? Pas grand chose. Nous en parlons aux gendarmes par téléphone, on leur donne le numéro de la plaque et l'adresse du monsieur que nous soupçonnons (car Saint-Laurent du Maroni est un grand village, tout le monde connaît tout le monde). Il faudrait avoir l'ADN... qui va être envoyé en métropole... bref, faudra pas être pressé ! En rentrant à la maison, Tim a finalement découvert par où il est rentré : une fenêtre de la cuisine a été forcée, elle est cassée. Du coup, pas besoin de s'en vouloir ! (et puis à quoi bon de toute façon).

 

Notre mardi est consacré aux conséquences du cambriolage : réparation de la fenêtre, dépôt de plainte, etc. Certains osent parfois comparer cet événement à un viol. Non, vraiment pas. Ca fait chier, il y a des pertes matérielles, sentimentales, mais ce n'est pas la même chose. Car, au commissariat, un gendarme arrivait pour une histoire glauque : deux mineurs violés. En comparaison, nous, tout va bien. On a juste une histoire de plus à raconter.

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commentaires

C
Très bel article, très intéressant et bien écrit. Je reviendrai me poser chez vous. A bientôt.
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