Un noir dans le nord de la Finlande ou dans un profond village de Lozère, ça ne passe pas inaperçu. Les gens se retournent, les enfants montrent du doigt. Et bien figurez-vous que c'est un peu pareil en Afrique. Mais pour le blanc.
C'est déjà une sensation que j'avais expérimentée en Asie : les gens te regardent. Ou plutôt bloquent littéralement sur toi, les yeux grands ouverts, l'air de dire « mais c'est quoi ce fichu animal ?! ». Pire, les photos. En Asie, tu étais la star, le VIP, nous étions Brad et Angelina, prenant parfois 5 photos en l'espace de deux minutes avec des inconnu(e)s. J'ai toujours dit que l'on devrait faire pareil avec les touristes chinois à Paris, juste pour voir leur réaction !
L'Afrique ça reste dans le même esprit. Tout d'abord il faut s'habituer au « Muzungu ». Muzungu ça signifie occidental, blanc de manière générale. Et c'est le mot que les Kényans/Tanzaniens/Rwandais prononcent le plus à votre vue. Certains enfants le crient littéralement dans la rue (et après l'ensemble de la rue se retourne), d'autres le susurrent à leur voisin et les deux se retournent discrètement.
Imaginez une seconde, en Europe, que les gens crient « un noir ! » à chaque fois ! Ça choquerait !
Dans le même esprit, il y a l'argent. En Afrique, tu dois te faire entuber, c'est la règle. Si tu es blanc. Car si tu es un touriste noir, tu auras le même prix que les locaux, il suffit de ne pas parler. Pour moi, homme blanc, ce sera régulièrement le double. Après négociation, je reviens presque au prix normal. Presque. Car le sourire du vendeur signifie qu'il a tout de même fait une bonne affaire avec toi.
Imaginez deux secondes qu'en Europe les touristes noirs paient un prix différent ! Ça choquerait !
Les enfants te touchent. Et te demandent de l'argent. Et pour cause, tu es blanc, donc riche. Tu es le blanc de la télévision, celui qui a une grande maison avec piscine sur la Côte d'Azur et qui fait des fêtes gigantesques chaque semaine. Tu as beau expliquer que ton statut d'étudiant fait que... rien à faire, tu restes plus riche qu'eux. De même, la mendicité est interdite au Rwanda. On ne la voit pas. Si on est noir. Car le fait d'être blanc t'amène forcément à rencontrer des mères de famille, la main tendue vers toi : « give me money ».
Les gens te parlent. Ici vaut mieux être sociable. Difficile de faire quelque chose de bizarre aussi. Tu t'assois au bord de la route et tu auras 10 personnes qui vont t'entourer, te parler etc... Quand tu manges dans un restaurant local, impossible de faire une erreur, de manquer la bouche, de faire tomber un bout de viande : on t'observera toujours !
Pour le moment je le vis bien. Et pour cause, je fais des courts séjours. Mais si je devais vivre ici pendant plusieurs années je pense que ça me gênerait beaucoup. L'Américaine qui m'hébergeait en Tanzanie était là depuis plus de deux ans, et elle était limite énervée quand des vendeurs la suivaient cinq minutes pour lui vendre trois bricoles. Elle avait beau parler leur langue, leur expliquer qu'elle n'était pas une touriste, ils persévéraient. Car blanche de peau, money à gogo.
Je pense que c'est quelque chose sur quoi les pays africains vont devoir travailler ces prochaines années. Ne plus considérer le blanc comme un animal de foire dans la rue, et ne plus agir comme s'il était un pigeon pour le business.