25 juin 2018 1 25 /06 /juin /2018 04:41

« Alors, tu leur enseignes nos ancêtres les Gaulois ? ». Non, toujours pas. Nos ancêtres les Gaulois c'est une phrase qui n'existe plus en histoire depuis au moins ma génération, voire celle de nos parents. D'ailleurs, les Gaulois ne sont pas au programme du collège et du lycée !

Néanmoins, il y a un point intéressant dans cette question un peu méprisante que l'on me pose parfois : je suis en Guyane, est-ce que le programme est adapté ?

 

La réponse est oui ! Nous avons en histoire-géographie des adaptations DROM (départements et régions d'Outre-Mer). Ce n'est pas un changement à 100% du programme, mais il y a des évolutions.

Ainsi en histoire. Le programme de seconde est le suivant : Citoyenneté et démocratie à Athènes, Citoyenneté et Empire à Rome, Société et Culture de l'Europe médiévale. Jusque là, il n'y a pas d'adaptation possible. Néanmoins les sujets être citoyen et vivre dans une démocratie nous concernent tous. Je suis plus dubitatif sur le cours de l'Europe médiévale (mais je n'ai jamais aimé l'époque médiévale), j'ai d'ailleurs fait ce cours de manière express (le côté importance de la religion s'intègre plutôt bien à la Guyane...).

Chapitre 4 : L'élargissement du monde ! Là, c'est la découverte par les Européens de nouveaux territoires. J'ai adapté mon cours : comment les Amérindiens ont reçu les Européens, comment sont-ils vus par ceux-ci. J'ai travaillé sur les Amérindiens Kali'Na et Arawak de Guadeloupe, à savoir des groupes d'Amérindiens vivant aujourd'hui en Guyane (et dont j'avais parfois des membres en classe). Puis un point est fait sur les Aztèques.

Chapitre 5 : Les hommes de la Renaissance. Là ce n'était pas évident de raccrocher cette période à la Guyane. J'ai tout de même fait une partie sur la production sucrière dans le bassin caribéen (en mode période de progrès techniques).

Chapitre 6, le gros paquet : la Révolution française. Le chapitre est dense de base, mais j'ai pu facilement insérer une sous-partie : les conséquences de la Révolution pour la Guyane. L'abolition de l'esclavage puis son rétablissement, les révoltes, l'invasion portugaise par le Brésil etc. Clairement un cours intéressant à faire, et très parlant pour les élèves.

Le dernier chapitre d'histoire concerne les libertés et nations en Europe au XIXème siècle. Là, il faudrait faire un nouveau point sur l'abolition de l'esclavage en Guyane.

 

Pour renforcer le côté histoire locale, j'ai proposé à mes élèves deux choses cette année, de manière facultative. La première : réaliser leur arbre généalogique. C'est une note bonus, un travail à faire pendant les vacances. Et beaucoup ont joué le jeu, (re-)découvrant ainsi leurs origines variées (d'Haïti au Surinam, en passant par les groupes bushinengués du fleuve, et la métropole). Autre projet : faire un petit exposé écrit sur leur groupe de population. Ainsi les Djuka, Paramaka, l'immigration haïtienne etc. C'était dans les deux cas très bénéfique pour eux, mais surtout pour moi : j'ai appris beaucoup de choses !

 

En géographie c'est plus facile. Que ce soit le développement durable, Nourrir les Hommes, L'eau, ou les espaces exposés aux risques majeurs, il est plutôt facile de trouver des exemples locaux. Ainsi, pour le dernier cité, j'ai réalisé une étude de cas sur un glissement de terrain mortel à Cayenne dans les années 2000. Le plus dur pour moi c'est de trouver l'exemple, et surtout de la documentation intéressante. Mais dans l'ensemble ça se fait bien. Le chapitre Les Mondes arctiques n'était pas facile à raccrocher à la Guyane (va parler de la neige dans un territoire où il fait 25°C minimum !), j'ai donc insisté sur les populations autochtones de la zone, avec des questions qui existent en Guyane.

 

En première, c'est à peu près la même chose. Les guerres mondiales ? Facile, je fais une étude de cas sur le conflit en Guyane (qui va se battre, quelles sont les conséquences sur l'approvisionnement etc.). La troisième République ? J'insiste sur l'affaire Dreyfus, qui était prisonnier ici. J'avoue que c'est plus compliqué pour parler du capitalisme et de la révolution industrielle...

Colonisation et décolonisation, c'est l'évidence : la colonisation de la Guyane, puis sa décolonisation. Attention, ça ne veut pas dire que je ne fais que la Guyane. Mais je pars de l'exemple local (et j'essaierais de faire la même chose si j'étais en métropole).

 

Pour la géographie c'était à nouveau très facile. Les territoires du quotidien, j'ai travaillé sur la ville et la construction du nouvel hôpital (on est même allé le visiter). La région à aménager, valoriser les milieux : le parc amazonien de Guyane. L'Union Européenne ? Comment existe-t-elle en Guyane ? Les exemples sont nombreux (coucou la base spatiale!).

 

Pour adapter le programme, j'ai suivi deux formations (non-obligatoires) : histoire de Guyane, géographie de Guyane. Ca m'a permis d'obtenir les bases, et surtout des documents intéressants. Il y a aussi des manuels spéciaux « Antilles-Guyane », où j'ai trouvé de bonnes choses.

 

Enseigner en Guyane, c'est aussi faire avec des élèves dont la langue maternelle n'est pas toujours le français : on m'a déjà soufflé le chiffre de 80% des élèves ne parlant pas français à la maison. Forcément, ça change beaucoup de choses pour la compréhension, ou la variété du vocabulaire : c'est plus pauvre, et il y a des concepts inconnus. Mais c'est aussi d'une richesse folle (les élèves sont souvent trilingues au lycée, et ils apprennent en plus l'anglais + une autre langue mondiale (espagnole, portugais, néerlandais)). Ca m'oblige toutefois à faire plus attention aux mots que je choisis dans mes études de cas et surtout lors des évaluations. Résultat : je simplifie au maximum.

Là où ce fut dur aussi au départ : c'était les prénoms ! Dans la prononciation : essayez Wanaïtha, Chorguella, Shazney, Shunuwanuh, Eyschila... et surtout essayez de les retenir ! (déjà que je ne suis pas très bon de base).

 

Néanmoins, j'évite de me plaindre : je suis au lycée, je n'ai que des élèves assez sérieux, et je ne dois pas faire de discipline. La situation est très différente et beaucoup plus difficile au collège (et je n'imagine même pas à l'école primaire, rien que pour la langue!). Et puis l'histoire, comme la géographie, ont plutôt globalement tendance à intéresser les élèves (je ne dirais pas la même chose pour les maths!). Forcément, dans ces conditions, c'est plus facile !

 

Enfin, je signale que nous travaillons sans manuel, ce qui signifie que tous les exercices ou études de cas doivent être créés... par moi-même ! Bien sûr je m'inspire parfois des manuels, mais il faut forcément que je travaille en avance (pas possible d'arriver dans ma classe en touriste et de dire : « prenez les manuels, faites les questions 1 à 8 page 47-48 », et ainsi être tranquille une heure !). Et c'est ce qui explique pourquoi j'ai eu l'impression d'énormément travailler cette année. Il m'est arrivé, souvent, de terminer mes cours à 1 heure du matin, et de me réveiller à 6h30 pour aller bosser. J'avais 3 niveaux (1ère ES, STMG + Seconde), donc trois cours à préparer, pour 18 heures devant les élèves. Je n'avais rien de prêt, tout était à faire. C'est clairement un boulot de dingue. Ca sera sans aucun doute plus facile et tranquille les prochaines années (j'ai maintenant une bonne partie des cours qui est faite). Encore faut-il que j'aie les mêmes classes ! (et que le programme ne change pas.... oups, réforme du lycée l'année prochaine!).

Mais, en vérité, c'est un aspect du travail qui me plait énormément : j'ai appris toute l'année de nouvelles choses en créant mes cours. C'était un peu mon revenu intellectuel. Quant à mon revenu financier... je l'aborde dans le dernier article de ce triptyque monsieur le professeur.

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20 juin 2018 3 20 /06 /juin /2018 22:16

C'est ma première semaine. Je me balade sur le marché... et je ne reconnais pas grand chose ! C'est là aussi un des grands changements de ce déménagement en Amérique du Sud : la bouffe n'est plus tout à fait la même ! Ainsi, en une photo !

Nourriture de Guyane

Qu'est-ce diable que tout cela ?! Sur la droite, c'est plutôt facile, même si la couleur amène le doute : ce sont des bananes rouges, également appelées bacoves rouges. Certains ici les préfèrent aux bananes ordinaires, j'avoue que je n'ai pas trouvé un grand changement dans le goût.

Au centre, une pomme-cannelle. Le nom est trompeur, car ça ne ressemble pas vraiment à une pomme, et ça n'a pas le goût de la pomme, ni le goût de la cannelle ! C'est un fruit très très (très) sucré, avec des pépins.

En bas, mon fruit préféré ici : la ramboutan ! C'était la grosse saison jusque avril, ça a un peu disparu depuis, à mon grand regret. Il faut enlever cette grosse peau rouge, et à l'intérieur vous avez quelque chose qui ressemble au litchi. Sauf que c'est 100 fois meilleur que le litchi ! Sucré, frais, riche en eau... à ne pas manquer quand vous venez me voir !

 

Le jus de droite est un jus de maracuja, fruit un peu plus connu et que je ne vous explique pas. Malheureusement, les Guyanais ont tendance a rajouté 100 grammes de sucre pour 20 cl de jus, et même si j'aime le sucre.... Le jus de gauche est un jus de papaye. Pas mal de monde ici mange de la papaye verte en salade, j'avoue que je la préfère à maturité.

Mon jardin, lui, est un champ d'ananas ! Je me balade avec une machette, je coupe, je découpe et c'est parti pour le dessert ! Le goût est différent de la métropole, plus sucré, moins piquant.

Nourriture de Guyane

Parmi les autres fruits locaux, le Pitaya (le fruit du dragon), magnifique à l'extérieur et à l'intérieur, la pomme rosa, la prune ce cithère (beaucoup de jus sont faits ici, j'avoue que je ne suis pas fan), l'abricot-pays, le chadec (une sorte de pamplemousse) etc... Mon fruit le plus consommé étant... la banane, notamment les petites, plus savoureuse qu'en métropole. Il y a également des bananes pesées (également appelées bananes vertes), que l'on mange salées (et qui sont savoureuses).

Nourriture de Guyane

Après les fruits, voici les légumes un peu originaux (je ne vous fait pas 10 lignes sur les concombres ou les aubergines !). Le gombo notamment, assez gluant [mais appétissant] quand on le découpe et à la bouche, auquel je me suis attaché sans trop savoir pourquoi (le goût est sympa mais sans plus). Le giraumon par contre, une sorte de potiron, est fameux !

Nourriture de Guyane

Côté féculent, j'avoue être resté fidèle à mes pâtes, malgré la présence importante du kwak et du manioc, nourriture de base pour une grande partie de la population. Le kwak ressemble d'aspect à de la semoule, sauf qu'il est plus dur en bouche (photo plus bas). Le manioc n'est pas facile à cuisinier (et vaut mieux bien le faire, car il y a un risque d'empoisonnement !). Il y a aussi les patates douces, de couleur orange, plus sucrées, qui se font assez bien en gratin notamment.

Côté viande, il y a les grands classiques (poulet, bœuf, chèvre, porc...), avec quelques spécificités de cuisson : ainsi le poulet boucané (fumé au barbecue), cuit avec des épices, vaut le détour (j'ai notamment un petit restaurant haïtien pas très loin de la maison qui est la meilleure adresse de la ville). La région est également spécialisée dans le buffle ! (y'a un gros producteur à Mana)

Il y a aussi la viande de bois. La chasse est très importante pour une partie des locaux, notamment sur le fleuve. Elle est tellement culturelle qu'il n'y a pas de permis de chasse en Guyane : je peux débarquer demain dans une armurerie et acheter mon fusil. Les Amérindiens et les Bushinengués semblent être les grands chasseurs, avec quelques métropolitains pratiquant l'activité plutôt pour la détente. C'est de la viande de bois car les animaux sont dans la forêt (avec 90% de forêt en Guyane, c'est pas vraiment une surprise!) : au menu cochon-bois, agouti, tatou (oui, c'est un animal très chelou !), pac, cabiaï....

Nourriture de Guyane

Le poisson est très important à Saint-Laurent du Maroni, ville fluviale. Le marché au poisson est l'occasion pour beaucoup d'aller chercher les belles pièces. L'acoupa, l'aïmara, le jamais-goûté (d'après la rumeur il est appelé ainsi car les Européens arrivant ici n'avaient... jamais goûté ce poisson !). Ces poissons peuvent être mangés boucanés (fumés donc), et c'est ma cuisson préférée.

 

Enfin, je termine avec les... palmiers. Car il n'y a pas que les noix de coco que l'on peut manger ! Ainsi le parépou et le wassai. Le parépou ressemble un peu à la châtaigne. Le wassai (également appelé açai au Brésil) ne ressemble à rien que je connaisse : ce sont des petites boules noires donnant un jus violet, au goût.... particulier (bref, je n'aime pas!). Le wassai est très à la mode.

Wassai-kwak !
Wassai-kwak !

Wassai-kwak !

Cette petite présentation est loin d'être complète, je n'évoque que la nourriture avec laquelle je me suis retrouvé en contact cette année (il y a par exemple pas mal de pâtisseries créoles que je ne connais pas, aussi les mollusques, crabes et autres fruits de mer...). J'ai eu un peu de mal à m'adapter à la nourriture locale au départ. Ainsi, je me suis retrouvé à manger de la malbouffe (des gros burgers etc.) alors que j'avais exclu la viande de mon alimentation en métropole. Depuis plusieurs mois les choses se sont améliorées, même si j'avoue que les champignons frais, les courgettes ou les fraises me manquent un peu (8€ les 500 grammes de champignons frais, 9,50€ la barquette de fraises.... oui, tout arrive de métropole). Surtout, on a redécouvert un appareil à raclette.... Miam !

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18 juin 2018 1 18 /06 /juin /2018 16:05

Les tables alignées, les chaises, moi, derrière mon bureau. L'épreuve de philosophie a débuté : le bonheur peut-il être durable ? Hum, ça me donnerait presque envie d'écrire un pavé. La première épreuve du baccalauréat de terminale. Et je suis de l'autre côté, je « surveille » (assez faiblement, car tricher le jour du bac fait encore très peur aux élèves, un DS normal pourquoi pas, mais là, il y a une sorte de solennité que les élèves doivent ressentir, c'est le bac bon dieu, faut pas déconner !!).

 

Mon année se termine ainsi : les surveillances et la correction des copies d'histoire-géographie des Terminales S. Une année au lycée. En Guyane. Qu'est-ce que ça change par rapport à mes trois mois au collège dans Ch'Nord ? Tout, ou presque. Les enfants et les jeunes ados sont devenus des vieux ados et des jeunes adultes. Ils sont grands, parfois autant que moi, et ils parlent avec l'assurance que nous avions à leur âge : on savait tout, alors qu'on ne savait rien, et on pouvait le dire très fort. Qu'est-ce que ça a changé pour moi ? Beaucoup de choses, dans mes pratiques, dans ma façon d'enseigner. J'ai appris de mon expérience passée.

 

Ainsi, j'ai passé mes deux premières semaines de l'année à « faire le nazi ». Concrètement, je suis un chien à chaque cours, je ne laisse rien passer, je vais au devant des élèves dès qu'ils ouvrent la bouche pour parler à leur voisin. L'objectif : que la vis soit bien serrée afin de pouvoir la desserrer toute l'année (l'inverse étant très difficile). Ca passe aussi par l'apparence physique (je n'ai pas quitté mon pantalon de costume et mes chemines de l'année) et par le respect de ma parole : ce que je promets, je donne.

Suis-je un père fouettard ? Je ne crois pas. Je n'ai pas donné une seule heure de retenue à titre personnel cette année (j'ai appris de l'année dernière et des conversations que j'ai eues sur le sujet avec d'autres enseignants plutôt réfractaires à la notion de punir). Mon système de sanction est le suivant : un avertissement oral à la personne concernée, puis le fameux « deuxième avertissement » avec le prénom. Bizarrement, ce deuxième avertissement fait peur, les élèves se demandant souvent ce qui se passe ensuite. Très rarement cette année, j'ai dû aller voir un élève, m'approcher de lui, et lui susurrer tendrement, « c'est mon dernier avertissement aujourd'hui », avec beaucoup de bienveillance (mot très à la mode dans l'éducation nationale de nos jours). J'évite d'afficher l'élève devant ses camarades, tout en faisant bien passer mon mécontentement. Plus exceptionnellement, j'ai dû sanctionner. Fini les mots dans le carnet qui ne servent à rien, je suis passé à l'exercice à faire à la maison. Ca ennuie vraiment l'élève, surtout avec la menace ajoutée (tu ne me rends pas ton exercice, qui est facile et rapide, c'est 3 heures de retenue pour me faire toute une feuille d'exercices). C'est arrivé 3 ou 4 fois dans l'année, et les élèves m'ont ramené leur exercice le cours suivant. Surtout, je n'ai pas eu de récidive.

Parfois c'est l'ensemble de la classe qui est bruyante (au hasard le vendredi après-midi à 15h30). Là, un bon vieux « vous me mettez tous vos carnets sur la table » permet de reposer tout le monde.

J'insiste beaucoup sur ce côté « gérer une classe », car il est essentiel pour pouvoir faire cours. Mais l'inverse est tout aussi vrai : il faut des cours avec du rythme, du rythme, du rythme pour garder les élèves attentifs et motivés.


Comment se passent mes cours ? Très concrètement je les fais entrer dans la classe en étant positionné dehors, à la porte, et en les saluant. L'idée : je marque « mon territoire », ici vous entrez dans ma maison, et vous devrez respecter mes règles.

Je commence chaque cours par un « fil rouge », une petite interrogation - deux questions très faciles si tu as relu ton cours – pour les mettre directement au travail. Clairement c'est ma meilleure idée de l'année : les élèves rentrent en lisant leur cahier, et apprennent ainsi régulièrement leurs leçons. Ils rendent leur copie en les faisant passer devant (pas besoin que je passe à travers la classe). Le lendemain, je leur rends leur feuille, qu'ils réutilisent, et ce pendant tout le chapitre (sinon on perd du temps à prendre une feuille à chaque fois). Ils sont les grands gagnants : les points s'accumulent vite (ça contrebalance les DS). Moi je corrige ces questions en quinze minutes par classe, et souvent en classe d'ailleurs. En début d'année je leur donne les questions que je vais poser le lendemain, ça permet d'embarquer tout le monde dans le jeu, même les mauvais élèves. Certains diront que ce sont des points gratuits (ils n'ont sans doute pas tort), moi je réponds que cette expérience a donné d'excellents résultats : je n'ai qu'une seule élève décrocheuse en histoire (à savoir à moins de 6 de moyenne), pour cinq classes. Cela m'a donc permis d'avoir tous les élèves à peu près motivés cette année. Et cela me permet d'avoir le calme dès la première minute du cours.

Après une mini-correction (qui rappelle à nouveau le cours précédent), j'enchaîne avec le point que je veux traiter aujourd'hui. Souvent je fais écrire le titre de la sous-partie, et j'interroge les élèves sur ce qu'ils connaissent déjà. Je leur distribue ensuite un petit corpus de documents avec quelques questions : c'est la mise en activité. 15 à 20 minutes en moyenne. Parfois seul, parfois en duo avec leur voisin de table, plus rarement en petit groupe. Je note à chaque fois quelqu'un au moment de la correction. Je ramasse plus rarement l'ensemble des exercices (une fois par trimestre en moyenne). L'idée, c'est de travailler la méthode. J'essaie d'aller les voir tous, de les aider à répondre aux questions (« tu reformules, puis tu justifies avec les documents », phrase que j'ai dû prononcer mille fois cette année).

Après la correction, c'est le temps de la comparaison avec d'autres exemples, puis de compléter avec des idées sur lesquelles je n'ai pas le temps de travailler. Tout cela se passe au tableau, puisque mon cours n'est qu'un Powerpoint projeté. J'essaie de passer une petite vidéo de temps en temps, d'avoir des images/photos régulièrement, des caricatures, des tableaux etc.

Vient enfin le temps de l'écriture (qui se fait parfois en deux fois, une fois après l'exercice et une fois après avoir développé d'autres idées). Je souligne et mets en rouge les choses importantes (d'où le nom de « fil rouge » pour mon interro du lendemain), et j'essaie d'expliquer les mots un peu plus compliqués.

Et le lendemain.... c'est reparti !

 

Mon travail routinier permet d'habituer les élèves à ma méthode. De temps en temps je casse un peu ce rythme. Ainsi les chapitres d'éducation morale et civique (EMC) permettent de faire beaucoup de débats oraux/débats mouvants, avec une préférence pour les seconds : tous mes élèves sont debout, et choisissent un camp au début du débat (oui ou non par rapport à quelque chose, il peut y avoir des neutres). Puis chaque élève donne un argument, pour essayer de convaincre les neutres et l'autre camp. Si on apprécie l'idée de l'autre (même sans être d'accord avec sa position initiale), on change de camp. L'idée étant pour les élèves de changer régulièrement de camp, prouvant ainsi qu'ils sont à l'écoute des arguments des autres. Ca permet d'avoir des débats dynamiques, avec une réflexion de groupe.

J'ai fait quelques sorties pédagogiques, j'ai projeté deux films, je fais faire des petits exposés. Je ne donne pas de devoir à la maison, pas d'exercice à la maison, et je pense que ça restera mon leitmotiv : re-lisez votre cours, c'est tout ce que je vous demande.

 

Sur les 55 minutes de cours, je dois passer 5 minutes assis (quand je corrige mes fils rouges). Le reste du temps, je circule. J'occupe mon espace. Et je vais au contact des élèves, qui me sollicitent régulièrement.

 

Pour les évaluations, je reste très attentif en début d'année, je circule dans ma classe pendant 50 minutes, des coups d'oeil réguliers dans les trousses et sur les chaises : j'ai grillé trois tricheurs assez vite, je leur ai dit « ceci est notre petit secret, si je te reprends, on règle ça avec le CPE et le proviseur, ainsi que tes parents », je n'ai pas eu de récidive.

A la fin du trimestre ça me fait en moyenne 7 à 9 notes (3-4 évaluations, 3-4 fils rouges, 1 note orale), c'est suffisant et ça laisse le droit à l'erreur, et ça me permet de voir qui est sérieux mais a des difficultés (bonne note de fil rouge, mauvaise note en évaluation), qui n'est pas à fond (note moyenne en fil rouge, bonne note en évaluation) etc.

 

Voilà pour un petit aperçu de la forme des cours (j'aborde le fonds prochainement, surtout que je suis en Guyane, ça change pas mal de choses pour les programmes d'histoire-géographie). C'est loin d'être parfait hein, je débute ! Mais j'ai pu observer une amélioration dans mes rapports avec les élèves par rapport à l'année dernière. Je pense que j'ai obtenu le respect de tous, ce respect étant réciproque. J'ai réussi à faire travailler toutes mes classes, et je crois que certaines ont bien progressé (notamment les secondes).

 

Qu'est-ce que je pourrais encore changer pour améliorer les choses ? (c'est autant une question pour moi que pour vous! Je prends toutes les idées !). Apprendre la langue locale me semble important pour l'année prochaine. Ca me permettra de comprendre quand un ou une élève fait une remarque à voix haute en sranantongo (créole surinamien) ou quand un élève ne comprend pas un mot français de mes documents (oui, là on est dans une spécificité de la Guyane!). Essayer de rester zen toute l'année (je me suis énervé une fois sur un élève cette année, à refaire je réagirais autrement). Essayer de passer un peu plus de vidéos (parce que les élèves aiment beaucoup, mais faut que je trouve des choses intéressantes, c'est plus facile à dire qu'à faire).

 

11h15. Après 3h15 de bonheur [sic!], tous mes élèves sont sortis de l'épreuve de philosophie. Je remercie les STMG pour leur efficacité ! Allez, on se retrouve demain !

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15 juin 2018 5 15 /06 /juin /2018 05:59

C'est l'avantage de la fin des cours, combiné à l'achat d'un vidéoprojecteur : j'enchaîne les films en ce moment, comme à la grande époque. Et voici mon premier réalisateur mexicain, attention les chefs d'oeuvre !

Alejandro González Iñárritu, la filmographie

Amours chiennes (2000) : 17/20.

 

Un tragique accident de la circulation dans la capitale mexicaine met en relation les trois héros de cette histoire bien mouvementée : Octavio, le jeune, Valéria, mannequin célèbre, et El Chivo, vieux révolutionnaire clochardisé, tous trois punis par la fatalité.

 

Trois histoires parallèles, trois histoires d'amour vouées à l'échec : amour d'Octavio pour sa belle-sœur, amour de Valéria pour Daniel, amour d'El Chivo pour sa fille. Et l'unité du film repose sur la présence des chiens ! Ils reflètent les tensions que vivent les personnages ou les mènent à leur perte.

Quelle claque d'Inarritu ! Une histoire de chien, d'amour et de haine. Un régal, bouleversant.

Alejandro González Iñárritu, la filmographie

21 grammes (2003) : 14/20. Avec Sean Penn, Charlotte Gainsbourg, Naomi Watts et Benicio Del Toro.

 

Vivant un mariage sans amour avec Mary (Charlotte Gainsbourg), Paul (Sean Penn), professeur de mathématiques, est en attente d’une greffe de cœur. Mariée et mère de deux petites filles, Christina (Naomi Watts), ex-junkie, mène une existence heureuse et paisible auprès de son mari Michael. À peine sorti de prison où il a trouvé la foi, Jack (Benicio Del Toro), gangster repenti, veut reconstruire son foyer et venir en aide aux jeunes délinquants. Un terrible accident va réunir ces trois personnes et les changer à jamais. Ils vont s'affronter, se haïr et s'aimer.

 

Le titre du film fait référence à la théorie développée par le médecin américain Duncan MacDougall, selon laquelle l'être humain perdrait 21 grammes au moment de sa mort, ceci correspondant au poids de l'âme. Film assez psychologique, et à nouveau un accident qui rassemble les personnages. La trilogie du réalisateur, deuxième épisode !

Alejandro González Iñárritu, la filmographie

Babel (2006) : 16/20. Avec Brad Pitt et Kate Blanchett.

 

Un seul objet, un fusil, bouleverse les destins de personnages qui ne se connaissent pas et ne parlent pas la même langue, sur trois continents différents. Ahmed et Youssef, deux enfants marocains, jouent avec le fusil que leur père vient d'acquérir contre une chèvre. Ils veulent tester la distance de frappe des balles et l'un d'eux vise, tire et touche un bus de touristes. Parmi eux, Susan (Cate Banchett) et Richard (Brad Pitt), un couple à la dérive. Susan est blessée. A des milliers de kilomètres de là, aux États-Unis, Amelia, une nounou mexicaine, veille sur les deux enfants de ce même couple. Ses employeurs ont un empêchement. Amelia, qui avait prévu de retourner au Mexique pour le mariage de son fils, décide de les emmener avec elle. Son neveu, Santiago, vient les chercher. Au Japon, Chieko, une adolescente perturbée par sa surdité, peine à se faire des amis. Ses relations avec son père, Yasujiro, s'en ressentent.

 

7 fois nominé aux Oscars. Bon scénario, film qui va relier tant de personnages, avec au départ, un petit détail. Une nouvelle fois Brad Pitt dans un très bon film. Et fin de la trilogie de l'accident.

Alejandro González Iñárritu, la filmographie

Biutiful (2010) : 16,5/20. Avec Javier Bardem, Maricel Alvarez.

 

Uxbal et les bas-fonds de Barcelone. La maladie, un travail exploitant migrants illégaux chinois et africains, corruption de policiers, et une famille en explosion. Uxbal veut sauver ses enfants, Uxbal veut se sauver, avant de partir.

 

Une bonne claque à l'accent espagnol. La misère des grandes villes (cette scène où Bardem regarde un clochard se faisant marcher dessus par un pigeon), et, surtout, la mort qui approche, rodant dans chaque scène. Film sombre, lugubre, et un peu fantastique par petites touches (les visions d'Uxbal). Javier Bardem est excellent (prix d'interprétation à Cannes), Maricel Alvarez ferait craquer, au sens propre et figuré, la plupart des garçons (quelle folie!).

Alejandro González Iñárritu, la filmographie

Birdman (2014) : 17,5/20. Avec Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton.

 

Riggan Thomson était un acteur mondialement connu pour son rôle de super-héros : Birdman! Mais ce temps-là est révolu, et il espère monter une scène sur Broadway. Sérieuse et dramatique. Le monde du théâtre est contre lui, les journalistes, ses proches... et surtout son passé, qui le hante.

 

Film très centré sur le monde du cinéma et du théâtre, on sent beaucoup de vérités acerbes lancées. L'acteur imprégné par son rôle, à la manière du cygne de Black Swan, est convaincant, tout comme l'interprétation de Michael Keaton. Film très rythmé (Inarritu utilise un seul plan séquence tout au long du film !!!), récompensé par l'oscar du meilleur film.

Alejandro González Iñárritu, la filmographie

The revenant (2015) : 14,5/20. Avec Leonardo Di Caprio et Tom Hardy.

 

Au début du XIXème siècle, un groupe de trappeurs se retrouve attaqué par des Indiens. Ils fuient la zone. Glass, le plus expérimenté d’entre-eux et le seul connaissant le chemin du retour, est alors attaqué par un grizzly. Il survit mais devient un handicap pour le groupe. Seuls 3 trappeurs restent avec lui, le temps qu’il décède. Son fils, conçu avec une indienne, fait partie du groupe. Fitzgerald aussi. Et il est plutôt pressé d’abandonner Glass…

 

Une grande fresque, avec un gros scénario et un bon jeu d’acteurs (notamment Di Caprio). Le côté historique m’intéresse beaucoup (c’est une zone indienne et française à la base, et les francophones jouent un rôle dans le film). Côté réalisme, il y a quelques détails qui clochent un peu (le froid notamment, l’eau gelée, les vêtements qui sèchent comme par miracle, la nourriture etc.).

Nommé 12 fois aux Oscars !

Alejandro González Iñárritu, la filmographie

Le bilan : que des bons films ! C'est assez rare pour être souligné ! Inarritu choisit ses scénarios avec talent, et les surprises jalonnent ses films (j'aime le fait de ne pas savoir où le film m'emmène). Il entre directement sur mon podium d'un classement de plus en plus relevé !

 

Mon classement des réalisateurs (totalement subjectif)

1. Emir Kusturica : 17,08/20 (7 films)

2. David Fincher : 16,28 (9 films)

3. Albert Dupontel : 15,83/20 (6 films)

-. Alejandro González Iñárritu : 15,83 (6 films)

5. Frank Capra : 15,50 (7 films)

6. Billy Wilder : 15,46 (12 films)

7. Charlie Chaplin : 15,29 (7 films)

8. Xavier Dolan : 15,33 (6 films)

9. Clint Eastwood : 15,25 (10 films)

10. Quentin Tarantino : 14,89 (9 films)

11. Stanley Kubrick : 14,82 (11 films)

12. Henri Verneuil : 14,80 (10 films)

11. Les frères Coen : 14,63 (15 films)

14. Sergio Leone : 14,58 (6 films)

15. Jacques Audiard : 14,5/20 (7 films)

16. Howard Hawks : 14,29 (7 films)

17. Alfred Hitchcock : 14,21 (12 films)

18. George Cukor : 13,95 (10 films)

19. Steven Spielberg : 13,90 (15 films)

20. Dany Boon : 13,88 (4 films)

21. Pedro Almodovar : 13,86 (11 films)

22. Stephen Daldry : 13,75 (4 films)

23. Woody Allen : 13,55 (19 films)

24. Tim Burton : 13,25 (12 films)

25. Wes Anderson : 13 (7 films)

26. Sofia Coppola : 12,9 (5 films)

27. Gus Van Sant : 11,5 (11 films)

 

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14 juin 2018 4 14 /06 /juin /2018 13:33

A chaque fois que je mange mes tartines au Nutella c'est la même chose : « ça va, tu n'as pas honte de détruire la forêt ? ». Ou encore : « tu sais que ta tartine tue un orang-outan ?! ». Merci la famille, merci les amis pour vos vœux de bon appétit...

 

Ca m'embête un peu, je dirais même que ça gâche mon plaisir. Car mes six tartines au Nutella chaque après-midi sont devenues un rituel pour mon estomac, tandis que ma conscience m'interpelle régulièrement. Mais, au fait, est-ce bien vrai tout ça ? Est-ce que je tue les orangs-outan ?

 

Les choses sont bien plus compliquées. Premièrement, le Nutella est composé à 50% de.... sucre ! Du bon vieux sucre ! Pour l'huile de palme c'est aux alentours de 20%.

Deuxième, Nutella, de la marque Ferrero achète TOUTE son huile de palme « certifiée durable ». En gros, c'est un label donné aux agriculteurs, surtout malais et indonésiens, s'engageant dans une démarche de développement durable. Les labels ne sont pas toujours parfaits, mais cela montre l'engagement de Ferrero sur le sujet : c'est un gros acheteur (0,3% de la production mondiale) et l'entreprise souhaite montrer l'exemple (enfin, ils veulent surtout éviter les campagnes de boycott, et du coup se donner un côté écolo, business is business). Et c'est ainsi que Ferrero se retrouve en tête du classement WWF 2016 pour son utilisation d'huile de palme durable.

Troisièmement, Ferrero achète son huile de palme en provenance de zones.... où il n'y a pas d'orangs-outans ! Bon Dieu, alors le nutella de ma tartine n'est pas du cerveau d'orangs-outan ! Je retrouve l'appétit d'un coup !

 

Attention, je ne dis pas que tout est parfait, et les choses sont plus compliquées que les quelques lignes ci-dessus, mais évitons de tout caricaturer. Bien sûr je ne t'encourage pas à manger du Nutella du matin au soir (ne serait-ce que pour des raisons de santé!). L'huile de palme et les nouvelles plantations étaient un fléau à la fin du XXème siècle, les gouvernements malais et indonésiens se battent depuis pour mettre de l'ordre (le premier s'engage à garder au minimum 50% de sa superficie couverte par les forêts). Le Nutella est au cœur des discussions, et c'est justement ce qui pousse les entreprises à faire évoluer leur achat. Maintenant, observons avec attention les autres entreprises utilisant l'huile de palme, parfois plus cupides (Nestlé n'est pas très bien classé, Lactalis et surtout les Brioches Pasquier ont des notes catastrophiques...)

Enfin, je tiens à préciser que l'huile de palme est l'huile la plus consommée dans le monde juste devant... l'huile de soja. Boycotter l'huile de palme pour protéger les forêts de Bornéo ? Ca peut paraître une bonne idée, mais vous risqueriez de vous attaquer à l'Amazonie... (et là, c'est le drame).

 

Bref, évitons de trop simplifier.

 

Sinon, je rappelle cinq gestes pour être plus écolo au quotidien :

- éviter de prendre la voiture (la moitié des émissions de CO² d'un Français)

- éviter d'avoir un logement à 25°C (30% des émissions polluantes d'un Français, essentiellement pour le chauffage))

- réduire sa consommation de viande (une vache ça pue, ça pète, ça prend son cul pour une trompette (de méthane))

- éviter de prendre l'avion (là, ça m'arrange moins!)

- partager vos achats (le fameux exemple de la perceuse pour un quartier plutôt que pour une maison).

Le Nutella et l'huile de palme : non, je ne tue pas les orangs-outans
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4 juin 2018 1 04 /06 /juin /2018 22:47

« Qu'est-ce qu'il ressemble à son père » ou « c'est le portrait craché de sa mère ! » Ah, ces fameuses phrases de la maternité, ou de la petite enfance. A chaque fois que je les entends, je reste dubitatif : pour moi, les nouveaux-nés ressemblent toujours à l'image que je me fais des extra-terrestres. Ca changera peut-être le jour où ça sera le mien.

Bref, petite introduction pour vous parler des sosies. Car, apparemment, nous aurions tous des sosies sur terre. Si vous avez des frères et sœurs, c'est déjà un peu le cas (« c'est vrai qu'il y a un air de famille » me dit-on souvent par rapport à mes sœurs). Si vous avez une jumelle ou un jumeau, c'est un peu de la triche. Mais là où ça devient cocasse, c'est quand on vous trouve de la ressemblance avec quelqu'un qui n'est pas de votre famille. Mieux, quelqu'un de célèbre ! J'avoue que je ne vois pas toujours le lien, mais bon, petit florilège entendu dans ma vie.

 

Stromaé. Entendu environ 30 fois. Ressemblance selon moi : 33%.

C'est le personnage à qui j'ai souvent été comparé. Pourquoi ? Non, je ne chante pas (je hurle diraient les témoins). Non, ce n'est pas par rapport à ma thèse sur le Rwanda. Je crois que notre allure élancée, et l'époque de mes cheveux courts justifient le lien.

Ca fait plaisir ? : oui ! J'adore le chanteur, j'adore le personnage !

Les sosies (de Jésus à Rabiot)

Raphael. Entendu une fois. Ressemblance selon moi : 1,4%.

Pourquoi 1,4% ? Car je pense que c'était le taux d'alcoolémie de la demoiselle ayant annoncé cette ressemblance. Qui lui paraissant évidente en plus ! Selon moi, y'a rien !

Ca fait plaisir ? C'est toujours mieux que Garou.

Les sosies (de Jésus à Rabiot)

Marc-Olivier Fogiel. Entendu une fois. Ressemblance selon moi : 5%.

Cela date d'il y a quelques années maintenant. C'était une photo postée sur le blog de ma cousine. Un commentaire apparaît : « mais qu'est qu'il ressemble à Marc-Olivier Fogiel ton cousin ! ».

Ca fait plaisir ? Euh, non, pas vraiment ! [petit rire de hyène]

Les sosies (de Jésus à Rabiot)

Jésus. Entendu une quinzaine de fois. Ressemblance selon moi : ne me prononce pas! (j'veux éviter les embrouilles avec son daron, s'il existe !).

La première fois c'était lors d'une détection de football. La seconde fois c'était en boite de nuit. Puis à plusieurs reprises. La dernière fois, c'était il y a quelques jours. Les cheveux un peu longs, une petite barbiche : bref, l'image du prophète. Je le vois plutôt arabe moi, mais bon...

Ca fait plaisir ? C'est toujours mieux que Judas.

Les sosies (de Jésus à Rabiot)

Rabiot. Entendu chaque semaine depuis 5 mois. Ressemblance selon moi : 25%.

C'est mon sosie du moment. En tout cas selon mes coéquipiers au football : ça fait plusieurs mois qu'ils m'appellent ainsi ! J'ai les cheveux plutôt longs (en tout cas les plus longs depuis au moins 25 ans), et je joue au football. Ca nous fait deux points communs. Certes, nous n'avons pas le même niveau, ni le même salaire. Mais il paraît qu'on a tous les deux la grosse tête (hum....). A noter qu'une élève de mon lycée m'appelle aussi comme ça depuis trois mois.

Ca fait plaisir ? : C'est toujours mieux que Valbuena.

Les sosies (de Jésus à Rabiot)

Richard Ramirez. Entendu deux fois cette année. Ressemblance selon moi : 40%.

C'est peut-être la première fois que je me suis vraiment dit : ah ouais, y'a un truc là. Chanceux que je suis Richard Ramirez a fait une honnête carrière de... tueur en série ! 11 viols et 14 meurtres aux Etats-Unis, sataniste sur les bords (il se dit influencé par les chansons d'ACDC....). Bref, un sacré personnage !

Ca fait plaisir ? : Euh.... c'est une vraie question ?

Les sosies (de Jésus à Rabiot)

Signalons qu'autour de moi, j'ai un copain qui ressemble à Ted Mosby (surtout les cheveux), un autre à Arthur (enfin, seulement aux Philippines)... bref, je crois qu'on en a tous ! 

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28 mai 2018 1 28 /05 /mai /2018 11:53

Ce serait vous mentir de dire que Cayenne m'attire. C'est loin (3 bonnes heures de route), il pleut souvent (en tout cas à chaque fois que j'y vais), il y a des bouchons, des centres commerciaux, du monde... bref, c'est une grande ville ! Enfin à l'échelle de la Guyane ! (l'agglo fait 130 000 habitants). Néanmoins, c'est aussi là qu'ont lieu mes formations de prof, et il y a l'aéroport... Du coup, mes visites sont plus nombreuses que prévu, et ça me permet de découvrir les alentours (et la route est sympa avec ses ponts en fer, comme ici à Saut Sabbat). Petit tour d'horizon.

Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites

Déjà, le centre-ville de Cayenne. Bon, pas extraordinaire, loin de là. Mais il y a un front de mer, assez rocailleux. Un peu plus loin, le fort Cépérou, construit en 1652, par les Français. L'objectif étant de se défendre contre nos meilleurs ennemis, les Anglais. Il ne reste pas grand chose, et le point de vue sur la ville pourrait être sympa, sans la présence des fils électriques...

Quoi d'autre ? La place des Palmistes, la cathédrale Saint-Sauveur, des maisons créoles.... mais je ne sais pas, il manque un truc à cette ville pour la rendre charmante.

Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites
Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites
Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites

Heureusement, il y a Remire ! Remire, c'est la banlieue chic de Cayenne, le Neuilly local, peuplé d'une belle brochette de métropolitains. Et à Remire, il y a de belles randonnées, comme le sentier du Rorota. Nous sommes en pleine nature, alors que nous n'avons pas quitté la ville. Une jolie vue sur le littoral, que j'espère voir un jour avec un peu de soleil.

Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites

Un peu plus loin, l'habitation Loyola, une ancienne immense exploitation coloniale. Bon, il faut imaginer le lieu à l'époque, parce qu'aujourd'hui il reste simplement les traces !

Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites
Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites

Là où Cayenne me plait vraiment, c'est.... quand je m'éloigne ! Direction Roura ! Une petite église surplombe le fleuve, donnant à la commune un certain charme. Surtout, c'est le lieu de départ pour la crique Gabrielle, que nous remontons en pirogue. Le retour se fait en canoë après un passage par le lac Pali, seulement accessible en saison des pluies. Génial. Des palmiers sortent de l'eau, la faune et la flore sont partout autour de nous. Je me régale (et je remercie Justine au passage).

Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites
Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites

Enfin, le bouquet final pour le prof d'histoire que je suis : le bagne des Annamites. Officiellement appelé camp crique anguille, le lieu tire son surnom des 1500 prisonniers envoyés ici, originaires d'Indochine ! Il faut déjà imaginer la traversée des océans pour ces prisonniers politiques, détenus principalement parce qu'ils se sont révoltés contre la colonisation française : sur un bateau-prison, la Martinière, où ils sont plus de 500 entassés. Ils arrivent finalement à l'autre bout du monde, dans un bagne tardif, ouvert en 1930, et qui n'aura pas une longue vie (il ferme en 1945). L'objectif était de développer la région, de construire des pistes etc. Le lieu est aujourd'hui plaisant, on s'y retrouve après une petite heure de marche à travers la forêt. La végétation a déjà repris ses droits, et il reste surtout les cellules des prisonniers (2m²!) et... les WC. Qui donnent envie.

Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites
Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites

La bagne était donc peuplé des condamnés Indochinois, surveillés par... des tirailleurs sénégalais ! La France des colonies, dans toute sa splendeur [sic!].

Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites

Allez, je termine avec un autre pont en fer, à Sinnamary. Promis, je vous emmène prochainement à la découverte de chez moi, SLM.

Cayenne : lac Pali, habitation Loyola et le bagne des Annamites
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22 mai 2018 2 22 /05 /mai /2018 23:37

Quand nous arrivons à l'aérodrome de Saint-Laurent, nous comprenons vite que le vol sera différent des autres : nous sommes pesés avec les bagages, il n'y a pas un seul contrôle de sécurité, et le ticket semble fait manuellement ! 15 personnes dans l'avion, nous ne sommes pas trop gênés non plus par les hôtesses, absentes. Et le pilote est juste devant nous. Nous ? Ce sont mes deux colocs Lise et Tim, ainsi que ma gueule (quoi ma gueule ? Qu'est-ce qu'elle a ma gueule?)

L'envol est très sympa (l'aérodrome est situé quasiment au centre de la ville) et permet de voir la maison du ciel, entre autres ! Le vol dure 50 minutes, le temps d'observer quelques sites d'orpaillage... et beaucoup d'arbres !

Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana
Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana
Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana

Maripasoula ! La commune la plus étendue de France ! (Arles est la plus étendue en métropole... mais Maripasoula fait 50 fois Arles ! 18 360 km²!). Et seulement 10 000 habitants ! Autant vous dire que l'on n'est pas bousculé en ville ! Nous sommes descendus plein sud, au niveau du parc amazonien. Sans surprise, nous nous retrouvons donc rapidement en forêt sur nos beaux vélos ! 12 kilomètres de montée et de descente (surtout des descentes pour Lise). L'objectif est d'aller découvrir un ancien gros fromager. Non, aucun rapport avec le Gouda. Le fromager est l'arbre majestueux de l'Amazonie, avec des contreforts incroyables. Justement, nous nous retrouvons devant... et on se sent d'un coup si petit !

Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana
Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana

Le reste de l'arbre ? Il est tombé ! Les trois grands fromagers de la région sont tombés en l'espace de deux ans, et cela laissait craindre de grandes catastrophes selon certaines croyances locales. Sur la route, nous croisons un serpent, bien mort, et.... un jaguarondi, bien vivant ! Le félin surgit du bas-côté alors que je passe à vélo et traverse la route devant Tim ! Noir, de la taille d'un chien, mais plus allongé, avec une queue touffue. Et sacrément rapide ! Moi qui étais un peu maudit concernant les animaux, ils me font enfin l'honneur de sortir quand je passe !

Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana

La ville est quelque peu animée grâce au festival du livre. Le soir, direction un festival avec notamment Rickman, dont la chanson « Je suis un Boni » tourne pas mal ici. C'est un festival à la guyanaise, avec un espace-temps déréglé. Un peu comme quand mon père a besoin de moi pour travailler « cinq minutes ». Ainsi, le maire commence son discours avec une heure de retard. Rickman arrive... « dans cinq minutes, top chrono ». Une heure et dix minutes plus tard, le voilà ! Le public est placé sur un terrain de basket – pardon, le public est placé autour du terrain de basket. Et seulement quand la chanson les fait sauter ils se ruent à l'intérieur du terrain. Le chanson se termine ? Tout le monde s'écarte du devant de la scène et reste à 10 mètres. Etonnant. Les derniers chanteurs, prévus pour 3h, chantent encore à 7 heures. Je les entends, au loin, depuis mon hamac !

Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana

Le lendemain, direction le Sud. Oui, c'est encore possible, mais seulement en pirogue (il y a une piste remontant vers Papaïchton, et c'est tout). Là, nous nous enfonçons clairement en pays amérindien. Tellement que nous allons franchir la zone d'accès réglementé. C'est un Amérindien qui nous y emmène, nous nous sentons un peu moins coupables de ne pas avoir demandé l'autorisation préfectorale !

Les Wayana vivent des deux côtés du fleuve. Pourtant, d'un côté, c'est le Surinam, de l'autre, la France. Enfin, sur une carte, dans mes cahiers. Ici, la frontière est une ligne imaginaire, servant simplement à différencier le taux de taxation. Pour le reste, tout le monde se côtoie, sans douane et sans papier. Nous allons chercher de l'essence chez « les Chinois » du Surinam. Puis nous remontons le cours du Maroni (officiellement Lawa ici), passons devant Elae, croisons des maisons très très trèèèèèès isolées (2 heures de pirogue pour aller à la maison de santé, ça commence à faire isolé) avant d'arriver à Taluen, également appelé Twenké. Le trajet est fantastique.

Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana
Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana
Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana

C'est isolé comment ? Au titre du numérique, le village n'a pas encore sa page wikipedia (ça veut dire quelque chose aujourd'hui). Le raccordement électrique a été fait en 2014. Pas de réel magasin. Le village est seulement ravitaillé par les pirogues. Une poste. Une maison de santé. Le carbet municipal, au centre du village, assez majestueux. Le lieu est paisible. Nous sommes dimanche, les Amérindiens sont réunis, écoutent des musiques religieuses ou se baignent.

Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana
Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana
Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana

Tiens, un atèle ! Décidément, je suis chanceux ce week-end ! L'animal joue avec ses pieds, puis se remet en route.

Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana
Maripasoula-Taluen : chez les Amérindiens Wayana

Un terrain de foot au loin. Ca me rassure un peu, j'aurai au moins un sujet de conversation possible avec les habitants. C'est que la vie ici a l'air un peu différente de celle sur le littoral (et de la métropole). Nous repartons vite, l'objectif est de rentrer avant la nuit. Le ciel se couvre, une pluie monumentale tombe sur la pirogue, sans que notre pilote ne bouge. Caché sous mon poncho, j'écoute le bruit du moteur, l'eau qui m'entoure, et j'essaie de m'imaginer vivre ici.... hum, pas sûr ! Je suis bien à Saint-Laurent, d'ailleurs je pense re-signer pour une année de plus ! 

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22 mai 2018 2 22 /05 /mai /2018 11:13

J'étais impatient. Se retrouver dans un tribunal, en pleine audience, une première pour moi. Je crois même que j'étais plus excité que les élèves ! Eux, adolescents, blasés avant d'avoir vécu. Moi, devant les colonnades, à lire la devise de la République.

La justice est un milieu que je connais un peu : j'ai des bons amis qui y travaillent, j'ai fait un cours sur le sujet en éducation civique, et j'ai regardé quelques films américains.... OBJECTION votre honneur ! Ceci n'est pas un argument valable ! Objection retenue, tant le système judiciaire américain est différent du nôtre (à choisir je garde le nôtre!)

Me voici donc à Saint-Laurent, dans une chambre détachée d'un tribunal de grande instance, accompagnée de la classe dont je suis le professeur principal. C'est la suite d'un projet justice, que je coordonne avec l'assistante sociale et la prof de français. Le clou du spectacle aura lieu dans un mois : les élèves organiseront eux-même leur audience, à l'intérieur du tribunal, et vont jouer un procès !

 

Aujourd'hui, c'est la réalité. Et la réalité est parfois... surprenante ! Ce sont des affaires pénales. La présidente entre à la sonnerie, nous nous levons. A sa gauche, la greffière, chargée de noter tout ce qui se dit ou se passe pendant le procès. A sa droite, le procureur de la République, chargé de représenter les citoyens, et qui a le rôle du méchant. Devant, au centre, une barre, pour l'instant vide. Et, un peu derrière, des avocats. Une traductrice est également présente. Nous sommes derrière de petites barrières, dans le public. Un public composé de ma classe et.... des prévenus ! J'avoue que je surveille un peu les mecs chelous assis à côté des jeunes filles de la classe, histoire d'éviter les échanges de numéros de téléphone ! On appelle d'ailleurs la première affaire !

Une dame est accusée par sa fille de l'avoir obligée à ingurgiter un remède traditionnel créole. La fille a refusé. Du coup, la dame l'a menacée avec un grand couteau. La fille est présente avec son père, elle donne sa version. La mère est ensuite appelée à la barre, elle se défend.... plutôt mal ! « Je n'aurais peut-être pas dû prendre un couteau, j'aurai mieux fait de prendre une ceinture ». [sic!] La juge la reprend, et lui affirme que ce n'était pas une meilleure idée. « Je suis stricte avec mes enfants ». La juge : « il y a une marge entre être stricte et être dangereuse pour son enfant ». Elle était alcoolisée au moment des faits « tout le monde consomme un peu d'alcool ». Je fais non de la tête, la juge semble d'accord avec moi. Les avocats prennent ensuite la parole. L'avocat de la victime demande 2 500€ de dommages et intérêts, ainsi qu'une obligation de se faire soigner pour ses problèmes d'alcool. Le procureur rejoint cette option. L'avocat de l'accusée, lui, nous fait le show. Il y a du public, il prend à parti les élèves, joue avec eux pour sa défense. Il explique que lui aussi était contraint dans sa jeunesse de boire des remèdes traditionnels. Le geste du couteau ? Pour impressionner, pas pour menacer. Son réquisitoire est impressionnant, aux dires des élèves. La juge, elle, reste de marbre : l'accusée est déclarée coupable et est sanctionnée selon les vœux de la victime.

 

Une nouvelle sonnerie retentit. La séance est suspendue. Les élèves ont l'air d'apprécier, moi aussi ! La juge vient s'asseoir avec nous, explique les raisons de son jugement, répond aux questions des élèves (et aux miennes!).

Puis s'enchaînent trois conduites en état d'ivresse, dont une récidive : un homme travaillant pour les militaires (hum...) a perdu son permis et est arrêté un mois plus tard, alors qu'il n'a pas encore été jugé, et à nouveau ivre. Sa raison : « vous savez, les femmes... ». Une juge devant lui, l'argument ne fait, étonnamment, pas mouche ! Résultat, son permis est annulé et sa voiture confisquée ! Mes élèves sont limite tristes pour lui !

 

Puis vient la dernière affaire de notre matinée. La traductrice doit d'abord prêté serment. Disons Monsieur X, âgé de 45 ans environ, et Madame Y, sa tante, 65 ans environ. Les deux sont accusés de violence avec armes, le premier ayant frappé avec une machette la seconde, tandis que la seconde a frappé le premier en réunion, à coup de manche à balai.

L'histoire est un peu floue : Madame Y voulait emmener l'un de ses frères à l'hôpital, en raison de sa consommation de stupéfiants. Monsieur X a refusé, pour protéger son oncle. Il travaille avec une machette, et à la suite d'une montée dans les tours, il frappe sa tante. Celle-ci décide de revenir un peu plus tard, avec du renfort. C'est là que Monsieur X est frappé. Voulait-il aller chercher un fusil, comme le dit sa tante ? On l'ignore. La juge : « pourquoi vous ne vouliez pas que votre oncle parte avec votre tante ? » Monsieur X : « Parce que c'est une sorcière, c'est la sorcière du village, tout le monde le sait ! ». Mes élèves se payent un léger fou rire. Il évoque à plusieurs reprises la magie, il parle de Satan, a un discours religieux. La juge a du mal à recadrer. Ah, les histoires de famille !

Les deux sont finalement condamnés à du sursis, avec interdiction de porter des armes.

 

Après 3 bonnes heures d'audience, nous quittons les lieux. Tout le monde semble content, et les discussions continuent sur les affaires. J'ai beaucoup appris au cours de cette audience. Le rôle du procureur par exemple, l'absence des avocats dans toutes les affaires à l'exception de la première. De ce fait, les procès et leur trame changent du tout au tout. La juge, à l'autorité incontestée. Je conseille à tout le monde, car l'accès des tribunaux aux libre ! En plus, vous aurez quelques histoires croustillantes pour votre prochain repas de famille !

Ma première au tribunal : remède créole, sorcière et coup de machette
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16 mai 2018 3 16 /05 /mai /2018 01:21

La sonnerie retentit. Les élèves quittent ma classe. Quatre restent, trois filles et un garçon. Ils veulent me parler. Je suis leur professeur principal, et je soupçonne de nouvelles tensions dans la classe. Je suis derrière mon bureau, je m'active à ranger mes affaires. Ils mettent plus de temps que d'habitude à commencer leur propos.

Elle : « On vient vous voir à cause de la vidéo ».

Moi : « La vidéo ? »

Elle : « Vous savez, la vidéo. »

Moi : « Quelle vidéo ? »

Elle : « La vidéo de Madame N. »

Moi : « La vidéo de Madame N. ? »

Elle : « Les photos aussi »

Moi : « De quoi vous me parlez ? »

Ils se regardent et sourient. Ils n'osent pas. « Allez, ne tournez pas autour du pot, qu'est-ce qui se passe ? ».

Elle : « Bon. Les vidéos pornos de Madame N. »

Moi : « ... » [regard interloqué, plusieurs pensées me traversent alors l'esprit : putain, un élève a pris une vidéo de Madame N. sous son bureau ! Qu'est-ce qu'ils sont bêtes parfois!]

Elle : « Il y a des photos et des vidéos qui circulent ».

 

Je mets du temps à comprendre. Les élèves m'expliquent peu à peu. Ma collègue a tourné une vidéo porno, vidéo qui existe aujourd'hui sur un site. En tout cas, les élèves y ont eu accès. Qu'importe, les élèves ne sont pas là pour ça : ils viennent me voir car ils veulent faire une lettre d'excuse.

Moi : « Pourquoi ? »

Elle : « Parce que nous n'avons pas eu un bon comportement. Certains se sont moqués dans la classe ».

Je les encourage dans leur démarche. Je compte faire un point sur le comportement de la classe dès le lendemain.

Elle : « et il y a aussi ceux qui se moquent dans la cour ». Lui : « il y en a qui lui disent merci Jacquie, merci Michel »

 

Au fond de moi, j'explose de rire. Mais je suis leur professeur principal. Je garde un visage neutre. J'écris les informations que je reçois, pour me donner une contenance. Je clos cette conversation.

 

Ma collègue, ma collègue timide, qui a l'air très fragile, ma collègue a tourné dans un film porno. Bon, c'est son droit. Mais il y a les conséquences. Je souhaite lui parler de la conversation que j'ai eue. Mais, le lendemain, elle est annoncée absente. Je vais voir la direction. On aborde la situation. Elle est mise à l'arrêt deux semaines, « le temps que ça se tasse ».

Le temps que ça se tasse. Imaginez vous, 16 ans, votre prof a tourné un film porno. Clairement, ça ne se tasse pas vite ! Je fais une heure de cours d'éducation civique. Au menu : la vie privée, les vidéos et les photos que l'on poste sur Internet, les conséquences de celles-ci, mais aussi le sujet de fond. Nous parlons porno, nous parlons respect de l'autre, nous parlons corps de la femme. J'ai séparé ma classe en deux, les garçons d'un côté, les filles de l'autre. Les réactions divergent. Les garçons sont beaucoup plus bloqués, considèrent qu'elle ne peut pas revenir faire cours, pensent que le fait qu'elle soit une femme ne joue pas dans leur réaction. Les filles me semblent plus matures (oui, comme souvent), elles seraient prêtes à retravailler avec Madame N., elles l'encourageraient d'ailleurs à revenir. Surtout, elles considèrent que le fait d'être une femme joue contre elle.

« Quelle aurait été votre réaction si ça avait été moi ? »

Les garçons comprennent enfin. Oui, ça aurait été différent, selon eux. La grande injustice de l'inégalité des sexes face au sexe, déjà au lycée.

 

Ca, c'est fait. La pression est retombée dans la classe. Je croise mes collègues. Personne ne connaît la situation. Tous les élèves sont au courant, ont vu des extraits de vidéos, et le personnel enseignant vaque à ses occupations quotidiennes. J'informe deux collègues proches de Madame N. Ils sont sur le cul (ceci n'est pas un jeu de mot). L'un d'eux appelle la principale intéressée. Je l'imagine au fond du trou (ceci n'est pas un jeu de mot). En vérité, elle va très bien ! Elle nous a invités à son anniversaire. Et je la vois en grande forme. Elle assume pleinement sa situation : « oui, j'étais actrice porno ! ». Elle nous raconte l'envers du décor, les salaires (de 250 à 400€ pour une vidéo), évoque ses différents films. Un job alimentaire, couplée d'une réelle curiosité. Elle appréciait des acteurs, elle appréciait des réalisateurs. Elle en parle comme moi je vous parlerais de mon boulot de journaliste pendant mes études !

 

Depuis, elle est officiellement écartée du lycée « pour sa propre sécurité ». Elle a reçu des menaces. Surtout, le lycée a reçu une quantité d'appels de parents d'élèves « ma fille a pour prof une actrice porno, c'est inadmissible !! ». Ambiance particulière, sujet très compliqué : peut-elle encore enseigner ? Selon moi, c'est oui. Au final, le porno n'est pas interdit, et le fait de faire des vidéos est du ressort de sa vie privée. Elle n'en fait pas la publicité en classe. Surtout, ses compétences n'ont pas changé en trois semaines. Elle était la même professeure. Seul le regard des élèves a changé vis-à-vis d'elle. Faut-il dès lors la punir ?

 

Je sais, la Guyane, c'est des histoires parfois folles. Entre la crise de baclou et l'accident de mon élève, je pensais avoir assez d'annecdotes professionnelles à vous raconter à mon retour. Là, c'est le bouquet final. Le feu d'artifesse. Oui, ceci est un mauvais jeu de mot.

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