Lundi matin, Mamy est morte. Deux gros mois après Papy. « Ils se sont suivis de près ! », comme le disent les gens lors des visites au salon funéraire. Oui, et c’est sans doute mieux comme ça. Mamy n’avait plus envie. Mamy était malade. Mamy voulait rejoindre Papy. Son état s’était profondément dégradé la semaine dernière, et ce serait mentir que de dire que c’était une surprise lundi matin. Non, c’était plutôt un soulagement. Parce qu'à la douleur physique s’était ajoutée la douleur psychologique. Et que l’on n’y pouvait rien, parce que le cancer et les métastases gagnent toujours.
De mes dernières nuits passées avec elle, je retiens un moment. J’étais assis dans le salon, Mamy est allongée sur son lit d’hôpital. On discutait de ma cousine voyageant à Paris avec une amie, qui, elle, n’avait jamais vu la capitale. C’était son rêve. « C’est beau de vivre ses rêves », lâche-t-elle, les larmes aux yeux. Je réponds qu’elle prêche un converti, sans toutefois réussir à stopper les sanglots. Se lever, lui faire un câlin. Elle se met à pleurer de plus belle. « J’suis contente » qu’elle me dit. Et moi aussi, j’étais content.
L’été dernier, je suis allé interviewer Mamy. C’est une idée d’historien, de vouloir entendre le récit des anciens. Ça m’a passionné, et je compte faire de même prochainement avec d’autres. Je vous laisse donc en compagnie de ma grand-mère, qui vous raconte sa jeunesse.
Thérèse
Une enfance de guerre
Je suis née en 1935 à Muncq-Nieurlet. J'ai été élevée par mes deux grands-parents maternels [François Sergent et Léonie Guilbert]. Pendant la guerre, nous étions tous ensemble. Ma grand-mère paternelle [Elise Wissocq] était remariée à Mentque-Norbecourt avec Emile Courbot. Le père de mon père [Eugène Fenet] s'était tué en 1921 en cueillant des cerises.
On allait en voiture à cheval ou à vélo. Derrière le cheval, c’était une sorte de diligence. On était heureux là-dedans. C’était le cheval à pépère François, mon grand-père de Muncq-Nieurlet, il me conduisait à l'école quand il faisait mauvais. Tout le monde avait ça, à part ptet un ou deux. On reconnaissait les voitures qui passaient du coup, ça c'est l'auto à Edmond etc...
J’me souviens des bombardements tout près. Mon grand-père avait construit un abri avec des ballots de paille. J'me rappelle de Denise qui disait « vite à l'abi-vite à l'abi ». Mon père [Albert Fenet] était prisonnier. Il a dû partir en 40. Il est revenu le 18 avril 1943, j'avais pas encore 8 ans. Il avait 3 enfants, et il avait eu le droit de rentrer. Tous les dimanches, mon grand-père allait jouer aux cartes à Polincove. Il revient blanc comme un mort, « Albert il revient ». Ça marque un enfant [voix qui tremble]. Il revient avec sa valise sur son épaule. Il est revenu au train, avec un autre de Muncq Nieurlet. L'autre, c’était le grand-père de Didier Dereuder, il s'est fait tuer par une bombe plus tard. Denise [sa sœur], elle était née en 1938, elle s'en rappelait plus beaucoup, en mangeant au soir « est-ce que je peux m'asseoir à côté du monsieur ? ». Les Allemands on les voyait souvent. Ils nous avaient apporté pour Noël des bonbons. Mémère [sa mère, Léa] avait tout mis dans le feu, de peur qu'on nous empoisonne [rire]. Nous ça nous faisait mal au cœur, on n’avait pas grand-chose comme bonbons ! J’me rappelle aussi du chat au grenier qui pisse sur la tête d’un militaire en dessous de lui ! [rire] « un petit peu d'eau » qu'il disait. Les Allemands venaient manger, demandaient pas la permission. Ils avaient réquisitionné pas mal de chevaux, mais pas celui de mon grand-père, par contre ils avaient pris la paille.
Vers la fin de la guerre, il y avait une petite Calaisienne qui était venue à la maison. Les enfants des villes, ils essayaient de les placer à la campagne, on mangeait mieux. Elle était venue. Elle habite encore Calais, Mireille, j'suis encore en relation avec elle. T'aurais vu comme elle était maigre ! Elle dit que c'était les meilleures années de sa vie à Muncq-Nieurlet. Elle arrivait au train, mon grand-père allait la chercher. Et elle restait toutes les grandes vacances.
On avait une carte de restriction qu'on montrait à la boulangerie. A Muncq, on devait aller à l'épicerie, et on l'utilisait. Mes grands-parents faisaient eux-mêmes du pain avec de la farine et des pommes de terre. A l'épicerie, t'avais un verre, tu remplissais ton verre de moutarde, ton paquet de café. Tout était en gros.
Le vin, il commençait à y en avoir à ce moment-là. Sur les cartes il y en avait, avant il y en avait pas. C'est comme ça qu'ils se sont mis à boire.
Y'a pas mal de Calaisiens qui venaient sur Muncq-Nieurlet se ravitailler, chercher des pommes de terre, du lard. C'est pour ça qu'il y a eu du marché noir, y'en a qui en ont profité.
En 1947, mon grand-père a pris sa retraite [à 70 ans]. Tout le monde a déménagé. Nous on a resté où mémère a fini. Mes grands-parents et nous on habitait dans la même maison. Il y avait une porte qui communiquait. A l'école, on y allait à pied, et de temps en temps mon grand-père nous amenait. On allait aussi au catéchisme, et à la messe tous les dimanches. On jouait avec ce qu'on avait. Avec Roland et Rolande, mes deux cousins on jouait ensemble avec mes deux sœurs. C’était une petite ferme, mais on n'a jamais eu faim, on n'avait jamais manqué de rien, pas l’abondance mais on a eu tout ce qu'il fallait.
L’école primaire
École primaire, classe unique, 5 ans jusqu'à 14 ans avec le certificat d'études. L’institutrice c’était madame Cornuel, une femme à poigne, parce qu’il y a avait des rudes numéros ! 9h-12h, 14h-17H, 5 jours par semaine, on avait notre jeudi. Lundi-mardi-mercredi, vendredi-samedi. On repartait manger à la maison, même si l’école était au centre du village. Quand on arrivait dans la classe, on allumait le feu, on lavait les tableaux, balayait les classes et tout. On était bien une trentaine. Les petits avec le CP, CE1, CE2, CM1, fin d'études. Je ne sais pas si le CM2 existait, oué p’tet. Les plus grands s'occupaient des plus petits. Celui qui travaillait bien, il finissait son boulot et participait avec les autres. Elle donnait du travail à tout le monde. Je me souviens des grandes cartes : les sciences, le corps humain. Récré le matin et l'après-midi, il y avait des punis forcément, consignés pendant la récré. Elle, elle habitait dans la cour de l'école. A côté de la mairie, là où il y a la salle maintenant. Nous, on faisait plus d'un kilomètre à pied, p’tet deux [réflexion], p’tet pas deux, 4 fois par jour. 20 minutes, on n'allait pas tellement vite, on n’était pas si grands. Quand maman travaillait dans les champs, c'est ma grand-mère qui s'occupait de nous 5. Quand les hommes n’étaient pas là, au début de la guerre, elles ont commencé à travailler puis elles ont continué après.
La vie à la ferme
Pendant les vacances on allait aider dans les champs, on était fin content ! C'était du 14 juillet jusqu'au 1er octobre, avec une semaine entre Noël et Nouvel An, pas de vacances d'hiver, une semaine avant Pâques et une semaine après Pâques. On faisait de tout, pas de moissonneuse-batteuse, mon grand-père avec une faucheuse, il coupait le tour du champ, nous on allait jeter les bottes. Après les pommes de terre, les haricots. On allait glaner avec ma grand-mère pour les poules. Elle avait une vieille voiture d'enfant on mettait toutes les glanes. On ramassait tous les épis, les poules étaient contentes. On n’avait pas le temps de s'ennuyer pendant les vacances. Il y avait des poules, des canards, ma tante avait des oies, nous 2-3 vaches, des cochons (c'est avec ça qu'on se nourrissait), une biquette… une fois ils l'avaient tuée avant qu'on se lève et ils disaient qu'elle était sauvée. Les cochons ça allait, on en avait à moitié peur. Les vaches avaient parfois des petits veaux. On arrivait à en vivre d'une petite terre comme ça, aujourd'hui ça serait plus rentable.
Le plus qu'on mangeait c'est du lard. Quand on tuait le cochon c'était la fête. On devait manger vite, parce qu’on n’avait pas de frigo. Il y avait du pâté de foie, des tripes... Des œufs beaucoup, des poules. Le dimanche c'était un bouillon de poule. Mais sur la semaine beaucoup de lard. Si on ne voulait pas de lard, on mangeait un œuf. Mais on n'avait pas beaucoup le choix. Des pommes de terre, des haricots. On avait des pommes, poires, prunes, pèches. J'sais même pas si on vendait à cette époque d'autres fruits. C'était pas la vie de maintenant.
Ma tante Germaine et Mémère allaient vendre des œufs sur le marché. Elles achetaient quelques bricoles, allaient à vélo. Le marché était à Audruicq, tous les mercredis.
La religion
C'était le curé qui faisait le catéchisme. Avec les bombardements on n’allait pas forcément à l'école. l'abbé Pronier, faisait le caté avant l'école. Mémère avait été le trouver, parce que c’était trop tôt pour nous et il en avait parlé à l'église, qu'une maman était venue le trouver, et qu'il a vu à ses yeux qu'elle n’était pas contente [rire] ! Il racontait des choses parfois ! Il avait un chien, il avait des poules. Le chien mangeait le blé de ses poules, alors quand le chien faisait caca, il redonnait le caca à ses poules pour qu'elles mangent le blé. ça valait bien le coup de nous faire lever pour raconter des conneries pareilles !
Pour la communion, on avait d’abord trois jours de retraite. Le jour de la communion, la basse messe, la grand’ messe et les vêpres. Le lendemain une autre messe. Quand Sandrine a fait la sienne, c'était encore comme ça. Quand on habite loin c'était compliqué. J'étais toute seule comme fille avec six garçons pour la communion. Il fallait réciter une prière à la Sainte Vierge devant la statue, les garçons la faisaient devant Saint-Joseph. On faisait aussi compliment au curé. Le curé était sourd, je lui faisais signe qu'il devait venir à côté de moi, les gens avaient ri dans l’audience.
Le lendemain après-midi, le maire nous offrait un goûter à sa maison, au fond de la Californie [rue du village]. On allait à pied, fin content. On faisait un diner, les parrains, marraines, les grands-parents. On mangeait un bon rôti de porc ou un bouillon de poule. On était content d'être tous réunis.
Les sorties d’enfance
On faisait des grand repas pendant les communions et les baptêmes. On ne se réunissait pas beaucoup en dehors. Ma tante de Paris c'était la fête quand elle venait. Lui, il travaillait aux chemins de fer, il n'y avait pas beaucoup de boulot par ici. Elle était garde-barrière. Ce sont les parents de Jeannette et Robert. Quand quelqu'un comme ça venait c'était la fête.
Le plus loin qu'on allait, c'était Eperlecques chez ma marraine, en voiture quand on était petite. Au nouvel An c'était à Mentque. Il n’y avait pas de téléphone, donc qu'importe le temps on devait y aller. On allait à pied, dans la neige. Le dimanche après nouvel an, c'était Eperlecques, dans la Westrove.
Là c'était la fête. On était reçu là mon dieu mon dieu, on mangeait tard, vers 3-4 heures. Et on repartait il faisait noir. On devait avoir une lanterne-tempête avec le cheval.
Il n'y avait pas grand-chose à part la ducasse de Muncq-Nieurlet. C'était notre seule sortie. Et le bal quand on était plus grande. Il n'y avait pas de manège quoi que ce soit. Je ne me rappelle plus. Le plus qu'on allait c'était à l'église. Il y avait aussi les missions. Des pères missionnaires qui venaient de je sais plus où. On leur faisait à manger, c'était un événement dirons-nous… On les répartissait dans les familles. On s'habillait, y’avait des bonnes sœurs, des curés. Denise elle y était, moi j'me souviens plus.
Noël on était tous ensemble, avec ma tante, on était 11 avec mes grands-parents. On allait à la messe de minuit à pied. J'crois pas que mon grand-père allait. On attendait minuit sans trop savoir quoi faire. On avait bien froid, on buvait un chocolat. Le lendemain, une orange, une brioche. Pas de jouet rien du tout. J’me souviens de la première boite de chocolats c'était Mémère qui allait travailler chez Alexis Lemaire, qui lui avait donné pour nous !
J'sais pas s'ils sont plus heureux maintenant, nous on était fin content avec ce qu'on avait. Ma grand-mère faisait p’tet un gâteau. C'était quand même mieux que la semaine.
Le collège et le lycée, à Saint-Omer
J'suis partie à l'école en octobre 1947 à Saint-Omer, on avait encore les tickets de rationnement. J'allais avoir 12 ans en décembre. C'était la fin de la guerre, on sentait encore des restrictions, on était mal nourri mon dieu l'horreur ! J'revenais tous les 15 jours. On prenait le train soit à Ruminghem soit à Audruicq. On allait à pied. Parfois on prenait le bus à Nordausques, il était plein alors on repartait et on prenait le train. Mémère venait avec, la valise sur le porte bagage, elle repartait à vélo. [Qui allait au collège ?] Les bons élèves, c'est l'instit qui décidait. On devait passer un examen d'entrée en sixième à Calais. Et après j'suis partie à Saint-Omer, la directrice Madame Darras connaissait madame Cornuel, mon instit.
On avait déjà été à Calais plusieurs fois en train. J'aimais pas grin’min [grandement] partir. On n’était tellement pas heureux là-bas. On était mieux à sa maison. Mémère me donnait des pommes, me donnait des brioches pour améliorer l'ordinaire. Une école avec que des filles, c'était un cours complémentaire, les garçons étaient place Ribot (à la poste), nous, c’était rue des Tribunaux juste en face du tribunal. La surveillante c'était Regina Obaton. On n'avait que des profs femmes, c’était 6ème-5ème comme maintenant, mais pas les mêmes matières. On était pensionnaire, on faisait nos devoirs là-bas. Notre prof d'anglais était en colère quand elle revenait, les pensionnaires qu'elle disait, on avait toujours fait quelque chose de travers !
J'ai eu une bourse pour y aller. Denise disait qu'elle n’aurait pas voulu y aller. On passait encore le certificat d'études à 14 ans, puis le brevet. Après le brevet, j'avais fait une année pour l'école normale, mais j'ai pas eu le concours. Alors j'suis partie au lycée.
On allait en promenade à Saint-Omer le dimanche avec le surveillant, puis le jeudi, avec le chapeau et un uniforme. Tous mes chapeaux sont en haut, dans une caisse. Il fallait du linge et tout ça. C'était des grandes chambrées, on était au moins 5-6 par chambre. L'ambiance... On se lavait à l'eau froide dans une cuvette, y’avait pas de toilettes, on avait un seau hygiénique. Pas forcément des bons souvenirs ! La toilette était vite faite à l'eau froide ! [Rire]. En étant à l'école normale on était plus formé. C'est pour ça que je voulais le passer. (anecdote de l’eau gelée pour se laver…)
La fille qui était avec moi, c’était Reine Roger, de Muncq-Nieurlet, elle était avec moi à l'école puis à Ribot.
Au Lycée Ribot. C'était nettement mieux. C’était en 1952. J’étais pensionnaire aussi, sur le même rythme. Ribot était mélangé garçons-filles, pas dans les dortoirs forcément. Il en avait un peu de toutes les races là-dedans [sic !] Y'avait anglais puis c'est tout, pas d'option. Pas d'allemand. Et du sport.
Le bac se déroulait en deux parties. La première partie à la fin de la première, et la deuxième partie à la fin de la terminale. J'avais passé sciences expérimentales, ça doit correspondre à ES, Y'avait math, philo et sciences expérimentales. La première partie j'l"ai eue du premier coup, la deuxième partie j'l'ai eue à l'oral.
Les sorties d’adolescence
[Avais-tu d’la visite ?] Mes parents venaient pas souvent sur Saint-Omer tu sais.
On sortait quand même plus au lycée, on allait au théâtre, au cinéma, toujours avec l'école. Il y avait le Famillia rue Gambetta, puis le Gaumont. J'ai encore été voir les Compagnons de la chanson en étant au lycée. Roland nous avait payé le cinéma avant d'aller faire le soldat, en 1953, à Audruicq. Ça m'avait frappé.
A la maison on écoutait les informations, mon grand-père surtout, on n’avait pas le droit de parler à ce moment-là. Mais j’ai eu ma première télé en 1964, à l'école.
On sortait au marché. Au concours agricole à Audruicq, il n'y avait rien par ici, alors aussitôt qu'il y avait quelque chose on y allait ! La neuvaine du 15 août à Recques, avec la messe à 6h45, on grimpait à la chapelle. On continuait d'y aller avec mémère.
On était bien. On ne serait jamais permis de répondre. Jamais malheureux, jamais on n'aurait reçu une claque. Élevés à la dure, mais ils n’avaient pas besoin de crier pour qu'on obéisse. Quelquefois on voulait aller quelque part, on demandait à ma mère qui disait « demande à ton père ». Et lui qui disait « demande à ta mère » [Rire]. Mais quand l'un des deux avait dit non, ça restait non, pas la peine de redemander.
Après on allait à la ducasse des villages autour (Eperlecques, Recques). Émile Prudhomme à Eperlecques, quand il y avait une vedette on y allait, parce qu'à Mentque il venait personne. Et j'suis allée une fois à la course de lévriers, c'est là que j'ai rencontré Babar.
Institutrice
En octobre 1955 j’suis devenue instit. J'ai eu vite un solex. Sinon avant j'faisais la route à vélo entre Norkerque et Muncq. J'avais reçu mes papiers débuts octobre, j'devais commencer le 4. Je connaissais même pas Nortkerque ! On n’avait pas de formation, on devenait instit’ juste après le bac.
Premier jour. Mon Dieu ! J'en avais 55. C’était une nouvelle classe. Pour que ça puisse ouvrir, il en fallait 50. Des enfants de 3 à 5 ans. Moi j’avais 20 ans. Ils se ressemblaient tous pour moi ! [rire]. La classe était dans la cantine de maintenant. Il y en avait un, André, cheveux longs. J'demandais à Madame Briez, la directrice, vous êtes sûr que vous ne vous êtes pas trompée, y'avait ptet un « e », c'est une fille ? Non ? [rire].
J'lai eu jusqu'en 1975. Après y'a eu deux classes (Mademoiselle Limousin).
Quand j'ai passé mon CAP en 1957, j'avais 68 enfants ! [ !!!!!!!!!!!] L'inspectrice m'avait dit d'aller en ville, vous auriez moins d'embarras. Le certificat d'aptitude pédagogique, elle m'la donné cette bonne femme. Imagine faire gym avec 67 enfants de 3 à 5 ans. Et musique. Et chant. Mais à ce moment-là tu pouvais y aller, les parents disaient rien. Tu pouvais donner une clique, les parents ne seraient pas venus te trouver, au contraire ! Et après j'ai eu les enfants de ceux que j'avais eus au départ. Deux générations.
Les plus grands, certains ne savaient pas lire quand ils partaient. Ils faisaient lecture, écriture. Les moyens qui se débrouillaient, avec les grands. Les petits du coloriage, du découpage, beaucoup de travail manuel. De la peinture... j’sais pas si tu te rends compte avec 68 enfants ! Mais ça allait, ils étaient gentils. Il ne faut pas avoir peur du bruit quand tu es dans une classe comme ça ! Et plus tu cries et plus eux ils crient aussi ! [rire]
J'suis arrivée en 1955 à l'école. J'avais le logement en 1957 au-dessus de l'école. Sinon l'hiver, je logeais dans le café-épicerie de mémére Suzanne. J'repartais le mercredi et le samedi soir. Entre-deux je logeais là. Après un ou deux ans j'me suis acheté un Solex. Mais quand y'avait de le neige ça n'allait pas. Mais c'était quand même mieux qu'à vélo. Le premier jour j'ai cru que j'allais jamais trouver Nortkerque. 15-20 kilomètres, par tous les temps !
Les cours j'les faisais ici, à Nortkerque, pour en reprendre le moins possible. Au coin du feu chez mémére Suzanne, j'me revois encore. Quelques fois je repartais le jeudi matin, pour dire de rien avoir à faire à Muncq.