22 mai 2016 7 22 /05 /mai /2016 18:44

3 sauts à l’élastique manqués en raison de la météo. Une entreprise qui fait faillite/se barre avec la caisse. Clairement, j’avais l’impression d’être le chat noir. Et je me demandais : « dois-je vraiment faire un saut ou est-ce que quelqu’un m’envoie un message ??! ».

Ce samedi, direction Marck, ville voisine de Calais. C’était là où je voulais sauter, et pas ailleurs. Je rêvais de voir le détroit de la Manche et les falaises anglaises du ciel. Mon certificat médical en poche (pas comme François Pignon), je fais mon inscription, et mes ami(e)s/ma famille payent (pratique !). Ca y est. Je n’ai jamais été aussi près/prêt ! Nous voyons les avions décoller, nous voyons les parachutistes atterrir. Tous ont des grands sourires, et des mots dans la bouche, de ceux que l’on n’utilise pas tous les jours (« incroyable », « fou », « génial »). Julie est à mes côtés, Sarah et Lucas nous ont rejoints. Cette belle équipe va partager ce rêve.

Après une mini formation (quelle position adopter pendant la chute, où placer les bras etc.), je mets ma combinaison, et en route ! Nous grimpons dans un petit avion. Nous sommes neuf, et clairement, on est super serré ! Mais ça n’entame pas ma bonne humeur : pas stressé, et en forme !

 

Le grand saut / Skydiving
Le grand saut / Skydiving
Le grand saut / Skydiving
Le grand saut / Skydiving

Calais vu du ciel. Le sable, la Manche, les étangs et en bas à droite le camp de réfugiés.

Le grand saut / Skydiving

Je me régale pendant le vol. Nous observons les falaises du Kent au loin, tandis que la mer du Nord vue du ciel est bleu turquoise !!! (sauf au niveau du port, où les taches d’huile ne font pas rêver à une baignade).

Altitude : 4 000 mètres. C’est l’heure. Mon moniteur me rappelle les consignes, m’attache au plus près de lui. 4 types sont là avant nous, ils vont sauter pour aller faire des figures. La porte de l’avion s’ouvre. Là, j’hallucine un peu. C’est bizarre cette sensation d’ouvrir la porte d’un avion alors que l’on est en vol ! Les 4 paras se mettent près du bord et….hop !

Le grand saut / Skydiving

D’où je suis assis, j’ai l’impression qu’ils partent à 200 km/h ! Impressionnant ! Pas le temps de tergiverser que je passe ma jambe droite au-dessus du banc, et me rapproche de la porte. Je m’assois, les pieds dans le vide. J’ai l’air souriant, mais c’est forcé pour la vidéo ! Une pensée me traverse : pourquoi suis-je là ??? Mon pouls monte à 200, et si ça ne tenait qu’à moi, je ferais demi-tour illico ! Mais c’est mon moniteur qui me tient, et lui ne me pose pas la question cruciale ! Il saute ! Enfin, nous sautons !

Le grand saut / Skydiving
Le grand saut / Skydiving

Là, j’ai l’impression de boire la tasse. Une énorme tasse d’air ! Ma tête tourne dans tous les sens, j’ai mal aux oreilles, les larmes me montent aux yeux ! J’ai ressenti la sensation de tomber pendant deux secondes, et puis nous nous stabilisons. La chute libre va durer 50 secondes, mais j’ai l’impression que ça dure à la fois 15 secondes et bien trop longtemps ! Je vais subir la chute libre. Mes oreilles souffrent énormément. J’ai envie de regarder la terre, mais je sais que je dois regarder l’horizon. J’observe la mer, je regarde mon caméraman, qui vient me serrer la main ! Je reste souriant, mais je vous garantis que je souffre, surtout quand le moniteur m’explique que l’on va faire quelques tours sur nous-mêmes !

Le grand saut / Skydiving

Nous prenons de la vitesse, beaucoup de vitesse : proche des 200 km/h ! Ça décoiffe ! A 1500 mètres d’altitude, c’est la fin de la chute libre, le moniteur tire le parachute !

Le grand saut / Skydiving

Là, une impression : le silence ! Un énorme silence ! Plus d’air à travers les oreilles (et l’ensemble du corps), plus de vitesse, tout paraît calme, paisible. Je peux enfin regarder le sol, la mer, la plage. Calais paraît petit, et j’ai l’impression de dominer le monde ! Clairement, ça va mieux ! Le moniteur me file les manettes du parachute, m’explique comment faire des virages. Et puis il se fait plaisir et fait lui-même des virages énormes ! Je me prends une force centrifuge assez incroyable, j’ai des fourmis qui naissent dans mes chaussures et sur les jambes. Il arrête, et je souffle !

La piste se rapproche. Le vent est assez fort (les sauts suivants sont d’ailleurs repoussés). Mais mon moniteur est facile (ça fait 43 ans qu’il saute !). Nous nous posons tranquillement.

Le grand saut / Skydiving

Quel est le bilan de tout ça ? Dingue. Fou. Cinglé. Et tout autre synonyme. Quelque chose à faire dans sa vie. A refaire ? Je ne sais pas. Sentiment mitigé. Chute libre en souffrance, parachute génial. Mais j’ai clairement l’air heureux, une fois sur terre !

Le grand saut / Skydiving

Et si vous en voulez plus, la vidéo en-dessous !

Certes, le coût est élevé (235€ + 75€ si vous voulez la vidéo, dont j'ai extrait ces photos), mais c'est un souvenir d'une vie !
Les parachutistes de Dunkerque ici : http://www.parachutisme-nord.com/

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19 mai 2016 4 19 /05 /mai /2016 18:12

Pendant mes jeunes années, l'escapade était le nom du café où je devais tourner, sur la gauche, pour rejoindre le stade de l'Essor. Les entraînements, les matchs. J'échappais à ma routine de collégien et de lycéen le temps d'une heure trente, où les efforts n'étaient pas comptés, et où le plaisir était décuplé.

Aujourd'hui, mes escapades sont un peu différentes. Il me reste le football, le dimanche matin, et un plaisir presque inégalable. Mais l'escapade, cette action d'échapper un certain temps aux obligations de la vie quotidienne, est aussi (et comme souvent avec moi) dans les voyages.

La routine est quelque chose d'ennuyeux à vivre, mais c'est pire encore à raconter. Si je n'écris pas beaucoup depuis plusieurs mois, c'est que je partage ma vie avec ce mot que je déteste tant ! Routine de travail, qui peut se résumer ainsi : réveil, bibliothèque, repas, bibliothèque, repas, dodo. Bon, j'en rajoute un peu, et je sors souvent le soir, mais ça n'empêche, ma vie n'est pas très bandante. Et lorsque l'on me demande « quelles nouvelles ? » ou « qu'est-ce que tu as fait cette semaine ? », je ne peux pas m'empêcher de faire une moue dubitative : « j'écris ma thèse ». Je commence lentement à voir le bout du tunnel, et c'est l'occasion de parler un peu périple. Faut pas déconner non plus, j'ai un peu bougé, notamment ces dernières semaines.

Je commence avec une semaine de ski, ou plutôt de snowboard (ou plutôt assis dans la neige diront les témoins de la scène). C'était la première fois que je partais une semaine au ski, en compagnie de sept jeunes ou moins jeunes (et surtout des témoins). Saint-François Longchamp, une vue magnifique sur le Mont-Blanc, des soirées remplies de Néerlandais(es), raclette, fondue, pâtes, Agricola. Oh, merde, j'aime Agricola. Un énorme bol d'air, je comprends les gens qui partent chaque année.

L'escapade

Pas le temps de se reposer que je repartais en Belgique, direction Gand, avec un énorme coup de cœur. Une ville magnifique, un musée à ciel ouvert, mais vivant (à la différence de Bruges). J'adore les villes belges, et surtout celle-là. A 1h30 de Saint-O, foncez !

L'escapade
L'escapade

S'il y avait quelque chose que je voulais vraiment voir depuis plusieurs années pas loin de chez moi, c'était les falaises d'Etretat. Courbet, Monet, Flaubert, Maupassant, Arsène Lupin... l'endroit inspire. L'endroit respire. Cette craie blanche, l'arche, l'aiguille. Et même un phoque qui se balade au milieu de tout ça !

L'escapade
L'escapade
L'escapade
L'escapade

Changement de décor trois jours plus tard avec quelques foufous pour un enterrement de vie de garçon dans le Sud de la Belgique. On est des fous, on est des dingues (on est des cochons-dindes), à vélo, 50 bornes. A l'aller, le long d'une grande route. Pas le plus agréable, mais un bon entraînement pour le retour. Ca monte. Puis ça descend. Ca monte. Puis ça descend. Ca monte. Puis ça descend. Non, je ne radote pas (encore). Nous avons souffert ensemble, mais nous l'avons fait. Je regardais le goudron, mètre par mètre. Plus question de regarder devant, ça faisait trop mal au moral. Mais un véritable plaisir une fois à Chimay. Et une fierté. Nous l'avons fait. Sikora aime ça.

L'escapade
L'escapade

Enfin, un retour en Allemagne avec quelques autres foufous. Aix-la-Chapelle, une ville que je connaissais déjà. Mais cette soirée années 90.... l'une des meilleures de l'année ! Quelle ambiance ! Quelle musique ! Et ces Allemand(e)s, toujours aussi sympa !

L'escapade
L'escapade

Le fait de regarder en arrière me rassure un peu. Ma vie n'est pas bandante tous les jours (désolé pour le terme, je vois que je l'utilise trop!), mais ces escapades m'ont permis de tenir le choc. Ca n'est clairement pas un mauvais début d'année, au contraire. Et ça me donne beaucoup de motivation pour repartir une fois la thèse terminée. Ca tombe bien, j'y arrive.

Je n'ai pas oublié mon séjour à Marseille (j'attends les photos)

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8 mai 2016 7 08 /05 /mai /2016 20:19

Il y a des inventions fantastiques. Couchsurfing. Un Banana Split. Le football. Et plus récemment, à Saint-Omer, le café polyglotte.

Le principe est plutôt simple : une rencontre chaque mercredi, dans un bar de la ville (à tour de rôle le Dreams, le café de France et le Spey), pour discuter dans une autre langue. La part belle est faite à l’anglais, mais vous entendrez parfois de l’allemand, de l’espagnol ou de l’arabe. Bien sûr, le franglais est également très pratiqué !

L’idée est très bonne, encore faut-il qu’il y ait du monde…et là, c’est la surprise de mon retour dans l’Audomarois : il y a énormément d’étrangers à Saint-Omer ! Ou plus précisément d’étrangères ! (oui, c’est encore mieux !). La faute aux assistantes de langue qui pullulent dans les collèges et lycées du coin. Ainsi, je peux croiser Anglaises, Américaines, Canadiennes, Allemandes, Espagnole, Australien ou Marocains chaque mercredi, depuis l’automne... Bien sûr, il y a aussi quelques Français, chanceux qu'ils sont d'être si bien entourés ! Les discussions sont variées, passant de la qualité de la nourriture australienne (?) au funny fact about Canada, mélangés à ce qu'aurait pensé Freud de tout ça. Un petit jeu est organisé chaque semaine pour animer la soirée.

Le café polyglotte

Idée géniale n°2 : le café polyglotte ne se cantonne pas à sa réunion hebdomadaire. Une association est créée, les polyglottes audomarois. Et elle organise des activités ! Une soirée karaoké où j'ai pu faire étalage de ma maladie vocale. Direction Lewarde et son centre historique minier, à 4 voitures. Puis visite de Douai, pour une journée organisée sur le thème du ch'ti !

Le café polyglotte

Semaine après semaine, ces gens sont devenus mon rituel du mercredi. Un endroit que j’adore fréquenter. L’exemple d’un monde où les peuples se mélangent, où les cultures se confrontent, et apprennent tellement des uns des autres. Certains rient quand je dis que je pars. Car, 30 minutes plus tard, je suis toujours là. Que voulez-vous, c’est difficile de vous quitter et j’avoue n’avoir qu’une envie, c’est de passer des heures, des jours et des semaines en votre compagnie.

Je me devais d’organiser quelques activités, et montrer les choses sympas de la région (oui, oui, il y en a, par dizaines !). Direction Lille et son ambiance festive, Dunkerque et son carnaval déjanté.

Le café polyglotte
Le café polyglotte

Forcément, ça me change de ma routine et de l’écriture de ma thèse. Forcément, ça me rappelle un peu mon Erasmus. Encore plus cette semaine. Car, une par une, elles se sont envolées. Direction leur pays d’origine ou des voyages de fous à travers l’Europe. Alors les sourires sont un peu partis, et des larmes ont coulé. Au revoir, et souvent adieu. C’est ainsi la vie. C’est ainsi ma vie. Une rencontre avec des gens formidables, vivre l’instant présent, et se dire au revoir. Qu’importe, mon retour à la maison est facile, aussi grâce à ces gens-là. Regardez, j'ai même l'impression de voler !

Merci à Lucie et Tim de gérer tout ça d’une main de maître.

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8 mai 2016 7 08 /05 /mai /2016 19:41

Drôle de sensation. Je vole. Il a suffi de pas grand-chose. Un SMS. Je l’attendais. Le téléphone avait vibré deux heures plus tôt, mais ce n’était pas le prénom espéré. Cette fois, c’est le bon. Je souris, un grand sourire. J’attends un peu, je savoure le moment. Et puis je le lis.

 

J’ai un crush. Ce que nous appellerions dans notre si belle langue française un béguin. Ça fait bizarre. Ça faisait longtemps. Cette attente des SMS, des messages Fb. Les souvenirs reviennent. Bien sûr, elle n’est pas française. Bien sûr, c’est une histoire impossible. Forcément. Sinon ça serait trop facile. Sinon, je n’aurais pas été intéressé, sans doute. Ce n’est pas volontaire. C’est ce que je suis. Il faut apparemment que la fille soit étrangère, et que l’histoire soit très compliquée.

 

Comment la décrire. Une folie. Un ouragan. Une machine à conversation. Des blagues en rafale, avec un taux de réussite moyen. C’est irrésistible. Quelque chose dans le regard. Un mélange de bonheur, et une pointe de tristesse.

Difficile de la lire, de la comprendre. Elle est énigmatique. Exubérante et timide à la fois. Un peu susceptible, terriblement insecure. Pourtant, elle a tout pour elle. Je pourrais lui écrire 100 compliments, et la cuddler pendant des heures.

 

J’aurais pu passer du temps avec elle avant. J’aurais peut-être dû. Mais c’est aussi bien comme ça. Je ne souffrirai pas. Car mon crush s’envole. Et ça ne m’empêche pas de sourire. Tellement content de le rencontrer, de la rencontrer. Un dernier câlin. Et le train partira.

 

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16 mars 2016 3 16 /03 /mars /2016 14:40

           Lundi matin, Mamy est morte. Deux gros mois après Papy. « Ils se sont suivis de près ! », comme le disent les gens lors des visites au salon funéraire. Oui, et c’est sans doute mieux comme ça. Mamy n’avait plus envie. Mamy était malade. Mamy voulait rejoindre Papy. Son état s’était profondément dégradé la semaine dernière, et ce serait mentir que de dire que c’était une surprise lundi matin. Non, c’était plutôt un soulagement. Parce qu'à la douleur physique s’était ajoutée la douleur psychologique. Et que l’on n’y pouvait rien, parce que le cancer et les métastases gagnent toujours.

De mes dernières nuits passées avec elle, je retiens un moment. J’étais assis dans le salon, Mamy est allongée sur son lit d’hôpital. On discutait de ma cousine voyageant à Paris avec une amie, qui, elle, n’avait jamais vu la capitale. C’était son rêve. « C’est beau de vivre ses rêves », lâche-t-elle, les larmes aux yeux. Je réponds qu’elle prêche un converti, sans toutefois réussir à stopper les sanglots. Se lever, lui faire un câlin. Elle se met à pleurer de plus belle. « J’suis contente » qu’elle me dit. Et moi aussi, j’étais content.

L’été dernier, je suis allé interviewer Mamy. C’est une idée d’historien, de vouloir entendre le récit des anciens. Ça m’a passionné, et je compte faire de même prochainement avec d’autres. Je vous laisse donc en compagnie de ma grand-mère, qui vous raconte sa jeunesse. 

 

Thérèse

Une enfance de guerre

Je suis née en 1935 à Muncq-Nieurlet. J'ai été élevée par mes deux grands-parents maternels [François Sergent et Léonie Guilbert]. Pendant la guerre, nous étions tous ensemble. Ma grand-mère paternelle [Elise Wissocq] était remariée à Mentque-Norbecourt avec Emile Courbot. Le père de mon père [Eugène Fenet] s'était tué en 1921 en cueillant des cerises.

On allait en voiture à cheval ou à vélo. Derrière le cheval, c’était une sorte de diligence. On était heureux là-dedans. C’était le cheval à pépère François, mon grand-père de Muncq-Nieurlet, il me conduisait à l'école quand il faisait mauvais. Tout le monde avait ça, à part ptet un ou deux. On reconnaissait les voitures qui passaient du coup, ça c'est l'auto à Edmond etc...

J’me souviens des bombardements tout près. Mon grand-père avait construit un abri avec des ballots de paille. J'me rappelle de Denise qui disait « vite à l'abi-vite à l'abi ». Mon père [Albert Fenet] était prisonnier. Il a dû partir en 40. Il est revenu le 18 avril 1943, j'avais pas encore 8 ans. Il avait 3 enfants, et il avait eu le droit de rentrer. Tous les dimanches, mon grand-père allait jouer aux cartes à Polincove. Il revient blanc comme un mort, « Albert il revient ». Ça marque un enfant [voix qui tremble]. Il revient avec sa valise sur son épaule. Il est revenu au train, avec un autre de Muncq Nieurlet. L'autre, c’était le grand-père de Didier Dereuder, il s'est fait tuer par une bombe plus tard. Denise [sa sœur], elle était née en 1938, elle s'en rappelait plus beaucoup, en mangeant au soir « est-ce que je peux m'asseoir à côté du monsieur ? ». Les Allemands on les voyait souvent. Ils nous avaient apporté pour Noël des bonbons. Mémère [sa mère, Léa] avait tout mis dans le feu, de peur qu'on nous empoisonne [rire]. Nous ça nous faisait mal au cœur, on n’avait pas grand-chose comme bonbons ! J’me rappelle aussi du chat au grenier qui pisse sur la tête d’un militaire en dessous de lui ! [rire] « un petit peu d'eau » qu'il disait. Les Allemands venaient manger, demandaient pas la permission. Ils avaient réquisitionné pas mal de chevaux, mais pas celui de mon grand-père, par contre ils avaient pris la paille.

Vers la fin de la guerre, il y avait une petite Calaisienne qui était venue à la maison. Les enfants des villes, ils essayaient de les placer à la campagne, on mangeait mieux. Elle était venue. Elle habite encore Calais, Mireille, j'suis encore en relation avec elle. T'aurais vu comme elle était maigre ! Elle dit que c'était les meilleures années de sa vie à Muncq-Nieurlet. Elle arrivait au train, mon grand-père allait la chercher. Et elle restait toutes les grandes vacances.

On avait une carte de restriction qu'on montrait à la boulangerie. A Muncq, on devait aller à l'épicerie, et on l'utilisait. Mes grands-parents faisaient eux-mêmes du pain avec de la farine et des pommes de terre. A l'épicerie, t'avais un verre, tu remplissais ton verre de moutarde, ton paquet de café. Tout était en gros.

Le vin, il commençait à y en avoir à ce moment-là. Sur les cartes il y en avait, avant il y en avait pas. C'est comme ça qu'ils se sont mis à boire.

Y'a pas mal de Calaisiens qui venaient sur Muncq-Nieurlet se ravitailler, chercher des pommes de terre, du lard. C'est pour ça qu'il y a eu du marché noir, y'en a qui en ont profité.

 

En 1947, mon grand-père a pris sa retraite [à 70 ans]. Tout le monde a déménagé. Nous on a resté où mémère a fini. Mes grands-parents et nous on habitait dans la même maison. Il y avait une porte qui communiquait. A l'école, on y allait à pied, et de temps en temps mon grand-père nous amenait. On allait aussi au catéchisme, et à la messe tous les dimanches. On jouait avec ce qu'on avait. Avec Roland et Rolande, mes deux cousins on jouait ensemble avec mes deux sœurs. C’était une petite ferme, mais on n'a jamais eu faim, on n'avait jamais manqué de rien, pas l’abondance mais on a eu tout ce qu'il fallait.

 

L’école primaire

École primaire, classe unique, 5 ans jusqu'à 14 ans avec le certificat d'études. L’institutrice c’était madame Cornuel, une femme à poigne, parce qu’il y a avait des rudes numéros ! 9h-12h, 14h-17H, 5 jours par semaine, on avait notre jeudi. Lundi-mardi-mercredi, vendredi-samedi. On repartait manger à la maison, même si l’école était au centre du village. Quand on arrivait dans la classe, on allumait le feu, on lavait les tableaux, balayait les classes et tout. On était bien une trentaine. Les petits avec le CP, CE1, CE2, CM1, fin d'études. Je ne sais pas si le CM2 existait, oué p’tet. Les plus grands s'occupaient des plus petits. Celui qui travaillait bien, il finissait son boulot et participait avec les autres. Elle donnait du travail à tout le monde. Je me souviens des grandes cartes : les sciences, le corps humain. Récré le matin et l'après-midi, il y avait des punis forcément, consignés pendant la récré. Elle, elle habitait dans la cour de l'école. A côté de la mairie, là où il y a la salle maintenant. Nous, on faisait plus d'un kilomètre à pied, p’tet deux [réflexion], p’tet pas deux, 4 fois par jour. 20 minutes, on n'allait pas tellement vite, on n’était pas si grands. Quand maman travaillait dans les champs, c'est ma grand-mère qui s'occupait de nous 5. Quand les hommes n’étaient pas là, au début de la guerre, elles ont commencé à travailler puis elles ont continué après.

 

La vie à la ferme

Pendant les vacances on allait aider dans les champs, on était fin content ! C'était du 14 juillet jusqu'au 1er octobre, avec une semaine entre Noël et Nouvel An, pas de vacances d'hiver, une semaine avant Pâques et une semaine après Pâques. On faisait de tout, pas de moissonneuse-batteuse, mon grand-père avec une faucheuse, il coupait le tour du champ, nous on allait jeter les bottes. Après les pommes de terre, les haricots. On allait glaner avec ma grand-mère pour les poules. Elle avait une vieille voiture d'enfant on mettait toutes les glanes. On ramassait tous les épis, les poules étaient contentes. On n’avait pas le temps de s'ennuyer pendant les vacances. Il y avait des poules, des canards, ma tante avait des oies, nous 2-3 vaches, des cochons (c'est avec ça qu'on se nourrissait), une biquette… une fois ils l'avaient tuée avant qu'on se lève et ils disaient qu'elle était sauvée. Les cochons ça allait, on en avait à moitié peur. Les vaches avaient parfois des petits veaux. On arrivait à en vivre d'une petite terre comme ça, aujourd'hui ça serait plus rentable.
Le plus qu'on mangeait c'est du lard. Quand on tuait le cochon c'était la fête. On devait manger vite, parce qu’on n’avait pas de frigo. Il y avait du pâté de foie, des tripes... Des œufs beaucoup, des poules. Le dimanche c'était un bouillon de poule. Mais sur la semaine beaucoup de lard. Si on ne voulait pas de lard, on mangeait un œuf. Mais on n'avait pas beaucoup le choix. Des pommes de terre, des haricots. On avait des pommes, poires, prunes, pèches. J'sais même pas si on vendait à cette époque d'autres fruits. C'était pas la vie de maintenant.

Ma tante Germaine et Mémère allaient vendre des œufs sur le marché. Elles achetaient quelques bricoles, allaient à vélo. Le marché était à Audruicq, tous les mercredis.

 

La religion

C'était le curé qui faisait le catéchisme. Avec les bombardements on n’allait pas forcément à l'école. l'abbé Pronier, faisait le caté avant l'école. Mémère avait été le trouver, parce que c’était trop tôt pour nous et il en avait parlé à l'église, qu'une maman était venue le trouver, et qu'il a vu à ses yeux qu'elle n’était pas contente [rire] ! Il racontait des choses parfois ! Il avait un chien, il avait des poules. Le chien mangeait le blé de ses poules, alors quand le chien faisait caca, il redonnait le caca à ses poules pour qu'elles mangent le blé. ça valait bien le coup de nous faire lever pour raconter des conneries pareilles !

Pour la communion, on avait d’abord trois jours de retraite. Le jour de la communion, la basse messe, la grand’ messe et les vêpres. Le lendemain une autre messe. Quand Sandrine a fait la sienne, c'était encore comme ça. Quand on habite loin c'était compliqué. J'étais toute seule comme fille avec six garçons pour la communion. Il fallait réciter une prière à la Sainte Vierge devant la statue, les garçons la faisaient devant Saint-Joseph. On faisait aussi compliment au curé. Le curé était sourd, je lui faisais signe qu'il devait venir à côté de moi, les gens avaient ri dans l’audience.

Le lendemain après-midi, le maire nous offrait un goûter à sa maison, au fond de la Californie [rue du village]. On allait à pied, fin content. On faisait un diner, les parrains, marraines, les grands-parents. On mangeait un bon rôti de porc ou un bouillon de poule. On était content d'être tous réunis.

 

Les sorties d’enfance

On faisait des grand repas pendant les communions et les baptêmes. On ne se réunissait pas beaucoup en dehors. Ma tante de Paris c'était la fête quand elle venait. Lui, il travaillait aux chemins de fer, il n'y avait pas beaucoup de boulot par ici. Elle était garde-barrière. Ce sont les parents de Jeannette et Robert. Quand quelqu'un comme ça venait c'était la fête.

Le plus loin qu'on allait, c'était Eperlecques chez ma marraine, en voiture quand on était petite. Au nouvel An c'était à Mentque. Il n’y avait pas de téléphone, donc qu'importe le temps on devait y aller. On allait à pied, dans la neige. Le dimanche après nouvel an, c'était Eperlecques, dans la Westrove.
Là c'était la fête. On était reçu là mon dieu mon dieu, on mangeait tard, vers 3-4 heures. Et on repartait il faisait noir. On devait avoir une lanterne-tempête avec le cheval.

 

La jeunesse de Mamy

Il n'y avait pas grand-chose à part la ducasse de Muncq-Nieurlet. C'était notre seule sortie. Et le bal quand on était plus grande. Il n'y avait pas de manège quoi que ce soit. Je ne me rappelle plus. Le plus qu'on allait c'était à l'église. Il y avait aussi les missions. Des pères missionnaires qui venaient de je sais plus où. On leur faisait à manger, c'était un événement dirons-nous… On les répartissait dans les familles. On s'habillait, y’avait des bonnes sœurs, des curés. Denise elle y était, moi j'me souviens plus.

Noël on était tous ensemble, avec ma tante, on était 11 avec mes grands-parents. On allait à la messe de minuit à pied. J'crois pas que mon grand-père allait. On attendait minuit sans trop savoir quoi faire. On avait bien froid, on buvait un chocolat. Le lendemain, une orange, une brioche. Pas de jouet rien du tout. J’me souviens de la première boite de chocolats c'était Mémère qui allait travailler chez Alexis Lemaire, qui lui avait donné pour nous !

J'sais pas s'ils sont plus heureux maintenant, nous on était fin content avec ce qu'on avait. Ma grand-mère faisait p’tet un gâteau. C'était quand même mieux que la semaine.

 

Le collège et le lycée, à Saint-Omer

J'suis partie à l'école en octobre 1947 à Saint-Omer, on avait encore les tickets de rationnement. J'allais avoir 12 ans en décembre. C'était la fin de la guerre, on sentait encore des restrictions, on était mal nourri mon dieu l'horreur ! J'revenais tous les 15 jours. On prenait le train soit à Ruminghem soit à Audruicq. On allait à pied. Parfois on prenait le bus à Nordausques, il était plein alors on repartait et on prenait le train. Mémère venait avec, la valise sur le porte bagage, elle repartait à vélo. [Qui allait au collège ?] Les bons élèves, c'est l'instit qui décidait. On devait passer un examen d'entrée en sixième à Calais. Et après j'suis partie à Saint-Omer, la directrice Madame Darras connaissait madame Cornuel, mon instit.

On avait déjà été à Calais plusieurs fois en train. J'aimais pas grin’min [grandement] partir. On n’était tellement pas heureux là-bas. On était mieux à sa maison. Mémère me donnait des pommes, me donnait des brioches pour améliorer l'ordinaire. Une école avec que des filles, c'était un cours complémentaire, les garçons étaient place Ribot (à la poste), nous, c’était rue des Tribunaux juste en face du tribunal. La surveillante c'était Regina Obaton. On n'avait que des profs femmes, c’était 6ème-5ème comme maintenant, mais pas les mêmes matières. On était pensionnaire, on faisait nos devoirs là-bas. Notre prof d'anglais était en colère quand elle revenait, les pensionnaires qu'elle disait, on avait toujours fait quelque chose de travers !

J'ai eu une bourse pour y aller. Denise disait qu'elle n’aurait pas voulu y aller. On passait encore le certificat d'études à 14 ans, puis le brevet. Après le brevet, j'avais fait une année pour l'école normale, mais j'ai pas eu le concours. Alors j'suis partie au lycée.

On allait en promenade à Saint-Omer le dimanche avec le surveillant, puis le jeudi, avec le chapeau et un uniforme. Tous mes chapeaux sont en haut, dans une caisse. Il fallait du linge et tout ça. C'était des grandes chambrées, on était au moins 5-6 par chambre. L'ambiance... On se lavait à l'eau froide dans une cuvette, y’avait pas de toilettes, on avait un seau hygiénique. Pas forcément des bons souvenirs ! La toilette était vite faite à l'eau froide ! [Rire]. En étant à l'école normale on était plus formé. C'est pour ça que je voulais le passer. (anecdote de l’eau gelée pour se laver…)
La fille qui était avec moi, c’était Reine Roger, de Muncq-Nieurlet, elle était avec moi à l'école puis à Ribot.

Au Lycée Ribot. C'était nettement mieux. C’était en 1952. J’étais pensionnaire aussi, sur le même rythme. Ribot était mélangé garçons-filles, pas dans les dortoirs forcément. Il en avait un peu de toutes les races là-dedans [sic !] Y'avait anglais puis c'est tout, pas d'option. Pas d'allemand. Et du sport.

Le bac se déroulait en deux parties. La première partie à la fin de la première, et la deuxième partie à la fin de la terminale. J'avais passé sciences expérimentales, ça doit correspondre à ES, Y'avait math, philo et sciences expérimentales. La première partie j'l"ai eue du premier coup, la deuxième partie j'l'ai eue à l'oral.

 

Les sorties d’adolescence

[Avais-tu d’la visite ?] Mes parents venaient pas souvent sur Saint-Omer tu sais.

On sortait quand même plus au lycée, on allait au théâtre, au cinéma, toujours avec l'école. Il y avait le Famillia rue Gambetta, puis le Gaumont. J'ai encore été voir les Compagnons de la chanson en étant au lycée. Roland nous avait payé le cinéma avant d'aller faire le soldat, en 1953, à Audruicq. Ça m'avait frappé.

A la maison on écoutait les informations, mon grand-père surtout, on n’avait pas le droit de parler à ce moment-là. Mais j’ai eu ma première télé en 1964, à l'école.

On sortait au marché. Au concours agricole à Audruicq, il n'y avait rien par ici, alors aussitôt qu'il y avait quelque chose on y allait ! La neuvaine du 15 août à Recques, avec la messe à 6h45, on grimpait à la chapelle. On continuait d'y aller avec mémère.

 

On était bien. On ne serait jamais permis de répondre. Jamais malheureux, jamais on n'aurait reçu une claque. Élevés à la dure, mais ils n’avaient pas besoin de crier pour qu'on obéisse. Quelquefois on voulait aller quelque part, on demandait à ma mère qui disait « demande à ton père ». Et lui qui disait « demande à ta mère » [Rire]. Mais quand l'un des deux avait dit non, ça restait non, pas la peine de redemander.

Après on allait à la ducasse des villages autour (Eperlecques, Recques). Émile Prudhomme à Eperlecques, quand il y avait une vedette on y allait, parce qu'à Mentque il venait personne. Et j'suis allée une fois à la course de lévriers, c'est là que j'ai rencontré Babar.

La jeunesse de Mamy

Institutrice
En octobre 1955 j’suis devenue instit. J'ai eu vite un solex. Sinon avant j'faisais la route à vélo entre Norkerque et Muncq. J'avais reçu mes papiers débuts octobre, j'devais commencer le 4. Je connaissais même pas Nortkerque ! On n’avait pas de formation, on devenait instit’ juste après le bac.

Premier jour. Mon Dieu ! J'en avais 55. C’était une nouvelle classe. Pour que ça puisse ouvrir, il en fallait 50. Des enfants de 3 à 5 ans. Moi j’avais 20 ans. Ils se ressemblaient tous pour moi ! [rire]. La classe était dans la cantine de maintenant. Il y en avait un, André, cheveux longs. J'demandais à Madame Briez, la directrice, vous êtes sûr que vous ne vous êtes pas trompée, y'avait ptet un « e », c'est une fille ? Non ? [rire].

J'lai eu jusqu'en 1975. Après y'a eu deux classes (Mademoiselle Limousin).

Quand j'ai passé mon CAP en 1957, j'avais 68 enfants ! [ !!!!!!!!!!!] L'inspectrice m'avait dit d'aller en ville, vous auriez moins d'embarras. Le certificat d'aptitude pédagogique, elle m'la donné cette bonne femme. Imagine faire gym avec 67 enfants de 3 à 5 ans. Et musique. Et chant. Mais à ce moment-là tu pouvais y aller, les parents disaient rien. Tu pouvais donner une clique, les parents ne seraient pas venus te trouver, au contraire ! Et après j'ai eu les enfants de ceux que j'avais eus au départ. Deux générations.

Les plus grands, certains ne savaient pas lire quand ils partaient. Ils faisaient lecture, écriture. Les moyens qui se débrouillaient, avec les grands. Les petits du coloriage, du découpage, beaucoup de travail manuel. De la peinture... j’sais pas si tu te rends compte avec 68 enfants ! Mais ça allait, ils étaient gentils. Il ne faut pas avoir peur du bruit quand tu es dans une classe comme ça ! Et plus tu cries et plus eux ils crient aussi ! [rire]

J'suis arrivée en 1955 à l'école. J'avais le logement en 1957 au-dessus de l'école. Sinon l'hiver, je logeais dans le café-épicerie de mémére Suzanne. J'repartais le mercredi et le samedi soir. Entre-deux je logeais là. Après un ou deux ans j'me suis acheté un Solex. Mais quand y'avait de le neige ça n'allait pas. Mais c'était quand même mieux qu'à vélo. Le premier jour j'ai cru que j'allais jamais trouver Nortkerque. 15-20 kilomètres, par tous les temps !

Les cours j'les faisais ici, à Nortkerque, pour en reprendre le moins possible. Au coin du feu chez mémére Suzanne, j'me revois encore. Quelques fois je repartais le jeudi matin, pour dire de rien avoir à faire à Muncq.

 

 

La jeunesse de Mamy

Papy Babar


Après la rencontre à la course de lévriers. Il est parti fin 56 pour l'Algérie, ça devait être juste avant. Reine Roger connaissait un garçon de Houlle, c'était le voisin de Babar. On a fait la connaissance de Babar là-bas. J'lui ai écrit quand il était en Algérie. Il est revenu fin 1958, il était malade. Il avait eu la jaunisse. Et après il a fini son service à Amiens. J'étais sa marraine de guerre. Pendant la guerre il y en avait beaucoup qui faisaient ça.

La jeunesse de Mamy

Quand il revenait en permission on se revoyait quand même, on est ‘cor allé au bal à Audruicq.
J'suis plus sûre quand j'l’ai présenté, sans doute au concours à Audruicq. Ils ont trouvé qu'il était pas mal. S'il me plaisait à moi de toute façon…

Et Denise à peu près dans le même temps elle avait rencontré Octave, alors on sortait à 4, c'était mieux qu'à deux.

On s’est marié le 13 août 1960. Babar était à Houlle à la ferme de ses parents. Après il est parti à la fonderie d'Audruicq. La ferme n'était pas rentable. Moi j'étais déjà à Norkerque. Là c'était pas loin. Octave travaillait déjà là, depuis ses 14 ans, ça ne devait pas être gai à cette époque-là. Babar faisait la route à mobylette. Et en 1961 on a acheté une auto. J'aurais dû apprendre à conduire et passer mon permis [regard qui part dans la vide]…

Quand on s’est marié, on a toujours continué d'occuper le logement, jusqu'en 1974, avec la maison.

La jeunesse de Mamy
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6 mars 2016 7 06 /03 /mars /2016 22:27

Ce sera ton regard. Ce sera ton sourire. Ca débutera ainsi, car ça débute toujours ainsi. Tu comprendras de suite, car ça fait partie des choses que je ne sais pas cacher. Et tu liras très vite dans moi comme dans un livre ouvert. Les pages ne seront pas toujours fantastiques, elles ne seront pas toujours heureuses. Nous traverserons des épreuves, nous traverserons les doutes et les peines. Mais nous écrirons lettre après lettre, mot après mot, phrase après phrase, ce « nous » que j’utilise déjà aujourd’hui. Pardonne-moi, je ne sais pas encore qui tu es, ni à quoi tu ressembles. Mais je sais que tu es là, quelque part. Que tu existes. Et je te cherche, sans trop l’avouer, sans trop me l’avouer. Car sans toi les journées ne sont pas tout à fait les mêmes (et je n’évoque pas les nuits). Il y a un manque. Sans toi l’envie n’est pas là, sans toi l’espoir n’existe pas. Sans toi, ce n’est pas le bonheur. Je t’attends avec impatience, tu sais, le temps me paraissant bien long. Quelle peut être cette vie sans amour ? Une lente agonie. Une suite de souffrances. La définition du malheur. Mais je suis encore là car j’ai le souvenir de cette puissance, j’ai le souvenir de ces instants, j’ai le souvenir de ce sentiment. Je donnerais ma thèse, je donnerais mes amis, je donnerais ma famille. Ça n’est pas bien, je le sais, mais tu sais que j’exagère dans ces moments-là.

Attention à toi, je ne suis pas quelqu’un de bien. Je voudrais l’être, mais j’en suis encore loin. J’essaie de m’améliorer, pour être prêt le moment où je te rencontrerai. Car, à partir de ce jour-là, je me devrai d’être irréprochable. Je devrai être là pour toi, dans tes moments de faiblesses et de tristesses, pour te porter et te réconforter, pour faite naître tes sourires et permettre tes rires, pour t’enlacer tendrement et t’embrasser amoureusement. Car tu seras ma raison de vivre.

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4 mars 2016 5 04 /03 /mars /2016 09:15

La chambre est éclairée par une drôle de lampe. La couverture verte, le papier peint rempli de fleurs en tous genres, Marie tenant Jésus dans ses bras, une boîte en forme de canard (?!) : Valérie Damidot n'est clairement pas passée ici. Le lit fait 1m80 et le matelas est vraiment étrange. Cette chambre, c'est la mienne cette nuit. C'est la mienne pour la troisième fois en autant de semaines. Drôle d'idée pour découcher, hein.

Je suis chez ma grand-mère. Je suis dans la maison de Mamy Didi et de Papy Babar. Je suis dans leur chambre. Je suis dans leur lit.

 

La maison est remplie de souvenirs. Ma pièce préférée, c'est la première chambre à droite, parce que c'est là où je dormais quand j'étais petit. La lumière y est tamisée, et dans la bibliothèque j'observais avec envie des titres que l'on ne trouve qu'ici. « Comment peut-on avoir autant de livres chez soi ? », réflexion de mon enfance. Aujourd'hui, les pièces du fond sont un sacré fourre-tout, remplies de cartons, de magazines, de papiers divers et variés. Ma grand-mère avait tendance à tout conserver, « au cas où ». Elle me découpait avec amour des pages de magazines, surtout celles qui parlaient d'un endroit où j'avais déjà mis les pieds. De mon côté, je regardais souvent d'un œil distrait cette attention si particulière.

La pièce suivante, elle était sacrément cool aussi, car c'est là que sont les jeux ! Les puzzles aussi ! C'était l'étape prioritaire à chacune de nos arrivées. Dans le couloir, on s'arrêtait aussi derrière l'escalier : la caverne d'Ali Baba. Et pour cause, plein de boissons que l'on n'avait pas chez nous ! Un jus de raisin ou du Canada Dry, l'après-midi peut commencer.

 

Dans la pièce de vie, les grandes fenêtres donnent sur un parterre de fleurs. Quelques mètres plus loin, la barrière alerte : « attention au chien ! », alors que Nono est mort il y a bien quinze ans. Sur le trottoir, on voit bientôt passer Madame Briez, ou bien Madame Catez, ou Patricia, ces femmes que je ne connaissais pas de visage il y a peu, mais dont j'ai entendu parler mille fois. Quand à Madame Decroos, de l'autre côté de la rue, il y a bien longtemps qu'elle est partie.

 

De l'autre côté de la maison, il y avait les pots de fleurs trônant sur des plaques métalliques, entourées par les cailloux. Un bâtiment est là, où se côtoient les outils de jardin et les vieux jeux de quilles. Juste à gauche, des cages à lapins, vestiges d'une époque d'élevage, et un immense jardin derrière la barrière. Aujourd'hui, le jardin n'est plus, les arbres non plus, et je me dis qu'on aurait sans doute fait des grands matchs de foot si ça avait été comme ça à l'époque.

Papy, lui, c'est plutôt pétanque. Les boules sont dans le coin derrière la porte, avec les chapeaux au dessus du porte-manteau. A gauche, il y a la cuisine et cette lumière d'hôpital. Ma grand-mère fait sans doute un bon petit plat, un rosbeef et des frites. Avant ça, on aura des plateaux de biscuits apéritifs, et on s'éclatera avec les cigarettes au fromage. Papy est au bout de la table, forcément. Et à un moment, on sortira le jeu de cartes, la belote remplaçant la manille quotidienne.

 

 

Il y a bien longtemps que cette maison n'est plus. Papy est parti, Mamy est encore là, mais pas dans la forme de sa vie. Le silence a remplacé le bruit de la télévision ou de RTL, et les comptes de la valise se sont arrêtés. La radio n'a toujours pas appelé...

Je viens d'aider Mamy à étaler ses jambes, mais la douleur est intense. Je ne peux rien faire.

 

Alors je déambule dans le couloir, méditant sur la vie, sur la vieillesse. J'observe chaque pièce, chaque détail, et un soupçon de tristesse m'envahit, au point où des larmes me montent aux yeux. Car cette maison, elle pue le temps qui passe.

Souvenirs d'une maison
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23 février 2016 2 23 /02 /février /2016 11:26
Une autre gauche

Suivre la politique, c’est énervant. Surtout en ce moment. La réforme du code du travail par exemple. Un recul impressionnant pour les salariés, que l’on justifie par des facilités pour les entreprises, qui vont de ce fait pouvoir embaucher ! Ah, ce fameux chantage à l’emploi ! Ce sera sans doute le million d’embauches prévues par le pacte de compétitivité, dont on attend toujours la couleur (mais qui coûte 41 milliards d’euros de réduction de charges au bénéfice des entreprises, surtout les grosses). A écouter le Medef, il faudrait supprimer l’ensemble des taxes, travailler 12h/jour et abolir les congés payés, et on finirait par avoir le plein-emploi.

 

Mon gros problème, c’est que ces réformes se font un peu en mon nom. Oui, j’ai voté à gauche, je crois, en 2012, au deuxième tour de la présidentielle. François et Manuel sont officiellement de gauche. Mais pas tout à fait la même que moi.

 

Ma gauche à moi, ce n’est pas le libéralisme, dont j’ai lu récemment qu’elle était une « valeur de gauche » (une tribune dans le Monde des « Jeunes avec Macron »). Ma gauche à moi, ce n’est pas l’état d’urgence permanent. Ma gauche à moi, ce n’est pas taper sur les chômeurs, ces fainéants, dont il faut réduire les allocations. Non, ma gauche à moi, c’est un peu l’inverse de tout cela. Ma gauche à moi, c’est une politique qui va dans le sens du progrès, qui va dans le sens du travailler moins, pour vivre mieux. Ma gauche à moi, c’est celle qui défend la majorité, contre une petite minorité oligarque. Ma gauche à moi, c’est celle qui prend la défense des plus démunis, chômeurs et réfugiés, veuve et orphelin. Ma gauche à moi, c’est plus celle de Taubira que celle de Macron.

 

Je me dis que je me gauchise. Sans doute un peu. Ou alors, c’est l’ensemble de la politique qui se droitise. Sans doute aussi. Parce que je ne vais pas tarder à avoir 30 ans, et que j’ai l’impression que le progrès, c’était avant. Que la réduction du temps de travailler c’est terminé (rappelez-vous du principal regret des gens qui vont décéder : « j’ai trop travaillé »).

 

Et je suis énervé ce matin, car je ne vois pas de solutions politiques. Parce que la droite abonde dans le même sens du reniement des acquis sociaux (tout en disant que la gauche ne le fait pas bien), parce que le centre est mort, parce que les verts se sont sabordés, parce que Mélenchon est trop occupé à dire du bien des grands démocrates Poutine et Castro. Je cherche bien un Podemos à la française, mais je rêve éveillé. La fin du cumul des mandats, la démocratie participative, une Union Européenne par le peuple, pour le peuple.

 

Mais ça viendra, un jour. Parce que le progrès triomphe toujours à la fin, que c’est le sens de l’histoire. Parce que j’ai rencontré des gens pensant la même chose dans la Jungle de Calais, dans des débats publics concernant les voies cyclables à Saint-Omer et même à Bujumbura, où les explosions résonnent encore ce matin.

Bien sûr, il y a pire que nous. Bien sûr, la France est un beau pays et tout n’est pas à jeter. Mais ce n’est pas une raison pour aller de plus en plus souvent dans la mauvaise direction. 
Une autre gauche est possible. Une autre vision du pays. Une autre vision de la vie.

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24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 23:32

Cela fait plusieurs mois que je pense à écrire cet article. Mais j'ai du mal à trouver le juste équilibre. Car voyez-vous, j'ai une position bien arrêtée : non, les hommes et les femmes ne sont pas égaux.

 

Je vois des sourires crispés. Des sourcils froncés. Que voulez-vous mesdames, il faut bien se rendre à l'évidence : vous nous êtes de très loin supérieures.

 

Un premier chiffre qui le prouve : aujourd'hui, les prisons françaises sont peuplées à 96,5% d'hommes ! (!!!!!) Oui, messieurs, nous sommes violents, voleurs, tueurs et criminels. Beaucoup plus largement que le deuxième sexe. Il n'y a qu'à regarder autour de nous : une soirée alcoolisée, des regards ou des paroles échangés, et des coups qui pleuvent. Vous avez déjà vu ça, avec des filles ? Avez-vous déjà vu des supportrices féminines se taper sur la gueule parce que l'adversaire n'a pas les mêmes couleurs que vous ? Ce sont des expériences très personnelles, mais j'ai joué au football en district, j'ai supporté le PSG au Parc des Princes, j'ai fait la fête dans pas mal de boîtes ou à des carnavals. Et jamais je n'ai vu une bagarre de filles ! Jamais ! Ce n'est pas faute d'en chercher, ce n'est pas faute d'avoir toujours 2€ sur moi au cas où, afin d'être prêt pour les paris. Mais ça n'arrive pas. Par contre, des bagarres de mecs, j'en ai vues, et c'était moche.

 

Ce n'est pas tant la violence que le cerveau. Car oui mesdames, vous êtes plus intelligentes que nous. 87 % des filles réussissent le brevet contre 82 % des garçons. Vous êtes 89 % à décrocher le baccalauréat contre 85 % des garçons. 31 % obtiennent un diplôme allant de la licence au doctorat, contre 24 % des garçons. Et c'est pareil dans tous les pays occidentaux. Et je ne suis pas surpris. Je me souviens bien de moi, à 14 ans. Immaturité, tel était mon nom. Et si les filles de 14 ans sont loin d'être matures, elles le sont souvent plus que les garçons.

 

Je me pose la question : pourquoi l'homme est-il inférieur à la femme ? Est-ce de par son éducation ? Est-ce que c'est l'ordre naturel des choses ? Est-ce à cause de ce qui pend entre nos deux jambes ? La testostérone. Oui, peut-être. Il n'y a qu'à nous voir en soirée. Pendant que mesdames dansent et pensent à la musique, messieurs, nous pensons à cette jolie blonde et à comment la draguer. Nous pensons avec notre sexe. Tristesse.

 

Mesdames je vous admire. Vous êtes la vie, vous faites la vie. Je vais finir par croire que je suis amoureux de vous. [à part peut-être Madame Thatcher]

L'inégalité des sexes
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19 janvier 2016 2 19 /01 /janvier /2016 23:09

Il est de ces soirées où tout nous semble possible, où le monde nous paraît si petit, où chaque barrière semble être franchissable. Certains ont cette sensation après quelques verres d’alcool, d’autres s’injecteront un peu d’héroïne. Moi, ça me vient comme ça, après un bon film.

Ce soir, j’ai envie d’être fou, de prendre la voiture et d’aller entendre le bruit des vagues, la fureur de l’océan. J’ai envie de goûter la neige fraîche en haut d’une montagne, et de mettre mes pieds dans un ruisseau. Je me vois sur une plage tropicale après avoir pris un ticket d’avion au hasard, et sans prévenir qui que ce soit me barrer de l’autre côté du monde. Ce soir, j’en ai un peu ma claque de regarder mes journées défiler sans arrêt à la station folie. Toutes ces minutes perdues, toutes ces semaines remplies de médiocrité. Ce n’est pas mon idée de la vie, ce n’est pas comme cela que je la conçois.

C’est un éloge de la folie. Un poème à la vie.

Je ne me sens jamais autant vivant que dans ces décisions. Que lorsque l’idée étriquée arrive dans mon cerveau. Je me vois déjà la réaliser, la vivre, et je souris à la vie, à cette folie. Bon Dieu, que tout le monde puisse connaître ce sentiment. Parce que décider d’un tour du monde, c’est presqu’aussi génial que de le vivre. Parce que nager dans un lac glacé c’est se réchauffer le cœur pour des années. Parce que lever le pouce sur une route de France, c’est lever le pouce au monde qui nous entoure. Le bonheur est ainsi fait chez moi. Et ce que je recherche chez l’autre, c’est bel et bien ça. Parce que la première question que je pose parfois s’intitule : « c’est quoi le moment le plus fou de ta vie ». Un soir, à Bordeaux, deux filles m’ont répondu que c’était d’être allé manger chez des gens qu’elles ne connaissaient pas.

Nous sommes dans une société qui ne nous encourage pas à vivre nos rêves les plus fous. Il faut être plus terre à terre, plus réaliste, moins utopiste. Je me souviendrai toujours de la première réaction de mon père lorsque j’ai dit que je voulais faire un tour du monde : « redescends sur Terre un peu ». Car les tours du monde ça n’existe pas. Pas chez nous en tout cas. Mais moi, je ne veux pas redescendre sur Terre, je veux justement voler, à plusieurs kilomètres de haut, et que l’on me balance d’un avion en plein vol, un parachute sur le dos. Je veux avaler les nuages, aspirer l’air glacé et faire l’oiseau. Je veux foncer à plusieurs centaines de kilomètres heure, que mes oreilles aient l’impression d’être dans un bocal, et que mes yeux pleurent de bonheur.

Bon sang, nous n’avons qu’une vie. Si demain on nous annonce une mort imminente, qui nous laisse une semaine à vivre, que ferons-nous ? Toutes les folies que nous nous interdisons pourtant. Nous laisserions l’honnêteté prendre le dessus, dirions merde aux gens qui nous font chier et je t’aime aux gens que nous aimons. Nous quitterions notre boulot, et partirions avec des amis le temps d’un week-end. Tout le monde trouverait du temps pour toi, car tout le monde saurait que tu n’es là qu’un petit bout de temps encore. Eh ! Mais c’est justement le principe de la vie ! Une semaine passe vite, et une vie, encore plus. On se faisait la réflexion récemment avec un bon copain, le temps accélère, toujours. On pense que ça va finir par ralentir un jour, mais c’est une lutte perdue d’avance. La première vitesse a été passée lors de notre première année de vie, la deuxième lors de la deuxième, et la cinquième lors de la cinquième. Depuis, on roule en sixième, à 230 km/h (en vérité, à 1670 km/h, puisque c’est la vitesse de la rotation de la terre !).

 

Bon, il est minuit, je vais me coucher. La folie attendra la fin de ma thèse.

 

Eloge de la folie
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